
« Les déserts dits médicaux ne sont pas toujours là où on les imagine. » Le constat de l’édition 2015 de l’« Atlas de la démographie médicale », publié mardi 16 juin par l’ordre des médecins, tord le coup à un cliché répandu selon lequel la désertification médicale toucherait seulement les zones rurales. Avec une baisse de 6 % de son nombre de médecins sur la période 2007-2015, c’est la région Ile-de-France qui enregistre la plus forte réduction de son nombre de « médecins en activité régulière ». Un pourcentage qui confirme une tendance, amorcée depuis « sept ou huit ans » selon le docteur Jean-François Rault, président de la section santé publique et démographie médicale de l’Ordre.
Entre 2007 et 2015, ce sont 1 835 médecins qui ont quitté l’Ile-de-France. Si tous les départements franciliens sont concernés par cette diminution, c’est surtout celui de Paris qui fait exploser les statistiques, en totalisant 40,2 % de la baisse. Pour Jean-François Rault, ce résultat est dû à la réduction du nombre des généralistes qui y exercent en libéral. « Cela fait sept ou huit ans que nous observons ce phénomène. Les généralistes ne veulent plus s’installer à Paris. L’immobilier y est devenu trop cher comparé au prix de la consultation à 23 euros, explique-t-il. De ce fait, les jeunes qui sont formés en Ile-de-France préfèrent s’expatrier [sic]. »
Immobilier trop cher
Une autre raison est également avancée pour expliquer ce phénomène : « Il y a eu un changement de mentalité. Les jeunes médecins ont de plus en plus tendance à essayer de concilier leur qualité de vie et leur profession. Aujourd’hui il semblerait que le confort prime sur la quantité de travail et l’argent qu’ils gagnent, souligne le docteur Rault. Etant donné que l’immobilier est cher à Paris, ils sont souvent amenés à s’installer en dehors de la ville. Et souvent, ils n’ont plus envie de s’embêter dans les transports tous les matins et vivre le stress lié à une métropole comme Paris. » Ainsi, ils sont de plus en plus nombreux à plébisciter l’exode vers des régions qui correspondent davantage à leurs attentes, « où il fait bon vivre ».
Un phénomène qui touche Paris et mais aussi des départements comme les Bouches-du-Rhône, et qui profite à d’autres jugés plus attractifs, avec un certain tropisme pour les côtes. Sur les onze régions de France métropolitaine situées en bord de mer, sept ont vu, entre 2007-2015, leurs effectifs augmenter. Les Pays de la Loire sont champions de cette catégorie, avec une augmentation de 6 %. A la lecture de l’atlas, on peut observer qu’environ un quart des médecins ayant quitté durant cette période leur région pour la Bretagne ou les Pays de la Loire venaient d’Ile-de-France.
Pour autant, il serait faux de classer l’Ile-de-France comme un désert médical. Avec 346,3 médecins pour 100 000 habitants, sa densité médicale est la deuxième plus élevée de France, derrière la région PACA (352). Selon le docteur Rault, souligner cette baisse est avant tout un moyen de faire passer un message. « Nous avions remarqué ces dernières années qu’on avait tendance à dire que les déserts médicaux touchaient exclusivement les zones rurales. Le but était de marquer les esprits, en montrant que même la ville de Paris était touchée, même s’il reste malgré tout une importante présence médicale avec les hôpitaux et les services d’urgences ».
Comment enrayer alors cette fuite des médecins de la capitale ? « Il va falloir trouver des solutions pour les locaux adaptés à la profession et surtout avec des tarifs de location intéressants pour pouvoir retenir les médecins », précise M. Rault.
A l’échelle départementale, ce sont néanmoins toujours les zones rurales qui sont le plus affectées par la désertification médicale. A la tête de ce classement, les départements qui ont connu la plus forte baisse de leurs effectifs depuis 2007 sont la Nièvre, qui est passée de 233,9 médecins pour 100 000 habitants à 192,5, soit une baisse de 16 %, suivie de la Creuse et du Cher, qui enregistrent une diminution de 14 %. Sans toutefois rattraper l’Eure, l’Ain et la Mayenne, les trois départements avec la plus faible densité médicale de France (autour de 170).
Benjamin Derveaux
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