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Politique

Hollande en Algérie : les dessous d'une visite éclair

A Alger pour quelques heures, ce lundi, le chef de l’Etat voudrait obtenir la coopération de l’armée algérienne pour bloquer la progression de l’Etat islamique en Libye.

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François Hollande
François Hollande à Reims, le 10 juillet 2014.
FRANCOIS NASCIMBENI/POOL/AFP

Mais que diable vient-il faire dans cette galère ? Impossible jusqu’au dernier moment d’obtenir les raisons du voyage éclair de François Hollande en Algérie. Muet sur le fond, l’agenda présidentiel officiel souligne paradoxalement la brièveté de cette visite de travail. Départ de Paris à 14h, après inauguration du salon aéronautique du Bourget ; retour à 23h, après une rencontre avec le président Abdelaziz Bouteflika et un diner officiel donné par le président du Sénat.

Trop court pour accréditer la rumeur, relayée par l’opposition algérienne, d’un désir de conforter le clan présidentiel, dans la guerre de succession qui est ouverte, au profit du frère cadet Saïd, conseiller de l’ombre de Bouteflika. Suffisamment long pour une séance de travail constructive avec un dirigeant affaibli par un AVC qui a failli l’empêcher de briguer (à 78 ans !) un quatrième mandat, mais à qui Laurent Fabius - il l’a rencontré à six reprises -, reconnaît encore de beaux restes.

L’analyse du pouvoir politique et de la carte de géographie ouvrent cependant quelques pistes.

Coopération en matière de Défense face à Daech

Avec une autorité centrale forte, adossée à une armée nationale populaire (ANP) surpuissante, secondée par des services de renseignement (DRS) redoutablement efficaces, l’Algérie sunnite et sans minorité chiite - donc préservée d’une lutte confessionnelle intestine - est restée relativement l’écart sinon de la menace de Daech du moins de ses avancées. Oubliez 1992, quand l’islamisme du FIS n’a été stoppé dans sa prise du pouvoir que par l’armée qui a annulé le second tour des élections. En 2013, lors de l’attaque du complexe gazier d’In Amenas par des affidés d’Al Qaida, cette même armée a noyé dans le sang les insurgés. Et en 2014, après l’enlèvement et la décapitation de l’otage français Hervé Gourdel, Bachir Kherza, présenté comme le mufti des djihadistes algériens, a été tué. Alger a aussi participé activement au « règlement » du conflit malien en faisant pression sur les Touaregs. Aujourd’hui, alors qu’à leur savoir-faire, leur expérience, et leur logistique s’ajoute leur proximité, les unités de l’armée populaire pourraient être très utiles pour éliminer les affiliés à Daech qui maraudent dans le Sud près de la frontière avec la Libye et le Niger.

La prise mardi dernier, par les combattants de l’EI, de la ville de Syrte -naguère fief de Kadhafi - avec son aéroport et sa centrale électrique, à la faveur du chaos né de la lutte fratricide entre les deux gouvernements libyens (Tripoli et Tobrouk) renforce cette hypothèse. Alger pourrait être chargé, ou associé, au « nettoyage » des bases arrière d’un djihad qui entend faire de cette Lybie éclatée un fer de lance vers la Tunisie, l’Algérie et l’Afrique sahélienne. Dans un premier temps, sa mission serait de stopper la progression de l’EI vers l’Ouest et les champs pétroliers.

La rentocratie algérienne menacée

La priorité des problèmes extérieurs, le souci d’enrayer l’avancée des djihadistes ne font pas pour autant oublier les difficiles relations de la France avec son ex-colonie et les problèmes de gouvernance de cette dernière, plus de 50 ans après son indépendance. L’opposition algérienne critique une visite « de complaisance », apportant sa caution à un régime « tyrannique et compradore ». On pourrait dire aussi aux abonnés absents tant Bouteflika, reclus dans sa résidence médicalisée de Zéralda à l’ouest d’Alger, s’accroche à la stratégie « rentière » qui mène son pays dans le mur. Selon le politologue algérien Nadji Safir une double rente. Avec son volet politique qui, depuis l’indépendance, donne aux leaders historiques du FLN le monopole de la direction du pays. Et son volet économique, basé sur le pétrole (40% du PIB, 70% des recettes fiscales et 98% des recettes d’exportation) au détriment de l’industrie, débouchant sur une « économie de bazar », incapable de décoller.

Pendant 50 ans, explique Nadji Safir, la corne d’abondance de l’or noir a permis une redistribution - partielle - de la richesse fondant un « pacte social » paradoxal entre une bureaucratie d’Etat corrompue et le reste du pays. La chute brutale des cours du pétrole sonne le glas de cette « rentocratie ». Et menace  la paix sociale.

La France peut-elle aider à résoudre le problème ? On dit la gauche française décidée à « mettre le paquet vers le Maghreb ». Le MEDEF de son côté fait de la terre algérienne où sont implantées 450 entreprises françaises une priorité. Lors de sa visite d’Etat, en décembre 2012, François Hollande avait reconnu les « souffrances infligées à l’Algérie » par la colonisation. Et signé avec le président Bouteflika une déclaration « d’amitié et de coopération », qui explique peut-être les facilités concédées à Renault pour son usine d’Oran (25.000 véhicules « Symbol » par an à destination du marché local).

Aller plus loin ? Dans l’après Bouteflika qui a commencé et où l’Armée et les Services de renseignement ont chacun leur candidat, toute ingérence de l’ancien colonisateur - déjà soupçonné d’avoir milité pour un quatrième mandat du président afin d’obtenir des marchés - serait suicidaire. Dans un pays « démocratique », mais dont le conseil des ministres ne se réunit plus et où l’exécutif est miné par une corruption généralisée (l’ouverture du procès du président de la Sonatrach, la compagnie nationale pétrolière, n’est qu’un cache misère) la France n’a pas le droit de prendre partie. Coopération en matière de défense, développement des liens économiques, oui. Ingérence politique, surtout pas.

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