La dérive raciste en Hongrie et en Pologne inquiète le Conseil de l’Europe

Un partisan de Jobbik lors d'un événement à Budapest [Reuters]

Dans des rapports accablants, le groupe d’experts sur le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe a appelé la Hongrie et la Pologne à combattre les préjugés racistes qui se multiplient depuis plusieurs années. 

Les propos racistes, antisémites ou homophobes se multiplient en Hongrie et en Pologne, selon les résultats de deux rapports du Conseil de l’Europe, qui s’inquiète particulièrement de la montée de partis politiques extrémistes.

Le rapport de la commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) en Hongrie, d’une soixantaine de pages, décrit notamment Jobbik comme « un parti populiste de la droite radicale qui adopte une rhétorique ouvertement anti-Roms, antisémite, homophobe et xénophobe ».

La position antisémite du parti est régulièrement exposée dans les discours de ce parti d’extrême droite qui a remporté 20,5 % des voix lors des élections parlementaires de 2014. Les autorités hongroises s’abstiennent quant à elle de critiquer la formation. En 2012, un député de Jobbik a notamment demandé qu’une liste des personnes ayant des ancêtres juifs soit établie, arguant qu’elles représentent un risque pour la sécurité de l’État.

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Le rapport souligne cependant que les partis extrémistes n’ont pas l’apanage des discours haineux, prononcés par des personnalités de tout l’éventail politique.

Climat d’impunité

« Étant donné le climat d’impunité qui règne, les remarques désobligeantes sur les Roms, les juifs, les personnes appartenant à la communauté LGBT et les réfugiés sont devenues courantes dans la sphère publique. Certains médias publient ou diffusent des contenus ouvertement racistes et la cyberhaine, les discriminations sur Internet, pose un problème particulier », peut-on y lire.

Les auteurs du rapport mentionnent également un chroniqueur du Magyar Hirlap, un journal pro-gouvernemental, connu pour ses attaques virulentes des juifs, qu’il a notamment qualifiés d’« excréments puants ».

La chaîne Echo TV, fondée en 2005, est la préférée des néo-fascistes et diffuse des émissions éminemment racistes, expliquent-ils. Un des présentateurs aurait répandu des théories du complot antisémites et qualifié les Roms de « singes ».

En 2013, dans un élan incompréhensible, le ministre des Ressources humaines (sport, éducation, culture et jeunesse) lui a remis le prix Tancsics, la récompense journalistique la plus prisée du pays.

Violences racistes

Les violences racistes dirigées contre les Roms sont l’un des plus importants problèmes en Hongrie. Des groupes de paramilitaires ont organisé des marches, des manifestations et des patrouilles illégales dans les villages, harcelant et intimidant la communauté rom jusque dans ses propres quartiers, regrette le rapport de l’ECRI. En 2011 déjà, des extrémistes de la « Garde hongroise » portant des uniformes paramilitaires noirs ont défilé dans les rues de la ville de Gyöngyöspata, dirigée par des élus de Jobbik, pour intimider la population rom.

>> Lire : La Hongrie met les Roms au travail

La stratégie nationale d’inclusion sociale lancée par Budapest n’a eu que peu d’effets et n’aborde pas le problème de la ségrégation dans les écoles. Des conclusions similaires pourraient cependant être tirées dans plusieurs autres pays européens à propos des Roms. Dans son ensemble, la « décennie de l’inclusion des Roms », mise en œuvre dans 12 États européens en 2005 et qui expire cette année, ne peut pas vraiment être considérée comme une réussite.

Les auteurs du rapport conseillent aux autorités hongroises de punir les discours haineux et aux personnalités publiques de prendre parti contre le racisme et l’homophobie. Ils estiment qu’une politique contre la ségrégation doit être mise en place et que les autorités doivent cesser d’expulser les Roms sans leurs proposer de logement alternatif.

La communauté musulmane, cible publique en Pologne

Pour la Pologne, le rapport est plus concis – 44 pages – et explique que les déclarations homophobes sont monnaie courante dans les discours politiques polonais. La propagande haineuse sur Internet semble avoir trouvé une nouvelle cible : la communauté musulmane. Les organes d’autoréglementation ont en outre bien des difficultés à appliquer les sanctions adaptées contre les médias qui versent régulièrement dans ce type de discours.

L’existence de groupes nationalistes reste un problème, soulignent les auteurs du rapport, qui ajoutent que si ceux-ci restent de taille modestes, ils sont de plus en plus nombreux. Les perturbations qui entourent la fête du jour de l’indépendance (le 11 novembre) le montrent bien, puisqu’elles ne cessent d’augmenter.

« Valeurs polonaises traditionnelles »

Pendant 5 années consécutives, des groupes nationalistes qui défendent les « valeurs polonaises traditionnelles », et notamment un fort attachement à l’Église catholique et l’opposition à l’avortement et au mariage homosexuel, ont organisé des manifestations qui réunissent des dizaines de milliers de personnes et dégénèrent en général en mouvements violents.

Malgré les initiatives du procureur général, censées faire face plus efficacement aux crimes racistes, la situation ne s’améliore pas, affirment les auteurs du rapport. Ceux-ci déplorent également le racisme lors des événements sportifs. Peu de cas de crimes racistes finissent par la condamnation des coupables ou par des mesures administratives.

Le Code criminel polonais n’interdit pas explicitement l’incitation à la violence, à la haine et la discrimination, les insultes et la diffamation publique, ou encore les menaces fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité sexuelle.

« La violence homophobe ou transphobe est présente dans les écoles et l’homosexualité est toujours vue comme une maladie par une grande partie de la population. Les personnes transgenres sont en outre soumises à certaines discriminations dans l’accès aux soins de santé », lit-on dans le rapport.

Entre autres recommandations, l’ECRI propose aux autorités polonaises de transposer la convention européenne des droits de l’homme à la législation du pays, de revoir le code criminel afin de punir comme il se doit les discriminations ethniques et le racisme, et d’inscrire dans la loi le droit à la dignité et à l’égalité des personnes LGTB.

Racisme en Albanie

L’ECRI a également publié un rapport sur le racisme en Albanie, pays candidat à l’adhésion. Le rapport souligne aussi des lacunes dans la législation, des discours haineux délivrés par des politiques, l’utilisation croissante d’Internet pour la diffusion du racisme et de l’intolérance, des incohérences dans les stratégies pour l’inclusion des Roms et l’intolérance vis-à-vis des personnes LGBT similaires à celles qui ont lieu en Pologne et en Hongrie.

D’autres rapports sont en préparation, notamment sur la France et la Lituanie. Des rapports récemment publiés regrettent une augmentation des rhétoriques haineuses et d’intolérance dans d’autres pays également, comme la Bulgarie, la Slovaquie et la Roumanie.

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