idBus, transporteur français
© Flickr-CC-Eddie
L'ouverture à la concurrence des lignes d'autocars promise par la loi Macron suscite l’ébullition dans le monde des transporteurs nationaux et internationaux. A la clé : des liaisons interurbaines moins chères et plus souples que par le train. Reste une inconnue à lever : le seuil d'opérabilité sera-t-il de 100 ou 200 km ? Les 100 km ont la préférence des députés.
Transdev est sur les rangs, idBus, filiale de la SNCF, prend ses marques, le britannique StageCoach arrive, l’allemand Flixbus compte bien s’imposer… La loi Macron qui ouvrira au 1er juillet les lignes d’autocars à la concurrence n’est pas encore adoptée que les principaux acteurs du secteur, français et étrangers, peaufinent, dans la discrétion, leurs offres.
Le suspens du seuil
Il existe pourtant une inconnue majeure à ce jour. Quel seuil sera retenu pour ouvrir une liaison ? 200 km pour les sénateurs, 100 km pour les députés, comme ils l’ont confirmé le 8 mai, en commission spéciale ? Concrètement, cela signifie que les arrêts ne pourront pas être séparés par moins de 100 ou 200 km selon la décision finale. Ce qui change de façon importante la rentabilité des lignes.
Certes, en dessous, il sera toujours possible de s’arrêter si l’autorité de régulation((L’Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf), qui va devenir l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer).)) juge que la ligne ne porte pas atteinte à l’équilibre économique de la convention TER qu’elle risque de concurrencer, selon des critères qui seront définis par la loi ou un décret.
Allant au plus sûr dans un premier temps, les projets portent donc sur de grandes liaisons telles Paris-Lyon, Paris-Bordeaux, Nice-Bordeaux, Toulouse-Montpellier, Nantes-Paris-Strasbourg… Laissant de côté des villes telles Chartres ou Blois.
« Ceci est pénalisant pour les entreprises, qui perdent des passagers, mais aussi pour les villes elles-mêmes, qui voient passer les cars », remarque Ingrid Mareschal, secrétaire générale de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV). Le réseau routier et autoroutier étant bien plus ramifié que le réseau ferroviaire, à terme, une desserte assez fine du territoire est vraisemblable.
Inquiétudes
Dans un pays comme la France, à forte culture ferroviaire, l’arrivée des autocars inquiète. Les souvenirs des transports scolaires, les images de cars dans des destinations touristiques lointaines, ne donnent pas forcément la meilleure image d’un transport par ailleurs très utilisé en Allemagne, en Grande-Bretagne ou en Suisse. Les porteurs de projet et la FNTV s’attachent à contrer ces images.
Environnement et sécurité
Les autocars seraient plus polluants que le train ou la voiture ? Une étude de l’Ademe montre le contraire. La meilleure efficacité énergétique des transports régionaux de passagers (gep/pass.km)((Gramme équivalent pétrole par passager-kilomètre (gep/pass.km).)) revient aux cars.
Pour les émissions de CO2, TER et autocars sont au coude à coude. Pour les distances nationales, l’avantage est moins net, par rapport au train, TGV ou grande ligne, mais bien toujours nettement en défaveur de la voiture particulière et bien sûr de l’avion. Une démonstration malgré tout contestée par la Fédération nationale des associations d’usagers de transport (Fnaut).
Il est probable cependant que des voyageurs, peu pressés et soucieux d’économie, rebutés par les prix du train, se tournent vers le car et non plus vers leur voiture, améliorant d’autant le bilan environnemental des déplacements.
A noter que les députés ont imposé aux transports publics de s’équiper d’au moins 50% de véhicules à faibles émissions à partir de 2020.
La sécurité des autocars serait mauvaise. Là aussi, les statistiques disent le contraire. Encore faut-il remarquer que les accidents d’autocars, souvent spectaculaires, n’ont concerné ces dernières années que des véhicules étrangers qui effectuent des trajets internationaux et ne sont pas comptabilisés dans les statistiques françaises.
