Sortir de l'ère des énergies fossiles. L'objectif de la conférence climat (COP21) qui se déroulera à la fin de l'année à Paris est clair, alors que les négociateurs planchent jusqu'à jeudi sur le texte d'accord. A quelques mois de ce grand rendez-vous qui viendra entériner les promesses post-protocole de Kyoto, une quarantaine de pays -sur 196 signataires- ont déjà donné leurs engagements en matière d'émission de gaz à effet de serre (GES) pour limiter le réchauffement climatique à 2°C d'ici la fin du siècle.

Une contribution de taille se fait toutefois attendre: celle de la Chine, premier pollueur au monde. Sans quoi la conférence climat sera un échec. Mais Pékin se préoccupe-t-il vraiment de questions de climat et d'environnement?

La Chine reste un mauvais élève

Sur les GES, responsables du réchauffement climatique, la Chine a légèrement fait évoluer sa position. En novembre dernier, Etats-Unis et Chine, émetteurs respectivement de 5,2 et 9,9 milliards de tonnes de CO2 en 2013, ont pour la première fois conclu un accord sur le climat. Faute de promesses chinoises pour la COP21, il faut pour l'heure s'en tenir aux objectifs fixés à cette occasion.

Pékin s'est simplement engagé à atteindre son pic d'émissions de GES "autour de 2030". "Au regard de cette déclaration, il est tout à fait plausible que la Chine se soumette à un accord contraignant à la fin de l'année", estime Jean-François Huchet, professeur des universités à l'Inalco. Mais l'enthousiasme doit être tempéré.

En faisant cette promesse, la Chine a réussi à ne pas donner d'engagement chiffré avant l'échéance, quand d'autres Etats prévoient des baisses conséquentes d'ici cette date. La Russie s'est par exemple engagée à réduire ses émissions de 25 à 30% par rapport à son taux de 1990.

Les présidents américain Barack Obama et chinois Xi Jinping lors d'une conférence de presse le 12 novembre 2014 à Pékin

Barack Obama et Xi Jinping ont signé un accord sur le climat.

© / afp.com/Mandel Ngan

Quant à la perspective d'un pic à 15 milliards de tonnes de CO2, elle fait clairement du pays un "mauvais élève". "Ce chiffre représente ce que nous devrions émettre pour la planète entière si nous voulons limiter le réchauffement climatique à 2°C! Et les émissions par tête de la Chine vont continuer d'augmenter pour se rapprocher de celles des Etats-Unis."

Des promesses sur le climat très diplomatiques

Une étude publiée lundi estime toutefois que le pic chinois pourrait être avancé à 2025. La consommation de charbon, particulièrement polluant, a déjà chuté au premier trimestre 2015 par rapport à 2014, et le recours au gaz naturel se développe.

Mais pour les spécialistes, les ambitions affichées ne sont pas une bonne nouvelle pour la planète. "Pékin, qui n'a jamais voulu se plier à la pression internationale, a surtout réussi un beau coup diplomatique. En effet, on sait que cette promesse permettra à la Chine de continuer son développement économique tout en atteignant ce pic vers 2025-2030", analyse Jean-François Huchet.

Les sacrifices pour parvenir à ce résultat mitigé seront très limités. Des modifications structurelles de l'économie, comme le ralentissement du secteur de la construction -les cimenteries chinoises produisent 4% des émissions de CO2 de la planète- et l'évolution vers une économie du service, sont déjà en cours. "La Chine peut également faire des économies considérables d'émissions grâce au développement de son réseau électrique qui connaît beaucoup de pertes aujourd'hui, ou aux énergies vertes", ajoute le spécialiste. Le géant est d'ailleurs devenu le leader mondial des investissements dans les énergies renouvelables.

Prise de conscience environnementale

Car au-delà des stratégies diplomatiques, Pékin n'a pas d'autre choix que d'être concerné par les questions de pollution. Les images du géant asiatique noyé dans un brouillard gris ont fait le tour du monde. En 2014, le gouvernement estimait que la pollution atmosphérique causait 350 000 à 500 000 décès prématurés chaque année. Et les autorités sanitaires prévoient qu'un million de personnes seront atteintes de cancers du poumon d'ici 2025. L'eau et le sol sont aussi atteints par ce fléau.

Face à l'asphyxie imminente, Pékin a décidé d'agir. Le président Xi Jinping et son Premier ministre Li Keqiang ont déclaré la "guerre à la pollution". "La Chine est engagée dans une course contre la montre. L'émergence d'une classe moyenne a forcé la prise de conscience, notamment dans les grandes villes où la qualité de l'air est devenue une préoccupation de la vie quotidienne", explique Jean-François Huchet.

En janvier 2015, la législation sur l'environnement et sa mise en application ont été durcies. Les amendes pour les entreprises polluantes ont été revues à la hausse et les ONG ont désormais la possibilité d'attaquer en justice les entreprises polluantes. Parmi les mesures drastiques figure la fermeture d'usines très polluantes. "Mais les résultats sont contrastés, parce que les gouvernements locaux doivent répondre à d'autres objectifs, comme la préservation de l'emploi, et n'emboîtent pas nécessairement le pas du gouvernement central qui aimerait une mise aux normes globale", nuance Jean-François Huchet.

Pleine de contradictions, la Chine fait de petites avancées en matière d'écologie et de préservation du climat. Mais, là encore, les effets se feront attendre: la municipalité de Pékin n'a pas prévu d'amélioration de la qualité de l'air avant 2030. Année de toutes les promesses pour la Chine.