Les émissions du transport maritime tuent des milliers de personnes chaque année

Contrairement aux carburants routiers, les combustibles utilisés par les cargos ne sont pas soumis aux taxes. [Ron Cogswell/Flickr]

Cancers des poumons, maladies cardiovasculaires : selon une nouvelle étude, les émissions du transport maritime causent en toute discrétion 60 000 morts par an. Selon les spécialistes, ce nombre pourrait être considérablement réduit par l’installation de dispositifs de filtration.

L’université de Rostock et le centre de recherche sur l’environnement allemand Helmholzzentrum Munich ont établi un lien sans équivoque entre les gaz d’échappement des cargos et certaines maladies graves. Au total, elles coûtent 58 milliards d’euros par an aux services de santé européens.

Les moteurs de bateau conventionnels fonctionnant au diesel ou au mazout lourd émettent des substances dangereuses en grande quantité. Il s’agit de métaux lourds, d’hydrocarbures et de soufre, ainsi que des particules carcinogènes.

Les habitants des régions côtières courent le plus de risque, selon les chercheurs, qui estiment que la moitié de la pollution de l’air liées aux particules dans les zones côtières, les rivières et les ports proviennent des émissions des bateaux.

« Ces résultats sont effrayants et confirment nos plus grandes craintes », a déclaré Lief Miller, PDG de l’ONG de protection de l’environnement NABU. « Les émissions des bateaux causent des maladies pulmonaires et cardiovasculaires graves. »

On sait depuis des décennies que les émissions de particules fines sont dangereuses pour la santé. Pourtant, si des mesures ont été prises pour réduire les émissions de soufre et de suies de diesel des voitures et des camions, rien de comparable ne s’applique au secteur du transport maritime.

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« Les carburants maritimes sont 2 700 fois plus toxiques que le diesel routier. Pourtant, chaque année, le transport routier paie 35 milliards d’euros de taxes sur les carburants, alors que le transport maritime utilise des combustibles non taxés », souligne l’ONG Transport & Environment.

Le transport maritime est responsable de plus d’un cinquième de la consommation de carburant mondiale. Il est donc inquiétant que ses émissions ne soient pas mieux réglementées.

Filtrer les gaz d’échappement pour une meilleure qualité de l’air

Pour les chercheurs, « le prochain objectif logique pour améliorer la qualité de l’air au niveau mondial, et particulièrement dans les régions côtières et les villes portuaires », serait de mettre en place une législation rendant obligatoire la filtration et limitant le volume des particules dans le secteur.

« Nous avons réellement souligné les recommandations des scientifiques, qui souhaitent une transition urgente à des carburants contenant peu de soufre et la mise en place de techniques efficaces de réduction des émissions», explique Dietmar Oeliger, spécialiste des transports chez NABU.

La méthode la plus efficace pour rendre le transport maritime plus vert est de combiner des filtres à particules à des carburants pauvres en soufre, une mesure appliquée depuis longtemps au secteur routier.

Les moteurs des bateaux peuvent aussi être convertis afin de fonctionner au gaz ou modernisés grâce à des systèmes d’épuration des gaz d’échappement.

Limiter les émissions de soufre

L’Organisation maritime internationale (OMI) interdit les carburants maritimes contenant plus de 3,5 % de soufre. D’ici 2020, cette limite tombera à 0,5 %.

Depuis janvier 2015, dans les eaux côtières d’Europe, les carburants ne peuvent plus contenir plus de 1 % de soufre. Dans la mer du Nord et la mer Baltique, la zone de contrôle des émissions de soufre, la limite est même fixée à 0,1 %.

Selon Transport & Environment, les bénéfices sanitaires de la limite plus stricte fixée par la zone de contrôle des émissions de soufre pourraient s’élever à quelque 23 milliards d’euros.

Ces limites ne sont cependant pas contrôlées de manière très stricte et les mesures de réduction du soufre et des particules dans les émissions restent trop chères pour la plupart des exploitants maritimes. En France, la directive soufre n’est pas encore transcrite, ce qui a valu à la France une mise en demeure de l’UE.

>> Lire : La directive soufre bouleverse le fret maritime en Europe du Nord

Le soufre est dangereux pour la santé humaine, provoque des pluies acides et engendre une série de problèmes environnementaux, comme la dégradation de la qualité des sols et de l’eau, ou une perte de biodiversité.

« Pour rentre le secteur plus propre, il faut commencer par mettre en place des mesures de promotion des carburants maritimes moins polluants », estime Sotiris Raptis, responsable du transport maritime propre chez Transport & Environment.

Le ministre de l’Environnement chinois a pour sa part annoncé le 9 juin que le gouvernement comptait réglementer les émissions de soufre et de dioxyde d’azote des bateaux pour lutter contre la pollution atmosphérique. « La pollution environnementale causée par les navires n’est plus à démontrer », a notamment déclaré le ministère. Il n’existe jusqu’ici aucune limite en Chine, contrairement aux États-Unis et à l’Europe.

En 2013, le secteur maritime chinois, qui compte quelque 172 600 navires, représentait pourtant 8,4% des émissions nationales de dioxyde de soufre et 11,3% des émissions d’oxydes d’azote.

Les émissions de soufre et de CO2 du transport maritime ne cessent de s'accroitre, au contraire de celles du transport routier. Aujourd'hui, les émissions du secteur du transport maritime international représentent 3 % des émissions totales de gaz à effet de serre et 4 % des émissions de CO2 de l'UE.

Comme les cargos commerciaux sont souvent loin des yeux du public, contrairement aux camions, le secteur n'est pas soumis à de très fortes pressions pour réduire ses émissions.

En Europe, le transport maritime est d'ailleurs passé entre les mailles du filet de la règlementation sur les émissions de CO2. Ses premiers objectifs n'entreront donc en vigueur qu'en 2018. Pour les ONG de défense de l'environnement, l'inclusion du secteur au système de quota de carbone permettra de faire grimper le prix du CO2 et donc de diminuer les émissions.

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