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La RATP pourrait perdre son régime fiscal très favorable

L’entreprise publique ne paie pas d’impôt sur les sociétés. Bercy veut mettre fin à cette exception qui le prive de 100 millions par an.

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Les chiffres clefs des grands groupes de transport urbain français

Par Lionel Steinmann

Publié le 7 juin 2015 à 21:05

C’est le premier dossier brûlant que doit affronter Elisabeth Borne, la nouvelle patronne de la RATP : le gouvernement, et notamment Bercy, songe sérieusement à revenir sur le régime fiscal très favorable dont bénéficie l’entreprise publique. Selon un document interne du syndicat CGT, « l’Etat entend soumettre la RATP à l’impôt sur les sociétés […] dès 2016 et lui imposer le versement de dividendes ». Interrogée par « Les Echos », la RATP confirme « des négociations en cours avec l’Etat et le Stif [le Syndicat des transports d’Ile-de-France, NDLR] » sur le sujet. Ce qui pourrait avoir comme conséquence d’amputer de plusieurs dizaines de millions d’euros le budget consacré aux investissements.

Aujourd’hui, en effet, la RATP n’est pas assujettie à l’impôt sur les sociétés (IS), pas plus qu’elle ne paie de dividendes à l’Etat, comme le fait par exemple la SNCF. Une exception dans le paysage des entreprises publiques qui remonte à l’époque où l’Etat subventionnait directement la RATP. Mais, depuis la décentralisation, qui a transféré la compétence transports aux régions, c’est le Stif qui est devenu le principal financeur de la RATP. Et le ministère des Finances juge qu’il est temps de ramener l’établissement public dans le droit commun.

Régulièrement évoqué ces dernières années, le sujet est cette fois-ci envisagé avec une acuité particulière. Avec deux arguments principaux. Le marché francilien des transports, tout d’abord, sera dans quelques années ouvert à la concurrence, et la RATP ne pourra affronter celle-ci avec un régime dérogatoire. Le groupe fait d’ailleurs valoir que si l’établissement public est exonéré de l’IS, ses filiales, elles, ne le sont pas.

Plus prosaïquement, l’Etat, confronté à des contraintes budgétaires croissantes, ne peut plus négliger aucune piste fiscale. Or la RATP dégage des bénéfices substantiels (298 millions l’an dernier), bien supérieurs à ceux des autres acteurs du secteur (voir infographie). Ce qui représente une recette potentielle (IS plus dividendes) d’environ 100 millions d’euros par an pour l’Etat, selon le calcul d’un expert.

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« Clause couperet »

Ce scénario ne serait pas du tout du goût du Stif. Car le bras armé de la région en matière de transports pourrait être le grand perdant de l’affaire, avance un spécialiste : « Le Stif finance la plupart des investissements dans les transports en région parisienne, mais la RATP prend aussi sa part, notamment en assumant 50 % du coût du renouvellement du matériel roulant. Le contrat de services pluriannuel qui lie l’entreprise publique au Stif a d’ailleurs été pensé pour que la RATP dégage un niveau élevé de bénéfice, afin qu’elle puisse assumer sa part sans accroître son endettement. Si l’Etat venait à prendre sa dîme, la RATP devrait soit réduire ses investissements, soit demander au Stif d’augmenter sa contribution. »

Pour se prémunir contre cette perspective, le Stif avait fait inclure dans le contrat 2012-2015 passé avec la RATP une clause qui lui permettait de dénoncer celui-ci si l’Etat changeait les règles fiscales en cours de route. Les deux parties sont actuellement en pleine négociation du contrat 2016-2019 et le STIF se refuse à tout commentaire, évoquant la « nécessaire confidentialité » des discussions, mais la reconduction de la « clause couperet » ne serait plus, selon un connaisseur du dossier, considérée comme suffisante pour faire barrage à l’Etat. Le Stif ferait donc plancher ses services sur des scénarios où la capacité d’autofinancement de la RATP ne reposerait plus sur des bénéfices élevés. Avec comme objectif, en baissant le résultat net, de réduire la ponction que pourrait faire l’Etat sur des sommes destinées au transport francilien.

La messe, toutefois, n’est pas dite. Selon une source proche du dossier, « Bercy n’est pas encore sorti du bois » pour préciser ses intentions, notamment si la soumission à l’IS intervient dès 2016 ou avec un sursis d’un ou deux ans. Par ailleurs, la dimension très politique du dossier, à quelques mois des élections régionales, rend encore possible le maintien du statu quo.

Lionel Steinmann

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