Ma très chère banque

La séparation bancaire au point mort

De cet échec du lobby des grandes banques systémiques au Parlement européen, il ne faut toutefois pas conclure à l’existence d’une majorité en faveur de la séparation

Michel Barnier

par Philippe Lamberts, contre-rapporteur Verts/ALE sur le projet de règlement européen

La séparation entre banques de dépôt et banques d’affaires est un élément essentiel de la régulation financière. C’est aussi un dossier où Michel Barnier, l’ex-commissaire responsable, a commis une erreur stratégique majeure : s’il en avait fait une priorité en début de législature en 2009, la proximité de la crise financière aurait probablement exercé une pression telle sur les élus qu’aujourd’hui, plus aucune banque systémique ne pourrait combiner la collecte des dépôts et les activités (le plus souvent spéculatives) sur les marchés financiers. Hélas, ce n’est que trois mois avant les élections européennes de 2014 qu’il a déposé un modeste projet permettant d’imposer, au cas par cas, sinon une séparation, du moins [...]

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1 commentaire sur “La séparation bancaire au point mort”

  1. Fallait-il proposer une législation différente, plus dure, qui sépare automatiquement les activités de marchés des activités de détails et fallait-il la proposer plus tôt comme le soutien Philippe Lamberts ? Il me permettra d'être en désaccord sur chacun des deux points.

    Je lis en effet sous la plume de Philippe Lamberts un article intitulé " la séparation bancaire au point mort" dans lequel l'auteur considère que j'aurais commis une « erreur stratégique majeure » en ne déposant qu'un "modeste projet" trop tard dans la mandature précédente du Parlement européen.

    Je m’entends bien avec Philippe Lamberts sur l'appui duquel j'ai toujours pu compter pour créer, au long de cinq années entre 2010 et 2014 et de 42 législations communautaires, une Union Bancaire qui vient stabiliser notre euro zone et le cadre réglementaire le plus rigoureux du monde pour les services financiers. Aujourd'hui, pas un marché, pas un acteur du système financier n'échappe à une réglementation exigeante. Cette réglementation nous a permis de remettre notre système financier en ordre de marche tout en nous garantissant contre de nouvelles dérives. C'est aussi ce travail considérable qui permet aujourd'hui aux financements d'être au rendez-vous d'une croissance qui renaît fragilement.

    Le débat sur le sort des grandes banques universelles dites "too big to fail", c'est-à-dire trop grosse pour qu'on puisse les laisser faire faillite, s'inscrit dans ce cadre et est l'objet de ma proposition de législation européenne de janvier 2014 sur la structure des banques. Il s'agit d'un débat important. Ces banques ne peuvent pas faire faillite car leur place dans l'économie mondiale est telle que leur faillite entraînerait une nouvelle crise financière globale. Mais Elles sont aussi trop complexes et trop interconnectées pour que nous soyons sûrs que nous pourrons gérer un problème de solvabilité ou de liquidité dans l'une d'entre elles de manière ordonnée, sans devoir faire appel aux budgets publics qui de toutes façons n'auraient plus la capacité de répéter l'effort considérable que nous avons dû consentir depuis 2008 pour sauver notre système bancaire. Pour autant ces banques financent notre économie dans une très large mesure. Elles sont une trentaine mais représentent 80% du système bancaire européen mesuré en termes d'actifs bancaires. Elles fournissent à l'économie européenne une large part de son financement crédit et aussi de son financement de marché.

    Fallait-il proposer une législation différente, plus dure, qui sépare automatiquement les activités de marchés des activités de détails et fallait-il la proposer plus tôt comme le soutien Philippe Lamberts? Il me permettra d'être en désaccord sur chacun de des deux points.

    L'un des objectifs majeurs du nouveau cadre réglementaire était de rendre nos banques plus solides, mieux capitalisées, respectant des standards de liquidité rigoureux et dotées d'une meilleure gouvernance. Des banques mieux supervisées aussi et qui, en cas de crise, puissent être sauvées et restructurées sans faire appel au contribuable de manière massive. Sauf à procéder de manière parfaitement idéologique, la nécessité d'une législation sur la séparation des activités bancaires ne pouvait être jugée et les contours de cette éventuelle législation ne pouvaient être définis, qu'une fois ce nouveau cadre défini.

    S'agit-il d'une réforme modeste? Le moins qu'on puisse dire c'est que l'opinion de Philippe Lamberts n'est pas partagée par tout le monde puisque le très pondéré Christian Noyer avait jugé bon de me traiter « d'irresponsable » pour l'avoir proposée et que son équilibre avait été salué par la seule ONG internationale à la crédibilité incontestable en matière financière: "Finance Watch". L'architecture de la législation que j'ai proposé visait à Brider le niveau de risque que pouvait prendre sur les marchés les grandes banques universelles qui sont également de grandes banques de dépôt. Si ces limites de risques sont dépassées, la banque est alors quasi-automatiquement séparée par son superviseur. On répond ainsi à la question du "too big to fail" sans pour autant casser de manière automatique le principal outil de financement privé de notre économie, à une époque où le financement public est limité par l'état des finances publiques.

    Au final, je crois avoir proposé une législation utile et équilibrée. Ce qui est vrai en revanche, c'est que l'on peut être déçu par l'évolution de ce dossier tant au Conseil des ministres européens de l'économie qu'au Parlement Européen, où le dossier a été significativement affaibli pour ne pas dire vidé de sa substance sous l'influence du lobby bancaire.

    Michel Barnier
    Ancien Vice-Président de la Commission européenne