Selon des statistiques européennes, déjà anciennes, l’autocar serait même légèrement plus sûr que le train. En 2011, aucun accident en transport en commun (ce qui inclut aussi les transports urbains) n’était à déplorer.
« Les conducteurs de cars sont les seuls professionnels obligés de souffler dans un éthylotest pour pouvoir démarrer, souligne Ingrid Mareschal. Ils sont aussi soumis à une formation initiale et continue lourde, à des visites médicales régulières ».
Grand confort
Et qu’en est-il du confort ? Les autocars d’aujourd’hui, intitulés « à haute performance », sont confortables, à climatisation individuelle, équipés de toilette, du wifi et de prises pour charger téléphone et ordinateur.
Enfin, afin d’éviter une déréglementation sauvage et le dumping social, les entreprises étrangères auront l’obligation d’implanter un siège en France. Ce que Stagecoach, qui emploie déjà 36 000 salariés dans le monde, vient de faire en s’installant à Belleville-sur-Saône, près de Lyon, en y créant 35 emplois. Ses 7 nouveaux véhicules y seront opérés en partenariat avec une compagnie locale.
Le problème des gares routières
Reste le problème des gares routières. Selon une étude de la FNTV, seules 50% des villes préfectures disposent d’une gare routière. Et la situation dans les autres villes est inconnue.
91% d’entre elles sont en centre-ville, les autres en périphérie. Seules 40% d’entre elles disposent d’une présence humaine lors du premier et du dernier départ. Bien insuffisant pour répondre à un besoin qui va fortement augmenter. On est loin de la Suisse où les gares routières sont souvent mitoyennes de la gare ferroviaire, avec panneaux horaires communs, billettique et salles d’attente confortable.
Pour faciliter les mobilités de leurs habitants, les villes et les régions devraient aménager des gares routières multimodales. Se pose cependant le problème du foncier en centre-ville dense pour ces infrastructures. Qui risquent d’être rejetées en périphérie par des villes qui, de surcroît, craignent une augmentation du trafic des cars.
L'atout du prix
L’atout essentiel des autocars sera leur prix. Isilines, la marque de Transdev (filiale de la Caisse des Dépôts) annonce un Paris-Lyon entre 19 et 35 euros pour 6h30 de trajet.
Flixbus promet des tarifs deux à trois fois et demie moins cher que le train. On annonce même des offres à 1 €, qui ne devraient cependant pas durer au-delà d’une période de lancement. Les autocars comptent prendre une partie de la clientèle du covoiturage. En effet, dans les pays où l’offre de car est importante, le covoiturage n’a pas connu le même essor qu'en France.
Un « très mauvais signal » pour le Gart et l’ARF
Le Gart et l’ARF s’élèvent, dans un communiqué du 10 juin, contre le retour au seuil de 100 km. Pour les deux associations, « supprimer le rôle de la région en tant que coordinateur de la mobilité régionale est un très mauvais signal » qui porte un coût à une politique ferroviaire volontariste. Les deux associations insistent sur le fait qu’il faut maintenir un encadrement sur l’ensemble des liaisons régionales, « donc pour toutes les liaisons jusqu'à 200 km entre deux arrêts ».
Elles demandent également le maintien d’une « entité responsable de la bonne coordination des offres de transports », avec pouvoir décisionnel pour autoriser ces services, après avis de l’Autorité de régulation.
Denis Wénisch - 11/06/2015 14h:15
Réforme conçue de toute évidence par des gens qui n'utilisent pas les transports en commun. Quoi qu'on en dise dans cet article, le transport par car, quand il existe par ailleurs une ligne de chemin de fer utilisable sur le même itinéraire, est purement et simplement RÉPULSIF. Inconfort, mal des transports, impossibilité de bouger. cette mesure développera encore un peu plus le covoiturage.Et le nombre de personnes transportées par le bus sera diminué dans des proportions considérables par rapport à ce que transporte le train. Personnellement, il n’est pas question que j’utilise ce moyen de transport s’il vient remplacer le train.
Répondre au commentaire | Signaler un abus