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Au Yémen, les frappes aériennes saoudiennes endommagent un patrimoine millénaire

Le grand barrage de Marib, capitale de la légendaire reine de Saba, a notamment été touché.

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Publié le 10 juin 2015 à 21h33, modifié le 11 juin 2015 à 17h55

Temps de Lecture 3 min.

Frappes aériennes de la coalition menée par les Saoudiens sur les chiites Houthis, fin mai, dans la province yéménite de Marib.

Alors que tous les regards sont tournés vers l’Irak et la Syrie, portés sur les destructions barbares, par l’organisation Etat Islamique (EI), du patrimoine millénaire mésopotamien – Nimroud, Hatra, le Musée de Mossoul – et sur le danger qu’elle fait peser sur la cité antique de Palmyre, les récents bombardements saoudiens des sites historiques yéménites sont passés inaperçus.

Alors que l’Arabie saoudite bombarde depuis fin mars les positions des rebelles houthis chiites, présentés par Riyad comme des soutiens de l’Iran, la valeur des sites historiques qui servent d’abri à ces milices n’entre pas en jeu. Un communiqué de l’Unesco, daté du 3 juin, a condamné ces frappes aériennes détruisant un patrimoine millénaire. La communauté scientifique s’est mobilisée ; les spécialistes de la péninsule Arabique, les archéologues notamment, ont sonné l’alarme.

A Marib, capitale de la légendaire reine de Saba – qui aurait, dit la Bible, rendu visite au roi Salomon à Jérusalem –, le grand barrage, datant du premier millénaire avant notre ère, a été touché. Les photos d’Hussain Albukhaiti, postées sur le Web, le 31 mai, montrent la paroi de pierre monumentale éventrée. Information confirmée par Iris Gerlach, directrice de l’Institut archéologique allemand, à Sanaa, la capitale du Yémen. Destruction condamnée par la direction yéménite des antiquités et des musées.

« C’est le plus grand barrage de l’antiquité, avec une levée de terre de 600 mètres, s’alarme Jérémie Schiettecatte, archéologue au CNRS. Les vannes sont des constructions monumentales en forme de tours, de vingt mètres de haut sur cent de large, qui fortifiaient la levée de terre. » Le scientifique a travaillé au Yémen jusqu’en 2010, date d’arrêt des fouilles françaises, après les attentats terroristes visant des étrangers. Depuis les années 1970, le Centre français archéologique de Sanaa était très actif. Il continue de fonctionner depuis l’Arabie saoudite.

Deux autres sites visés

« Selon une sourate du Coran, la rupture du barrage serait une punition obligeant les populations à quitter la région. Plusieurs épisodes de rupture auraient eu lieu, jusqu’à la dernière restauration, au milieu du VIe siècle, soixante ans avant la prédication de Mahomet », précise M. Schiettecatte. Ce barrage, construit au VIIIe siècle avant J.-C., irriguait toute cette région désertique sur dix mille hectares. Marib était la grande cité antique du sud de l’Arabie, plaque tournante du commerce de l’encens avec la Mésopotamie et la Méditerranée, dont l’économie reposait sur un système d’irrigation très sophistiqué, merveille d’ingénierie saluée par le Coran. Elle est en attente d’inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco.

La frappe aérienne sur Marib a suivi celle, le 23 mai, du Musée de Dhamar, une des capitales des gouvernorats située au sud de Sanaa. 12 500 objets archéologiques ont été anéantis dans l’explosion, « des centaines d’inscriptions en sabatéen – langue du royaume de Saba [800 av. J.-C. – 300 ap.J.-C.]– sur des stèles, des brûle-encens, des éléments d’architecture… », indique l’archéologue français, qui précise que les pièces avaient été documentées par les scientifiques de l’université de Pise ; un travail d’archives réalisé par les Italiens sur l’ensemble des musées yéménites.

Deux autres sites ont été visés. Le 5 juin, la forteresse médiévale d’Al-Qahira qui, sur une colline, domine Taez ; un site stratégique surplombant la troisième ville du Yémen. Et le palais Wadi Dhar, résidence d’été de l’imam Yahya, construit dans les années 1920 en nid d’aigle, au sommet d’un piton rocheux de cinquante mètres. Parfait exemple de l’architecture yéménite, maison-tour de brique crue, dont les façades sont animées de frises géométriques en blanc de chaux.

Trois archéologues, l’Italienne Sabina Antonini, l’Allemande Iris Gerlach et le Français Jérémie Schiettecatte, avaient pris soin de fournir à l’Unesco la liste des cinquante sites archéologiques historiques et patrimoniaux prioritaires pour alerter les Saoudiens. Un patrimoine que les Yéménites défendent et revendiquent, jusqu’à le figurer sur leurs billets de banque.

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