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Ces femmes qui se battent contre l'excision - "Kimbidalé"

Madina Aidahis et Halima Issé.
Madina Aidahis et Halima Issé. © DR
Marie Desnos , Mis à jour le

«Kimbidalé», d’Emmanuelle Labeau, est un documentaire, très dur par nature, mais traité avec dignité et optimisme, sur l’excision et l’infibulation en Ethiopie. Un combat initié par des femmes Afar rejointes par plusieurs associations, dont Femmes solidaires.

Un regard perçant sur un combat de 20 ans, qui a remporté de grandes victoires. «Kimbidalé – entière», est un documentaire réalisé par Emmanuelle Labeau, une jeune JRI (il s’agit de son premier film documentaire), qui relate la bataille admirable de militantes contre les mutilations génitales féminines (MGF) subies par les femmes Afar dans la Corne de l’Afrique (Djibouti, Ethiopie, Erythrée). Une cause portée par l’association éthiopienne Gamissa, à qui l’association Femmes Solidaires *, a apporté son soutien. Ce projet est né de la rencontre, à Bagnolet où la jeune journaliste a grandi, avec Aicha Dabalé, activiste originaire de Djibouti, vivant en France depuis de nombreuses années. Elle-même avait été touchée par l’action de deux Ethiopiennes Afar, Madina Aidahis et Halima Issé, qui mènent depuis deux décennies une lutte acharnée pour mettre fin aux pratiques de l'excision (ablation du clitoris) et de l’infibulation (fermeture des petites et/ou grandes lèvres) dans la région de Gawani.

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Une tradition ancestrale, qui remonte à l’époque des Pharaons –des momies ont été retrouvées excisées-, bien avant l’islam, donc, contrairement à certaines idées reçues. Une coutume cruelle, qui provoque des souffrances innommables aux femmes tout au long de leur vie –quand elles n’en meurent pas-, notamment le soir de leur nuit de noces, et lors de leur(s) accouchement(s). Aussi les militantes s’attachent-elles à prouver, d’un part, que cette pratique n’a pas d’autres fondement que le plaisir masculin, et le préjugé selon lequel la femme excisée serait plus fidèle que la «kimbidalé», la «porteuse de clitoris».

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Une pratique perpétrée par «ignorance»

kimbidale

Le documentaire débute sur le récit brutal d’une ex-exciseuse, qui décrit son ancien travail à vous glacer le sang, et raconte pourquoi elle a décidé «d’arrêter cette mauvaise pratique». S’en suivent plusieurs témoignages poignants de femmes qui ont été excisées, ont fait exciser leurs filles «par ce que tout le monde le faisait», ont perdu, souvent, une enfant, et ont parfois épargné la cadette, ayant pris conscience de la gravité de cet acte dénué de tout fondement sensé.

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Une jeune fille qui a eu la chance d’éviter ce calvaire parle à son tour. Dola a été scolarisée, jusqu’à son mariage à 15 ans avec un cousin à qui elle se refusait. Elle a eu la chance d’avoir des parents compréhensifs et modernes, qui lui ont permis de divorcer huit mois plus tard, et de se remarier avec son amour d’enfance, à qui elle a donné un fils. Cette toute jeune femme est bouleversante, lorsqu’elle raconte les moqueries voire les insultes qu’elle et son époux subissent, et la force paisible avec laquelle ils y font face. «Je vais leur prouver qu’on peut être une "kimbidalé" fidèle», lance-t-elle.

Dola.
Dola. © DR

Les quelques hommes qui témoignent reconnaissent aujourd’hui la souffrance des femmes. «On avait des œillères, dit l’un. Nous étions ignorants». Un imam s’est battu aux côtés de Madina et Halima pour convaincre les familles de les écouter, et confirmer que l’excision n’était pas affaire de religion. Il les a beaucoup aidées.

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Prochaine étape : l’internat pour que les jeunes filles puissent aller au collège

Aujourd’hui, Halima est décédée d’un cancer. Là-bas, «des femmes meurent tous les jours», entend-on dans le documentaire. Et pour cause : outre les problèmes de santé que leur provoquent l’excision et l’infibulation, elles ont une vie harassante. Les femmes sont le pilier de la société Afar, qui vit dans un milieu désertique, loin des structures hospitalières, et où le paludisme est la première cause de mortalité. Elles élèvent les enfants, s’occupent du bétail, accomplissent toutes les corvées ménagères… Mais grâce à ces forces de la nature, qui ont résisté et porté leur cause à la manière des plus grandes militantes, cette pratique est désormais quasiment inexistante dans leur région - une loi de 2011 condamne de peines de prison et d’amende quiconque contribuerait de près ou de loin à perpétrer cette pratique barbare.

Au commencement du combat, un système de marrainage a été mis en place par Femmes Solidaires : les familles recevaient de l’argent en échange d’un pacte en vertu duquel elles s’engageaient à ne pas exciser leurs filles, à les scolariser. Plus de 90 fillettes ont ainsi été marrainées dans 7 villages (mais en tout, pas moins de 850 petites filles ont été sauvées de l’excision). La formule est en train d’évoluer. Notamment parce que les petites filles que l’ONG a accompagné depuis le début «on atteint l’âge fatidique de 12-13 ans», a expliqué Sabine Salmon, présidente de Femmes solidaires, lors de la projection organisée par la Fondation ELLE ** le 2 juin à Levallois. L’âge auquel elles sont généralement mariées, et quittent l’école. Or, l’association souhaiterait que ces adolescentes puissent aller au collège et au lycée. Mais les établissements se situent généralement très loin de leurs domicile. C’est pourquoi un internat -projet dans lequel compte s’impliquer la Fondation ELLE- ouvrira ses portes d’ici novembre prochain. «Si le premier objectif est toujours de préserver l’intégrité physique des petites filles, (…) on va continuer aussi sur les questions de l’éducation, et du mariage forcé», a résumé Sabine Salmon. Trois thèmes intimement liés à l’émancipation de la femme. Un refuge a en outre été construit, et inauguré en avril 2014. Initialement pensé pour abriter les filles souhaitant échapper à l’excision, il est en fait devenu une «Maison de femmes solidaires», un lieu de sensibilisation, de partage, de parole. Un endroit où les femmes Afar vont pouvoir voir grandir leur liberté naissante.

* mouvement féministe, laïque, et d’éducation populaire pour le droit des femmes, Forte d’un réseau de 190 associations locales en France.

** créée en 2004 en vue de promouvoir l'émancipation des femmes par l'éducation, la formation et l'information.

Projections :

Kimbidalé passera également au Cinéma La Clef dans le 5e arrondissement de Paris, le 10 juin 2015 et au cinéma L'Univers à Lille, le 18 novembre à 19h.

Comment aider ?

En achetant le DVD (25 euros) en contactant Femmes Solidaires (01 40 01 90 90 ou via ce lien https://femmes-solidaires.org/spip.php?page=contact ). Toutes les recettes seront entièrement reversées aux femmes Afar.

 

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