Vous croyez que la terreur règne à Mossoul? À en croire la propagande du groupe État islamique, la deuxième ville d'Irak est un véritable paradis depuis qu'elle vit à l'ombre du califat. Les djihadistes viennent d'ailleurs d'y rouvrir un hôtel cinq étoiles. Explications.

Apostats exécutés à bout portant, sodomite poussé du haut d'un immeuble, homme adultère sur le point d'être lapidé: le dernier numéro du magazine du groupe État islamique (EI), Dar al-Islam, ne manque pas de sanglantes images de propagande.

Au milieu de ces horreurs, un «reportage photo» sur la qualité de vie à Mossoul peut surprendre. «Toutes les boutiques sont ouvertes et la ville est en pleine expansion, peut-on lire. La ville de Mossoul dispose de plusieurs supermarchés, afin de satisfaire les demandes quotidiennes des familles musulmanes ainsi que de parcs d'attractions pour le plaisir des enfants.»

Ce n'est pas la première fois que l'EI tente de présenter une version idéalisée de la vie sous l'occupation islamiste. Une vidéo diffusée en mars montre des enfants qui s'amusent dans les manèges de Dijla City, un parc d'attractions situé au nord de Mossoul. Armé d'un micro, le «journaliste» demande aux enfants et aux adultes de qualifier la vie sous le califat. Sans surprise, tout le monde répond qu'elle est merveilleuse.

Attirer des familles

Le webzine américain Vocativ a analysé 570 messages diffusés en janvier et février par l'EI. Conclusion: 45% des messages diffusés dans les régions contrôlées par l'EI sont positifs. Contrairement aux vidéos violentes destinées à recruter des djihadistes à l'étranger, ces vidéos positives visent plutôt à attirer des familles dans le califat.

«C'est le premier groupe terroriste à ne pas être seulement intéressé par les combattants, a expliqué l'expert en sécurité Patrick Skinner à Vocativ. Le groupe a besoin de femmes et d'enfants. Il croit avoir un État, il a maintenant besoin d'un avenir.»

«Un désastre humanitaire»

Oubliez la propagande de l'EI: la situation à Mossoul est «un désastre social, humanitaire et sécuritaire», tranche le département d'État américain.

«En plus de fermer les marchés, les usines et les universités, l'EI prélève de lourds impôts et restreint les mouvements des personnes et des biens», soutient le département d'État dans Vocativ. Sans parler des pénuries d'eau, de médicaments et d'électricité.

Le journaliste John Cantlie a fait pour sa part un portrait beaucoup plus rose de Mossoul. Il faut dire qu'il n'a sans doute pas le choix: il a été forcé de faire ce reportage, car il est détenu par l'EI depuis 2012.

La BBC a levé le voile hier sur ce qu'était réellement la vie à Mossoul. Des images filmées en caméra cachée montrent des mosquées détruites, des écoles abandonnées, des quartiers chrétiens entièrement déserts et des femmes forcées de se couvrir des pieds à la tête. Les habitants disent vivre dans la peur des châtiments cruels imposés par l'EI à tous ceux qui enfreignent ses règles strictes.

L'hôtel halal

Le 1er mai, l'hôtel Ninawa International a été rouvert en grande pompe par les nouveaux maîtres de Mossoul... non sans avoir été «rénové» afin de répondre à leurs normes obscurantistes.

Ainsi, les fresques assyriennes qui ornaient les murs extérieurs de l'hôtel cinq étoiles ont été poncées. Deux drapeaux noirs ont été érigés devant la façade. Le bar, épargné, ne servira plus que des jus de fruits. Mais à quoi servira l'hôtel de 262 chambres, ses piscines et ses jardins luxuriants? Peut-être à accueillir les recrues de l'étranger. Les touristes, en tout cas, ne s'y aventureront pas. De toute façon, Mossoul a de moins en moins à leur offrir...

Pendant des siècles, l'ancienne capitale de l'Assyrie a minutieusement conservé ses trésors patrimoniaux. Puis, les combattants de l'EI ont débarqué. Ils ont brûlé des milliers de livres. Ils ont incendié l'église de la Vierge Marie et le théâtre de l'université. Ils ont détruit les oeuvres du musée à coups de massues et de marteaux-piqueurs.

Dans une vidéo diffusée le 26 février, ils ont expliqué qu'ils devaient détruire ces objets coupables d'idolâtrer les mauvais dieux. Non, pour admirer quelques trésors de Mossoul, mieux vaut choisir... Paris.

Des joyaux sauvés in extremis

Cet été, les Archives nationales de Paris présentent sept fac-similés de manuscrits anciens sauvés in extremis de la destruction par l'EI. De précieux ouvrages de grammaire, de poésie, de littérature et de médecine avaient longtemps été conservés à la bibliothèque des dominicains de Mossoul.

L'été dernier, le père Najeeb a jeté à la hâte des manuscrits dans sa voiture avant de s'enfuir à Erbil, au Kurdistan irakien. L'EI a envahi Mossoul peu après. L'exposition Mésopotamie, carrefour des cultures sera présentée à Paris jusqu'au 24 août.