On recommence toujours ce qu'on a réussi...ce qui n'est pas forcément une garantie de réussite, mais Jean-Christophe Cambadélis a-t-il le choix? Pour ne pas jouer le triste rôle de croque-mort d'un parti moribond, pour tenter de lui donner un second souffle, il tente de le réanimer en jouant la carte du "Renouveau". "Mes amis, mes camarades…Notre Renouveau est ma seule ambition". "Renouveau", un mot fétiche qui renvoie à son passé combattant, quand jeune militant trotskiste il avait, en 1980 conquis la présidence de l'UNEF-ID, organisation à l’agonie. Ce sont les communistes qui abattaient cet atout du Renouveau avec leur "UNEF-Renouveau", mais il les avait battus à l’époque avec l'aide des socialistes, tel ...Jean-Marie Le Guen, qui se retrouve à ses côtés dans cette aventure du "néo-Renouveau". Comme l’ex-trotskiste aussi et député Christophe Borgel, comme tant d'autres avec lui qui ont pris le pouvoir dans ce parti, mais affrontent un défi d'une autre dimension, quasi himalayesque: redonner vie, souffle et force démocratique à un appareil partisan exsangue, plusieurs fois défait aux dernières élections, et en pleine déroute idéologique.
L'épaisseur du Premier secrétaire
Comme il en rêvait de cette "orga", "Camba", et depuis toujours, il est servi. Mais point rassasié. Il s'en faut. Jean-Christophe Cambadélis "Premier secrétaire du Parti socialiste"- le titre est écrit en toutes lettres au bas de son discours, comme une décoration ou pour que personne ne l'oublie. Il peut savourer cette ascension que Lionel Jospin lui avait refusée au bénéfice alors de François Hollande. Il ne remâche pas les échecs passés ; il se délecte de l’instant jubilatoire. Le Premier ministre à ses pieds ainsi que tous ces socialistes dont beaucoup l’avaient toisé de haut quand, cinquième roue du carrosse mitterrandiste il n’était qu’un "petit trotsko" avec son nom de guerre Kostas et puis ensuite plus tard tous ces énarques qui l’avaient affublé du méchant surnom "Cambadélit". Oubliés les mauvais souvenirs, "les affaires". Il a pris du poids, de l’épaisseur en ce jour poitevin. Quand il a rejoint la scène pour son discours de clôture, il a pris le temps de la cérémonie, adopté le pas de la "force tranquille" qui sied à la sa fonction qu'il prétend remplir pleinement. Cet apparatchik est un des rares qui croit vraiment au rôle vital des partis et du parti socialiste en particulier. Il ne se rasait pas tous les matins en pensant à la rue du Faubourg Saint Honoré, mais à Solférino, non pas pour l’escalier d’apparat ni pour le trône –encore que…- mais pour la "bataille", dont il sait qu’elle n’est pas gagnée. Il s’en faut. Mais il avait bien su y faire avec l’UNEF, alors, pourquoi pas?
C’est vrai que le jeunot avait montré une redoutable habileté tacticienne, et un sens de la manœuvre unitaire qui avaient permis d’exploser les communistes de l’UNEF-Renouveau, alors maîtres du syndicalisme étudiant et en partie du monde intellectuel. Mais le stalinisme était à son déclin, et il y avait un désir de gauche dans la jeunesse qu’il chevauchait, en même temps qu’il le faisait grandir jusqu’à participer de la victoire de François Mitterrand. Aujourd’hui, à l’inverse il y a une fatigue de gauche dont on ignore si elle est à gauche. Un dégoût même parfois. Un rejet difficile à combattre non seulement parce que les résultats ne sont pas là, mais comme il le souligne, parce que la droite règne sur et dans les esprits. En France comme dans toute l’Europe. L’hégémonie intellectuelle d’hier s’est transformée en discrédit. Pour n’avoir livré aucun combat sur les valeurs, le PS les a tous perdus à commencer par celui de l’Europe ou de l’égalité. Tout est à repenser par des politiques sans pensée à force de se perdre dans le pouvoir ou le contre pouvoir. Vaste programme…
Le dépassement du parti socialiste
Il l’a énoncée cette ambition dans son propos de Premier secrétaire : "Renouveau des têtes….Renouveau des méthodes…Renouveau des thèmes…Renouveau de l’organisation…Le renouveau c’est le dépassement du parti socialiste". Les discussions ont commencé avec les partenaires, en particulier les écologistes. Mais il est dur de s’entendre la nuit quand on se déchire le jour…Difficile aussi de faire croire au "Renouveau" quand le pouvoir stérile use et abrase votre énergie. Heureusement, il y a la droite-extrême et l’extrême-droite qui mobilisent contre elles. Mais l’épouvantail a déjà beaucoup servi. Il faut trouver, d’urgence, autre chose. Plus mobilisateur. "S’il te plait, dessine moi un dessein…". Hollande qui a la main gribouille encore de trop.
"Le premier secrétaire du PS" ne (se) dissimule pas l’ampleur de la tâche, et le risque mortel de ne pas l’accomplir : "si jamais le Parti socialiste, concluait-il, venait à disparaître, la République perdrait sa meilleure défense…". Autrement dit, il n’excluait pas sa disparition. Ce n’est pas la lucidité qui lui fait défaut, mais sans doute les forces intellectuelles que cette organisation n’a plus mobilisées depuis des années au point d’en perdre beaucoup. Incroyable comme dans ce congrès par exemple rares ont été les intervenants à évoquer pour ne prendre que ces exemples les questions écologiques, identitaires et européennes. Il y en a bien qui oeuvrent dans l’ombre à ce ressourcement spirituel tel le très discret numéro 2 du Parti Guillaume Bachelay. Mais la plupart des responsables, s’ils sont prêts à se lever pour l’ancien Premier ministre Pierre Mauroy comme hier à Poitiers en un hommage émouvant, n’ont guère mis en pratique ce qu’écrivait "l’héritier de l’avenir" : "je me sens proche de ces utopistes qui à force de croire obstinément à leur rêve finissent par leur imposer la réalité". "Camba" avait un rêve, mais il est bien seul…