Statut fiscal avantageux, avals bancaires publics, surestimation de la valeur des terrains des clubs, financements illégaux présumés... On trouve un peu de tout dans le dossier examiné par la Commission européenne sur de possibles aides publiques illégales à sept clubs de football espagnols, dont le Real Madrid et le FC Barcelone. Des aides qui créeraient une distorsion avec les autres clubs espagnols et internationaux.
Bizarrement, c'est le ministre des affaires étrangères espagnol, José Manuel Garcia Margallo, qui a vendu la mèche en annonçant, lundi 16 décembre, que Bruxelles allait ouvrir dans la semaine une procédure d'infraction contre le Real, le Barça, l'Athletic de Bilbao, Osasuna, Hercules, Elche et Valencia. Besoin de défendre la « Marca España » avant que ne tombe la nouvelle ? Dérapage incontrôlé ? Quoi qu'il en soit, il a devancé le commissaire européen à la concurrence, Joaquin Almunia, pour aussitôt dire que Madrid allait « défendre les clubs jusqu'au bout. » « Je m'inquiète du préjudice qui peut leur être causé, » a-t-il ajouté. On ne plaisante pas avec le football en Espagne.
Mais que leur est-il reproché au juste ? Bruxelles s'interroge sur le fait que le Real, le Barça, l'Athletic et Osasuna sont les seuls clubs de première division à ne pas s'être transformés en sociétés anonymes sportives. Restés des « associations sportives non lucratives », ils pourraient avoir bénéficié d'un régime fiscal avantageux.
22,7 MILLIONS D'EUROS POUR UN TERRAIN DE 420 000 EUROS
La Commission se penche aussi sur une opération urbanistique complexe entre la mairie de Madrid et le Real. Lorsqu'en 1998 le club décide de déménager, il négocie un troc avec la mairie. Le club donnera 90 % de ses terrains d'entraînement, situés alors au bout de la Castellana, l'artère principale de Madrid, et en conserve 10 % pour une opération immobilière juteuse : la construction de quatre gratte-ciel. La mairie lui offre en échange un lot de plusieurs terrains, dont ceux de Valdebebas, où il s'entraîne aujourd'hui, et d'autres à Las Tablas.
Or, en 2003, la mairie se rend compte que les terrains de Las Tablas, réservés à l'usage public, n'auraient pas dû être cédés. En 2011, elle accepte d'indemniser le club à hauteur de 22,7 millions d'euros pour les récupérer. Alors qu'en 1998 ces mêmes terrains valaient 420 000 euros. Les prix ont certes explosé en dix ans à la faveur de la bulle immobilière, mais de là à être multipliés par cinquante ?
UNE ÉPÉE DE DAMOCLÈS
Enfin, Bruxelles examine les prêts accordés par la communauté de Valence aux trois clubs de la région : Valence, Hercules et Elche. Au total, la communauté, à travers l'Institut valencien des finances, s'est portée caution en juillet 2011 de 118 millions d'euros de prêts au FC Valence, Hercules (club d'Alicante) et Elche. Or, ces trois clubs n'ont pas honoré leur dettes, contraignant la région, elle-même au bord de la faillite, à en assumer plus de 30 millions d'euros.
Quand Bruxelles aura confirmé l'ouverture d'une enquête, le gouvernement aura un mois pour déposer un recours, qu'il assure avoir déjà préparé. Si la Commission n'est pas convaincue, les clubs devront rendre les aides qu'ils ont obtenues illégalement, ou Bruxelles pourrait traîner l'Espagne devant le Tribunal de justice européen pour sanctionner le pays. Une sanction pourrait conduire certains clubs à la ruine : le club Hercules est en cessation de paiement depuis l'an dernier, les finances d'Elche sont précaires et le FC Valence cherche un acheteur qui assume sa dette de 300 millions d'euros... Au total, la dette des clubs de football espagnols s'élève à 3,6 milliards d'euros.
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