
Bikinis, thermostats, balances, montres, compteurs, voitures… Tous ces objets auront désormais un lieu réservé dans la toute proche banlieue d’Angers, à Saint-Sylvain-d’Anjou. La Cité de l’objet connecté (COC), usine d’un genre nouveau, directement issue des 34 chantiers de la Nouvelle France industrielle initiés par Arnaud Montebourg en 2014, doit être inaugurée vendredi 12 juin par François Hollande.
Imaginée par Eric Carreel – PDG de la société Withings spécialiste des objets connectés du bien-être et de la forme – et portée par des industriels comme Eolane, la COC figurait en bonne place sur la feuille de route du plan industriel « Objets connectés », présenté il y a un an.
L’idée maîtresse de ce projet était de concentrer en un même lieu diverses compétences : mécanique, électronique, design, etc. Sur un site faisant pour le moment 1 800 m² (le site final devrait faire 8 300 m²), les innovateurs auront accès à un panel de services et de machines leur permettant de faire avancer leurs idées, voire dans certains cas aboutir à une commercialisation.
Dix-sept associés
Cofondée par 17 associés, aussi divers qu’Eolane, Orange, Bouygues Telecom ou encore Air Liquide, la structure privée ambitionne de convaincre les acteurs du secteur de la possibilité qui leur est offerte de venir fabriquer sur ce site des prototypes de leurs inventions, et même d’engager des préséries.
« Tout l’enjeu est de faire en sorte que l’on soit capable de produire plus près de chez nous », plutôt qu’en Chine ou ailleurs, souligne Eric Carreel. Si la partie mécanique des montres Withings est ainsi produite en Suisse, c’est selon lui parce que l’industrie des objets connectés nécessite une réactivité bien plus grande que celle proposée par nos grandes entreprises.
Or la révolution des objets connectés est en marche. Selon un rapport de l’Idate de 2013, 15 milliards d’objets étaient d’ores et déjà connectés à Internet en 2012, contre 4 milliards en 2010. Pour l’auteur de cette étude, Samuel Ropert, « en 2020, il y en aura 80 milliards ». Selon le cabinet GfK, cela signifie qu’en 2020, chaque foyer disposera de 30 objets connectés.
Une carte à jouer pour la France
Avec des start-up aussi dynamiques que Sigfox, Netatmo, Parrot ou encore Withings, la France a une carte à jouer. Les objets connectés vont « bouleverser tous les aspects de notre quotidien. A terme tout sera connecté », s’enthousiasme Luc Julia, vice-président de l’innovation chez Samsung. Le spécialiste ne voit pas la révolution s’arrêter aux poignets avec les montres, ou aux appareils ménagers. Il estime qu’à terme les maisons entières, mais aussi les villes, ou encore les usines, devraient être connectées. Le marché professionnel devenant ainsi aussi important que le celui à destination du grand public.
« Chez Samsung, nous avons décidé que d’ici à 2020, tous les produits créés chez nous seront connectés », explique le chercheur installé dans les bureaux du groupe à Menlo Park, en Californie. Pour lui, il ne s'agira pas uniquement de vérifier les battements de son cœur, ou le nombre de pas effectués dans la journée. La connectivité permettra de connaître l’état d’usure d’un objet, la nécessité de le remplacer, ou encore l’état du trafic en temps réel dans une section particulière d’une ville. « Il ne suffira pas que les objets soient connectés, il faudra aussi qu’ils communiquent entre eux, quelle que soit la marque », indique M. Julia.
De quoi constituer une nouvelle manne dont beaucoup d’acteurs voudront une part. Car si ce marché a longtemps été réservé aux start-up comme Sigfox ou Fitbit, les géants des télécoms et du Net ont aussi décidé de s’y mettre. « Les technologies étaient là donc ils savaient faire, en revanche ils attendaient de voir l’importance que ça allait prendre et si ça valait le coup de se lancer. Résultat, ils s’y sont mis à partir de fin 2013 », remarque Jim Tully, analyste chez Gartner.
« Tout produit devient porteur de services »
C’est par exemple le cas d’Orange. L’ex monopole d’Etat en a fait une priorité de son plan stratégique « Essentiels 2020 ». « Orange est présent à tous les niveaux de la chaîne de la valeur : sur la distribution en boutique de ces produits, la connectivité avec les réseaux, mais aussi les applications et services qu’ils permettront », souligne Marie-Noëlle Jego-Laveissière, vice-présidente en charge de l’innovation chez Orange.
Côté Bouygues Telecom, on a surtout misé sur le réseau. A l’instar de Sigfox, l’opérateur a décidé de constituer un réseau de très basses fréquences dit LoRa, non énergivore, idéal pour les objets connectés. « Nous nous servons de nos 15 000 points hauts déjà existants pour déployer ce réseau. Pour nous le marché devrait être principalement professionnel et il est en pleine croissance », explique Franck Moine, directeur de la division « machine to machine » chez Bouygues Telecom. Le responsable évoque des utilisations du réseau aussi diverses que le contrôle des wagons d’un train que la surveillance d’une plantation.
Une rude bataille
La bataille pour ce marché s’annonce rude. « Avec les objets connectés, tout produit devient porteur de services » analyse M. Carreel. Ainsi un constructeur d’automobile saura à tout moment quel est l’état d’un véhicule et pourra proposer les réparations en conséquence. De même en matière de santé humaine.
« Dans ces conditions, les fabricants d’objets qui ne s’orienteront pas vers cette notion de service disparaîtront », prédit M. Carreel. Plus mesuré, Thibaut de Smedt, de la banque Bryan Garnier & Co, prévient : « Il y a un côté gadget autour des montres et des bracelets qui va finir par s’essouffler, en revanche, le marché professionnel est vraiment voué à exploser ».
La prolifération des objets connectés à Internet suscite bien évidemment les appétits des géants du net, au premier rang desquels Google. L’américain ne se limite pas à racheter des start-up du secteur comme Nest, il a dévoilé à la fin du mois de mai Brillo, un système d’exploitation dédié aux objets connectés. Avec l’espoir que Brillo soit aux objets connectés, ce qu’Android est aux smartphones.
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