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Trois grands groupes qui risquent d’être court-circuités par les géants du Net

SNCF, Suez Environnement et Sanofi veulent éviter de se faire « ubériser ».

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Les personnes souffrant d’arthrose peuvent suivre Arth Mouv, une application dédiée à l'arthrose du genou créée par Sanofi.

Par Lionel Steinmann, Myriam Chauvot, Sandrine Cassini

Publié le 10 juin 2015 à 11:05

La SNCF veut jouer les intégrateurs à la place de Google

Il y a quelques années, la SNCF avait sonné le tocsin pour alerter contre la menace que représentaient à ses yeux les poids lourds de la Silicon Valley. Son président, Guillaume Pepy, avait cosigné en 2012 une tribune dans « Le Monde » pour dénoncer « la dangereuse hégémonie des géants du Net », ciblant notamment Apple et Google. «La menace est insidieuse parce que silencieuse. Elle est puissante, elle est mondiale (...). L’enjeu est encore plus important pour les industries du transport et du tourisme, dont on pressent que le modèle serait balayé par un tsunami économique », avait-il écrit. Il avait enfoncé le clou l’année suivante, dans un discours adressé à 5.000 managers, qui présentait la nouvelle stratégie de l’entreprise (proposer des voyages de porte à porte et non plus de gare à gare) : « Il ne faut pas laisser Google ou d’autres monter ce magnifique projet à notre place. »

Aujourd’hui, le ton est moins belliqueux car les menaces ne se sont pas (du moins, pas encore ) concrétisées. Google, par exemple, n’a pas utilisé la position dominante de son moteur de recherche pour vendre des billets de train et rivaliser avec Voyages-sncf.fr. Néanmoins, la défiance demeure. Début février, Yves Tyrode, le directeur digital du groupe public, a annoncé une ouverture plus large de ses jeux de données pour favoriser la conception de services innovants par des acteurs extérieurs à l’entreprise, en précisant que l’accès à ces données serait gratuit pour les start-up, mais payant pour les Gafa (Google-Apple-Facebook-Amazon)…

De son côté, l’entreprise publique a lancé sa propre offensive numérique, avec l’objectif de devenir le pivot de la mobilité des Français, bien au-delà d’un simple rôle d’opérateur ferroviaire. Elle s’appuie sur les millions de voyageurs qui fréquentent chaque jour ses gares pour construire un « IDpass » agrégeant des services avant ou après le train (autopartage, réservation de places de parking…) sur lesquels elle touchera une commission pour chaque client. La nature économique ayant horreur du vide, la SNCF se campe en intégrateur de services de transports pour ne pas laisser le champ libre à Google et consorts.

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Suez Environnement navigue entre partenariat et concurrence

Finie, la gestion traditionnelle de l’eau. Désormais, les canalisations de distribution d’eau se dotent de capteurs remontant en temps réel les données de débit (pour les fuites), de qualité (pour les accidents de pollution), etc. La gestion et l’analyse du Big Data deviennent le nerf de la guerre. Pour ne pas perdre le contrôle de ce maillon crucial de la chaîne de valeur au profit d’acteurs high-tech, les spécialistes de l’eau et des déchets font leur mue.

« La chaîne de valeur est très large, il existe de nombreux acteurs : les fabricants de capteurs, les acteurs télécoms, les SSII ou les entreprises de tech comme IBM, les vendeurs de systèmes experts, etc. », énumère Philippe Maillard, directeur général Eau France de Suez Environnement. Le groupe a développé son propre système de radio-fréquence pour transmettre les données. Sa technologie a été retenue par GrDF pour équiper 11 millions de compteurs de gaz communicants (projet Gazpar). Sur ces bases, Suez étend son champ d’action. Il a noué un partenariat avec SFR, un autre avec le fabricant de compteurs Sappel, et, « comme nous ne sommes pas fabricant de capteurs, nous venons de conclure un accord avec l’un d’entre eux pour fabriquer et commercialiser un capteur de mesure de la qualité de l’air intérieur utilisant notre émetteur radio », poursuit Philippe Maillard.

Après tout, un savoir-faire dans les capteurs et les réseaux intelligents ouvre d’autres champs... Même espoir pour le nouveau produit que Suez vend aux villes depuis un an, comme Saur et Veolia : un centre de pilotage à distance des réseaux d’eau. Là, la SSII israélienne TaKaDu leur taille des croupières. Elle vend avec succès depuis des années une solution pour se passer des groupes d’eau en envoyant les données captées du réseau vers le cloud, où un logiciel les analyse et redescend aux techniciens des villes clientes les consignes d’intervention. Les groupes d’eau, en réaction, arguent que tout ne se modélise pas et que l’analyse des données nécessite l’intervention d’experts métier. La concurrence est frontale, mais « les rapports avec les acteurs high-tech varient, tempère Philippe Maillard. En fonction des dossiers, ils sont concurrents ou partenaires » . Pour son centre de pilotage, Veolia s’est d’ailleurs allié à IBM.

Sanofi dépasse la fabrication pure et simple de médicaments

Comment se soignera-t-on demain ? Surfant à la frontière de la santé et du bien-être, les start-up du numérique proposent au consommateur de prendre soin d’eux en suivant sur des tableaux de bord en temps réel leur état de santé, mesuré grâce à une foule d’objets connectés (balance, tensiomètre, capteur de glucose...). Plus ambitieux, Google investit des centaines de millions de dollars dans la santé. Le moteur de recherche a notamment créé Calico, spécialisé dans les biotechnologies, et Google Life Science, qui travaille sur une lentille de contact connectée destinée à mesurer en temps réel le niveau de sucre dans le sang du diabétique. Autant d’initiatives qui ne laissent pas de marbre les géants de la pharmacie comme Sanofi. « L’univers de la concurrence change avec des acteurs comme Google », admet Gilles Litman, directeur stratégie et développement de Sanofi France.

Même si la forte réglementation qui encadre l’industrie la protège de mutations trop violentes, Sanofi ne veut pas rester au bord du chemin et investit massivement dans le numérique. Son objectif : passer de la simple fourniture de médicaments à une série de services. Sur le diabète par exemple, Sanofi fournit des lecteurs de glycémie, des sites pour suivre ses données en temps réel, et travaille sur un algorithme de calcul permettant de déterminer plus précisément les doses d’insuline du patient. « L’idée, c’est d’avoir une approche globale du patient et de contribuer à une meilleure prise en charge », assure Gilles Litman. Les personnes souffrant d’arthrose peuvent de leur côté suivre Arth Mouv, une application dédiée à l'arthrose du genou.

Sanofi tente donc de prendre le virage de l’automédication, un « champ stratégique » d’après Gilles Litman, et investit également dans le Big Data, ce traitement des données à grande échelle qui constitue justement l’une des compétences principales de Google. Face au géant de la Valley, dont on voit encore mal les intentions dans le domaine de la santé, Gilles Litman assure que Sanofi détient un avantage compétitif : « Nous sommes au carrefour des professionnels de santé. Nous connaissons très bien les acteurs », assure-t-il.

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