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Areva-EDF : Philippe Varin pose ses conditions

Auditionné, mercredi, par l’Assemblée nationale, le président du groupe nucléaire, réclame aussi un « partage équitable » du risque lié au coûteux chantier de l’EPR finlandais.

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Publié le 10 juin 2015 à 12h55, modifié le 11 juin 2015 à 11h46

Temps de Lecture 4 min.

Philippe Varin, le président du groupe nucléaire Areva, considère que

Il y a quarante ans, Jean-Bernard Lévy et Philippe Varin jouaient dans la même équipe de rugby, celle de l’Ecole polytechnique. Leurs chemins se sont à nouveau croisés fin 2014, quand le premier a été nommé PDG d’EDF et le second président d’Areva. Mais les deux hommes ne portent plus le même maillot et chacun défend les intérêts de sa « maison » dans le grand mouvement de refonte de la filière nucléaire française lancé par l’Elysée le 3 juin. Ce jour-là, François Hollande a tranché : Areva – en grande difficulté financière après une perte de 4,8 milliards d’euros en 2014 – devra céder au géant de l’électricité son activité de conception-fabrication de réacteurs regroupée au sein d’Areva NP.

Jusqu’ici discrètes, les tensions entre Areva et EDF sur la restructuration de la filière nucléaire sont apparues au grand jour. M. Varin a pour la première fois reconnu, mercredi 10 juin, devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, qu’il ne souhaitait pas qu’EDF devienne majoritaire, mais « un actionnaire minoritaire stratégique dans Areva NP ». Cela aurait permis, selon lui, de réduire les « risques d’exécution » de l’opération « en conservant l’intégrité de sa société ».

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Négociation difficile entre EDF et Areva

Une opération qui, à ses yeux, ne sera pas bouclée avant le second semestre 2016, notamment en raison d’une enquête de la Commission européenne qui vérifiera que l’arrivée d’EDF n’est pas une aide d’Etat déguisée. Mais si l’on veut boucler un « partenariat stratégique » d’ici un mois, comme le gouvernement le réclame, il faut un « changement radical » dans la coopération Areva-EDF, prévient M. Varin, qui est aussi administrateur d’EDF.

Et d’abord une « négociation équitable » sur la valorisation d’Areva NP. M. Varin souhaite qu’EDF révise à la hausse l’offre « indicative » qu’il a faite le 22 mai pour l’acquisition d’Areva NP, qui représente près de 40 % (3,1 milliards d’euros) du chiffre d’affaires d’Areva. Elle est, selon plusieurs sources, un peu supérieure à 2 milliards d’euros, alors qu’Areva NP est valorisé 2,7 milliards dans les comptes. « Nous avons fait une proposition différente [qui] tient compte de la valeur de quarante ans de savoir-faire et des cash-flows [flux de trésorerie] futurs », a-t-il indiqué aux députés.

Olkiluoto « pèse depuis 2003 »

M. Varin a annoncé la mise en place au sein du conseil d’Areva – comme EDF l’a déjà fait – d’un comité constitué de trois administrateurs indépendants et de Daniel Verwaerde, patron du Commissariat à l’énergie atomique, premier actionnaire d’Areva, afin de proposer une valorisation « acceptable » des activités cédées au groupe d’électricité.

Autre point dur de la négociation : le chantier de l’EPR finlandais. « Une épée de Damoclès qui pèse depuis 2003 sur le groupe et qui compromet tout scénario d’avenir », juge M. Varin. Areva a déjà provisionné 4,6 milliards d’euros et le coût d’Olkiluoto est désormais estimé à plus de 8 milliards pour une centrale vendue 3 milliards clés en main en 2003. Le président réclame un « partage équitable du risque » avec EDF.

Une procédure devant une cour d’arbitrage internationale a été ouverte il y a plusieurs années pour départager Areva et son client Teollisuuden Voima Oyj (TVO). M. Lévy a prévenu qu’il refusait d’exposer son entreprise « aux risques liés au passé d’Areva, notamment en Finlande ». Il se bat pour éviter une facture trop lourde. Non sans rappeler que c’est « à la demande du gouvernement » qu’il a fait une offre de rachat d’Areva NP – un scénario qui n’était pas dans sa stratégie au moment où il a pris les commandes d’EDF, fin 2014.

Cette opération risque, en effet, d’avoir un impact négatif sur la situation financière d’EDF, qui a décaissé 4 milliards d’euros de plus qu’il n’a encaissé en 2014 et traîne une dette de 34,2 milliards. « Elle pourrait augmenter le profil de risque et peser sur ses ratios de crédit », a averti Moody’s. Si l’agence de notation ne conteste pas « la logique stratégique et industrielle derrière le projet de recomposition de l’industrie nucléaire française », elle en souligne les « risques opérationnels et financiers ». En avril, elle avait justifié la baisse de la note d’EDF de « Aa3 » à « A1 » (assortie d’une perspective négative) par son exposition croissante aux prix de marché liée à la fin des tarifs réglementés pour les industriels en 2015.

En revanche, EDF avait répondu favorablement à Areva et à TVO, qui l’appelaient à la rescousse pour terminer le chantier finlandais et conduire la phase critique des essais de l’EPR. Et sur cette activité, l’électricien est prêt à assumer les risques.

Fournisseurs diversifiés

Enfin, M. Varin veut une « négociation équitable » autour de son futur carnet de commandes. Qu’il s’agisse des contrats de retraitement des combustibles usés à l’usine de la Hague (Manche) ou d’une augmentation du volume des activités de conversion d’Areva, pour lesquelles Areva a énormément investi et connaît des difficultés pour Comurhex 2 (Drôme). EDF, qui a diversifié ses fournisseurs ces dernières années (équipement, combustible…), notamment au profit du russe Rosatom, doit renforcer sa place de premier client d’Areva, qui assurait en 2014 la moitié de sa fourniture dans l’amont du cycle (uranium, conversion).

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Tout ce qu’a dit M. Varin aux députés, le directeur général d’Areva, Philippe Knoche, l’avait signalé aux cadres au lendemain de la décision de l’Etat de céder Areva NP à EDF. Les dirigeants d’Areva n’ont jamais caché que, au terme de cette opération industrielle, le « nouvel Areva » – recentré sur l’extraction, la conversion et l’enrichissement de l’uranium, ainsi que sur le traitement-recyclage des combustibles brûlés dans les centrales – devait avoir un « modèle économique robuste » pour assurer l’avenir.

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