
ENVIRONNEMENT - En apparence, l'expression, "îlot de chaleur urbain", peut paraître sympathique. Pourtant, sous cette appellation se cache un phénomène qui inquiète les climatologues : une vague de chaleur qui transforme une ville en four dans lequel les habitants suffoquent, souffrent et même meurent.
Ce phénomène est particulièrement préoccupant dans les pays chauds où le réchauffement climatique va accroître les pics de température dans les décennies à venir. Des chercheurs et des urbanistes, réunis cette semaine pour une conférence organisée en marge d'une session de négociations sur le climat à Bonn, ont mis en lumière ce problème. Et présenté l'arsenal de solutions qui commence à se mettre en place pour le combattre, de la plantation d'arbres aux immeubles où circule la brise.
L'îlot de chaleur urbain résulte d'un phénomène physique simple: durant la journée, les villes emmagasinent la chaleur provenant du soleil et de la circulation dans le béton et le macadam, et elles la libèrent la nuit. Mais avec une vague de chaleur débute un cycle infernal. La nuit n'est pas assez longue pour que toute la chaleur se dissipe, donc à l'aube, la nouvelle journée est déjà chaude... et ne peut que se réchauffer davantage.
Canicule meurtrière de 2003
Sans refroidissement ou pause dans la vague de chaleur, les personnes âgées ou malades sont particulièrement en danger. En 2003, une vague de chaleur en Europe avait fait plus de 70.000 morts (20.000 pour la seule France), selon différentes études réalisées sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
A moyen terme, l'îlot de chaleur urbain peut devenir un problème majeur pour les métropoles. Los Angeles, ville tentaculaire comptant quatre millions d'habitants et peu de parcs, où la voiture est reine, est elle aussi vulnérable, souligne Michael Boswell, professeur à la California Polytechnic State University. Actuellement, dans le centre, la température dépasse les 35 degrés six jours par an, explique-t-il. "D'ici 2050, on s'attend à 22 jours et d'ici 2100, à 54 jours".

Que faire pour réduire la chaleur urbaine ? "La première chose que vous pouvez faire, c'est planter des arbres pour avoir de l'ombre", dit Ingrid Coninx, de la Wageningen University and Research Centre, aux Pays-Bas. Mais "il faut le faire correctement. Si vous empêchez la brise qui se dirige vers le bas d'atteindre le sol, vous pouvez augmenter la chaleur et bloquer la pollution".
Un autre moyen rapide et relativement bon marché est de faire circuler de l'eau, sachant que les cours d'eau absorbent une bonne partie de la chaleur atmosphérique, ajoute-t-elle. Autres idées: planter des arbres et arbustes au sommet des immeubles, peindre les toits ou les recouvrir de manière à ce qu'ils réfléchissent la lumière du soleil.
Réduire la chaleur par l'architecture
Mais ces mesures ne sont efficaces qu'à grande échelle. "Si vous ne dépassez pas les 20 ou 30 % de toits verts, vous ne constaterez aucun effet au niveau de la rue", souligne Saskia Buchholz, du German Meteorological Office. Dans la ville durable de Masdar, aux Emirat arabes unis, "on s'efforce de réduire la chaleur par l'architecture, par la forme des immeubles et des tours à vent (...) qui capturent le vent au-dessus des toits de la ville et le poussent vers le bas, jusqu'au niveau de la rue", explique Michael Boswell.
Par ailleurs, les modèles informatiques permettant de dessiner la carte des températures dans une ville se développent rapidement. On peut penser que d'ici 10 ou 15 ans, ceux qui voudront s'acheter une maison regarderont si elle est située dans une zone souvent touchée par des vagues de chaleur, estime Ingrid Coninx. "Et cela se traduira dans le prix du bien".