Récit

Islam, les invités de Cazeneuve

Le casting des 150 personnalités conviées ce lundi au ministère de l'Intérieur, pour dialoguer sur les sujets chauds de l'islam de France, n'a pas été évident.
par Bernadette Sauvaget
publié le 15 juin 2015 à 7h51

Un peu comme pour un mariage, la liste des invités n'a pas été évidente à dresser. «Chaque nom a été soupesé», reconnait-on dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. Comment les 150 personnalités qui planchent, ce lundi, sur les dossiers chauds de l'islam de France ont-elles été choisies ? Une combinaison d'un souci d'ouverture et d'un subtil dosage entre tendances. Mais, main sur le cœur, on jure, place Beauvau, là où s'est mitonnée la chose, que l'Etat ne s'est pas immiscé dans les affaires du culte, conformément à la loi de séparation des Eglises et de l'Etat.

Ici ou là, l'affaire devrait bien allumer quelques polémiques. Mais sans doute pas trop parmi les musulmans. «On sort enfin des clans», s'enthousiasme M'Hamed Henniche, le secrétaire général de l'UAM-93 (Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis). Très bien implanté dans ce qui est le premier département musulman de France, ce dernier, suspect de connivences salafistes et d'amitiés sarkozystes, n'avait jamais été invité à discuter des affaires de l'islam de France. «En 2005, Nicolas Sarkozy m'avait reçu à Beauvau au moment des émeutes. Mais c'est tout», dit-il.

De façon assez surprenante, l'entourage de Cazeneuve a poussé l'audace jusqu'à inviter Fateh Kimouche, le fondateur d'Al-Kanz, un site très fréquenté. Connu pour ses positions religieuses ultrarigoristes, ce blogueur très actif sur Twitter et très influent est détesté par la Mosquée de Paris pour avoir mis au jour de louches affaires liées à la viande halal. «L'initiative est intéressante s'il s'agit de discuter avec les musulmans et si le logiciel change, qu'on en finisse avec l'islam des consulats», dit Kimouche, même si, pour raisons de santé, il n'est pas présent ce lundi. «Le dialogue demeure ouvert avec le ministère», ajoute-t-il.

Le cas Chalghoumi a causé des soucis

Le Conseil français du culte musulman (CFCM), lui, a dû faire contre mauvaise fortune bon cœur et voir revenir à la table des personnalités et des organisations qui avaient été éjectées au fil des ans. C’est le cas des recteurs des grandes mosquées, Kamel Kabtane de Lyon, par exemple, et d’un certain nombre d’imams représentatifs sur le terrain, comme Tareq Oubrou à Bordeaux. Le sommet de Beauvau signe aussi le retour de l’UOIF (Union des organisations islamiques de France, la branche française des Frères musulmans), et cela, même si l’organisation n’est guère appréciée du Premier ministre, Manuel Valls. Il élargit aussi le cercle à des organisations de la société civile en conviant le turbulent CCIF (Comité contre l’islamophobie en France) et le puissant Secours islamique, très investi dans l’humanitaire.

Le très médiatique Hassen Chalghoumi a causé pas mal de soucis. Apprécié dans l’entourage du Premier ministre et chouchou des médias, l’imam de Drancy est honni dans les milieux musulmans. Beauvau a trouvé une échappatoire à ce dilemme en l’invitant comme président du Conseil des imams de France, une association assez fantomatique. En revanche, le jeune leader salafiste émergent de Brest, Rachid Abou Houdeyfa, dont l’aura n’arrête pas de grimper, a été recalé. Même si, selon plusieurs sources, son cas a été discuté. En fait, Beauvau a soigneusement évité les personnalités et les associations identifiées comme appartenant à la mouvance salafisante.

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