On voit souvent apparaître des Casques blancs dans des reportages sur les dégâts causés par les barils d’explosifs jetés sur les populations civiles syriennes par des hélicoptères de l’armée de Bachar El-Assad. Ceux qui regardent ces images se sont-ils déjà seulement interrogés sur l’identité de ces volontaires, les ont-ils même remarqués ? En tout cas, les Casques blancs sont devenus les héros invisibles de la guerre civile.

Cette organisation humanitaire, unique en son genre, et dont l’action est dédiée à la recherche et au sauvetage des civils blessés dans ce conflit meurtrier, constitue l’un des derniers espoirs de ces populations martyrisées. Ces “White Helmets” étaient à peine 20 il y a deux ans et demi. Aujourd’hui ils sont 2 618 et ont réussi à sauver plus de 15 500 personnes.

Courage et mobilisation

Ce sont pour la plupart des Syriens ordinaires. Avant la guerre, ils étaient coiffeurs, ouvriers, vendeurs de tapis, commerçants, techniciens, artisans ou étudiants. La mission principale de cette organisation de bénévoles, qui du nord au sud du pays compte pas moins de 106 unités, consiste à arriver le plus vite possible sur les lieux bombardés pour sauver les blessés coincés sous les décombres. Ils s’efforcent par ailleurs de réparer également les routes et de remettre en état de marche les installations électriques.

Ces Casques blancs, qui effectuent sans doute le métier le plus périlleux qui soit et qui prennent systématiquement la direction des endroits d’où tout le monde fuit, ne perçoivent pas le moindre salaire et ne portent pas d’armes. Ils n’ont aucun lien avec des groupes armés ou avec des organisations politiques.

» A regarder • Notre webdocumentaire “Casques sur le front”

Quatre-vingt-cinq d’entre eux ont perdu la vie alors qu’ils essayaient de sauver celle d’autres personnes. Ils ont en effet été victimes des hélicoptères du régime qui reviennent bombarder un quart d’heure ou une demi-heure plus tard des lieux déjà visés précédemment, tuant ainsi ceux qui se sont imprudemment approchés des décombres.

Les fondements d’un projet

L’ONG turque Akut [Association de recherche et de sauvetage, qui s’est fait connaître du grand public lors du tremblement de terre en Turquie en août 1999] a apporté son aide aux Casques blancs, de même que l’ONG Mayday Rescue, fondée par James Le Mesurier, un ancien soldat britannique.

Le Mesurier, qui a servi au sein de la Force de paix des Nations unies en ex-Yougoslavie, a travaillé un temps au Proche-Orient dans le cadre de missions pour le Foreign Office, avant de passer dans le secteur privé en tant que consultant spécialiste des conflits armés.

C’est un responsable du ministère turc des Affaires étrangères qui a présenté Le Mesurier – il travaillait alors à Istanbul dans le cadre de l’aide à l’opposition syrienne – à Dündar Sahin, directeur d’Akut, permettant ainsi la jonction entre l’expérience du terrain de la guerre qu’avait Le Mesurier et celle d’Akut en matière de recherche et de sauvetage.

Les Nations unies ont alors présenté à Akut un projet de formation de bénévoles syriens soutenu financièrement par les Etats-Unis, qui ont apporté un premier fonds de 100 000 dollars [près de 90 000 euros]. Les volontaires formés, une fois de retour en Syrie, en ont formé d’autres. Depuis lors, des formations plus poussées de dix jours sont organisées à Adana [sud-est de la Turquie].

Un de perdu mais un de sauvé

Abdulhaq, un Casque blanc de 24 ans, raconte ce qu’il a vécu lorsqu’un immeuble de six étages s’est effondré :


“Un hélicoptère avait lâché une bombe sur un bâtiment. Nous avions fait ce que nous pouvions et rentrions chez nous lorsque l’on nous prévint par téléphone qu’un immeuble de six étages avait été touché par un missile sol-sol. Nous avons entendu sous les décombres les pleurs d’un bébé. Nous n’avions pas d’équipement spécifique, nous avons commencé à creuser avec nos mains et avons réussi à sortir le bébé. Mais son jumeau, qui était juste à ses côtés, était quant à lui décédé. Leur mère était miraculeusement encore en vie. Trente et une personnes ont perdu la vie ce jour-là dans cet immeuble.”

Quel sentiment éprouve-t-on lorsque l’on sauve une vie mais que l’on ne parvient pas à empêcher que d’autres meurent ? “C’est très pénible, répond Abdulhaq, on a alors des sentiments contradictoires, mais on se dit qu’un être humain encore en vie vaut mieux que deux morts. Lorsque le bébé que nous avions sauvé pleurait, nous avions tous les larmes aux yeux.”

Des femmes à l’honneur

James Le Mesurier explique également que les femmes syriennes ont commencé à participer activement à la défense civile à partir du milieu de l’année 2014. Cette implication est le résultat d’une demande émanant de la société. Il y a ainsi aujourd’hui 60 volontaires femmes parmi les Casques blancs et ce nombre devrait aller jusqu’à 200.

“Les femmes ont un esprit plus analytique que les hommes”, poursuit Le Mesurier.

“Ainsi, tandis que les hommes envisagent immédiatement de percer un trou dans une plaque de béton, les femmes pensent plutôt à la meilleure façon de le déplacer…”