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Vincent Lambert, tragédie moderne

L'épouse de Vincent Lambert réclame qu'on laisse partir son mari ; sa mère exige qu'on le maintienne en vie.

Rachel Lambert, et Viviane, la mère de Vincent se déchirent sur le sort du tétraplégique.
Rachel Lambert, et Viviane, la mère de Vincent se déchirent sur le sort du tétraplégique. | AFP/REUTERS
  • Rachel Lambert, et Viviane, la mère de Vincent se déchirent sur le sort du tétraplégique.
    Rachel Lambert, et Viviane, la mère de Vincent se déchirent sur le sort du tétraplégique. | AFP/REUTERS

* Jacques Ricot est philosophe

Les deux femmes se déchirent publiquement, et derrière elles s'affrontent des clans familiaux et leurs histoires secrètes, des avocats théâtraux, des militants mobilisés. Pour le plus grand avantage des micros tendus, des caméras braquées, des éditeurs intéressés. Les ingrédients d'une tragédie sont réunis pour les voyeurs modernes que nous sommes devenus : l'amour, la mort.

Est-il possible de ne condamner personne dans ce drame dont le héros est une figure muette ? Est-il permis de considérer que les soignants sont honnêtes, même s'ils sont fragiles ; que les avocats exercent leur métier, même s'ils sont grandiloquents et agaçants ; que les magistrats font leur travail, même si leur fonction n'est pas le jugement médical ; que la mère est sincère, même si ses options religieuses et sa ténacité ne plaisent pas à tous ; que l'épouse est en souffrance, même si elle est parfois instrumentalisée ?

Reprenons la question. Peut-on laisser mourir Vincent Lambert, cet homme atteint de lésions cérébrales considérées comme irréversibles en l'état actuel des expertises de la science médicale ? Oui, vient de répondre définitivement la Cour européenne des droits de l'homme.

Dans le cas de Vincent Lambert - et seulement dans ce cas car la justice ne connaît que des situations uniques -, il a été dit qu'on pouvait ne pas maintenir la nutrition, ce qui n'équivaut pas à « l'arrêt des soins », ni à « faire mourir de faim » selon des expressions aussi erronées que malencontreuses.

On « peut » cesser la nutritionmais le « doit-on » ?

Même si la frontière est parfois ténue, l'intention de laisser mourir en cessant l'obstination déraisonnable et la décision de tuer en pratiquant une injection létale ne sont pas assimilables, ni médicalement ni éthiquement. Les juges ont aussi indiqué qu'on ne saurait opérer une quelconque généralisation à partir du cas particulier de Vincent Lambert.

Les centaines de traumatisés crâniens et cérébro-lésés français présentent chacun une histoire et un tableau clinique singuliers. On peut donc cesser la nutrition dans le cas particulier de Vincent Lambert, sans déroger à l'éthique médicale ni à la loi, ont déclaré en chœur médecins et juges. Et cela, essentiellement, parce que le recueil de ce qu'aurait été la volonté du patient repose sur des témoignages fiables, bien que non formalisés.

On « peut » donc cesser la nutrition, soit ! Mais le « doit-on » dans les circonstances présentes ?

Sans doute, la mère paraît être davantage dans l'acharnement judiciaire que dans l'obstination médicalement raisonnable. Mais enfin, que lui répondre quand elle se dit prête à accompagner son fils dans l'état où il se trouve, témoignant par là que les plus fragiles doivent être protégés ? N'a-t-elle pas reçu le soutien des familles de traumatisés crâniens et cérébro-lésés ? Mais aussi, comment faire cesser le réel supplice d'une épouse aimante et le malaise d'une équipe soignante happées par un combat qui les dépasse ?

Ni la justice ni la médecine n'éradiqueront le tragique de la condition humaine. Ne restent que les artisans de paix pour aider chacun à vivre le moins mal possible. Mais où sont-ils dans cette tragédie ?

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