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Politique

Et Sarkozy cavale (désespérément) derrière le FN...

Nicolas Sarkozy est prêt à s'attaquer à l'un des fondements du pacte républicain : le droit du sol. Pourtant, en 2012, entre les deux tours de l’élection présidentielle, il déclarait l'inverse...
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Nicolas Sarkozy en meeting à Saint-Maur-des-Fossés, le 9 mars 2015 (K. TRIBOUILLARD/AFP).
Nicolas Sarkozy en meeting à Saint-Maur-des-Fossés, le 9 mars 2015 (K. TRIBOUILLARD/AFP).
K. TRIBOUILLARD/AFP

Qui donc, répliquant en 2003 au Front National exigeant que le droit du sang se substitue au droit du sol pour l'attribution de la nationalité française, trouva cette formule lumineuse : "Avec le droit du sang, on a toujours un sang qui n'est pas suffisamment pur "? Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, celui qui, quelques années plus tard, candidat (victorieux) à l'élection présidentielle, se présentera aux électeurs comme "un petit Français au sang mêlé". Qui donc, en 2012, mettant tout en œuvre pour entraver la progression politique et électorale de Marine Le Pen, reste pourtant ferme, précis et clair sur l'un des principes communs aux républicains de tous bords : "Je suis pour le droit du sol. Nous le garderons. J'ai été tout à fait constant sur cette position même quand cela peut nous poser des problèmes. Le droit du sol, c'est la France"? Nicolas Sarkozy, président de la République et candidat (défait) à sa succession. La cohérence en politique a du bon, notamment sur des sujets aussi déterminants pour la vie commune d'une nation.

"Ce sujet fera l'objet d'un débat et d'un vote"

Trois ans plus tard, Nicolas Sarkozy, président récemment élu du nouveau grand parti de la droite démocratique, Les Républicains, vire brutalement de bord. Terminée, la cohérence idéologique d'un pseudo héritier de la lignée gaulliste, celle qui naquit un jour à Londres avec un général appuyé par quelques militaires, quelques royalistes et quelques juifs ; négligée, l'histoire familiale, celle d'un père hongrois fuyant la dictature communiste arrivant à Paris... sans-papier... Oui, un sans-papier, le père de Nicolas Sarkozy... Le même Nicolas Sarkozy, revenant sur cet engagement formel, déclare désormais, alarmé par l'arrivée de migrants de tous côtés : " La remise en cause du droit du sol est une question qui, incontestablement, peut se poser". La démagogie n'a désormais aucune limite puisque le chef de LR confie aux militants le choix de décider : "Ce sujet fera l'objet d'un débat et d'un vote". L'apparence d'un choix démocratique par avance biaisé. La certitude que les extrémistes, les durs, les identitaires obsessionnels l'emporteront, et Sarkozy le sait. Inutile par exemple de lui rappeler que si François Mitterrand avait soumis à référendum la suppression de la peine de mort, le bourreau couperait encore des têtes dans la cour de la prison de la Santé, qu'un responsable politique digne de ce nom doit être capable de ramer à contre-courant pour défendre une poignée de convictions essentielles. Peu lui chaud, en réalité. Le désir de vengeance et de revanche est si dévorant que s'il est nécessaire de jeter les derniers principes à la poubelle, Nicolas Sarkozy s'y résoudra aisément.

Un ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale pour conforter l’électorat FN…

Pour sûr, il se justifiera. S'il cède à la pression du "politiquement correct"- et le "politiquement correct", c'est évidemment le respect du droit du sol - alors rien ni personne ne résistera à Marine Le Pen. Il ne s'agit donc pas, pour Nicolas Sarkozy, de faire preuve d'intelligence, de pédagogie, pour convaincre les Français que le droit du sol est une règle à respecter ; non, il s'agit de cavaler devant le Front National, de le prendre de vitesse, de lui rapter l'un de ses thèmes de prédilection dans une course droitière éperdue.

Décidément, Nicolas Sarkozy ne tire aucun enseignement de ses échecs passés. Mêmes causes, mêmes effets ?

Ainsi, élu président de la République, espérant conforter l'électorat FN qui s'était massivement reporté sur lui, il annonce la création d'un ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale confié à son plus proche collaborateur politique, Brice Hortefeux. Une manière de signifier on ne peut plus clairement que les immigrés menacent la spécificité française, et non pas l'écroulement du système éducatif ou la plaie du chômage de masse. Sarkozy prendra acte du naufrage à la suite du lancement d'un grand débat national sur les musulmans de France qui virera très vite à un défouloir crypto raciste. Il décide donc la disparition de ce ministère absurde et dangereux, alors confié au transfuge socialiste Éric Besson.

Gauchiser Alain Juppé principal concurrent pour la primaire de la droite

Sur le terrain idéologique et culturel du Front National, personne ne fera mieux que Marine Le Pen. Pas même le "génial" Nicolas Sarkozy. Mais il ne peut s'empêcher de réitérer, conforté par l'idéologie délirante et la force de persuasion de son conseiller Patrick Buisson, anti-républicain déclaré et assumé.Ce sera l'episode du célèbre discours de Grenoble, à l'été 2010. Chasse aux Roms. Français à deux vitesses. Retrait éventuel de la nationalité. Jamais Le Pen père et fille n'avaient osé aller aussi loin. Pour Sarkozy, les conséquences politiques seront apocalyptiques car, ce jour-là, il perd (définitivement?) les voix du centre droit et des héritiers de la démocratie-chrétienne, à l'est et à l'ouest du territoire. Après Grenoble, Marianne sort avec ce titre: " Le voyou de la république". 600.000 exemplaires vendus en kiosques, un raz de marée et, surtout, la traduction d'une bourde dont l'ex-président ne se remettra jamais tout à fait. Voilà que Nicolas Sarkozy réitère. D'abord parce qu'il n'a pas renoncé à cavaler tel un dératé derrière le Front National- même si les résultats de cette course-poursuite sont jusque-là pitoyables. Donc il persiste et signe, au risque de perdre une nouvelle fois l'électorat centriste sans pour autant récupérer ne serait-ce qu'une partie des voix FN. Ensuite, l'opération a pour objectif de gauchiser, donc de ringardiser, Alain Juppé, le principal concurrent pour la primaire de la droite. Utiliser l'inéluctable polémique afin de faire passer le maire de Bordeaux pour un "mou", un "centriste", un porte-étendard du politiquement convenable. Le député Benoist Apparu, l'un des porte-paroles de Juppé, a aussitôt répliqué : « Ill n'a pas l'intention de remettre en cause le droit du sol ». Une première porte fermée sur les doigts de Nicolas Sarkozy. François Fillon ne se montre guère plus aimable : « La France est depuis longtemps un pays acquis au droit du sol, comme d'ailleurs la plupart de ses voisins européens. On ne rejette pas son histoire ». Et l'ancien Premier ministre de se souvenir, du coup, qu'il est issu du gaullisme social.

Il pousse, Nicolas Sarkozy, il pousse pour savoir jusqu'à quel stade le provocation ne le desservira pas, ne l'isolera pas, ne l'affaiblira pas. Tant pis pour la morale, tant pis pour les principes aussi, ses principes d'ailleurs, ceux qu'il revendiquait il y a encore quelque temps. Cette façon de faire de la politique serait déplaisante ? Nicolas Sarkozy s'en moque. Il estime que les tensions sont si vives dans la société française que, pour gagner, il faut nécessairement en passer par la transgression. Espérons qu'il s'égare, notamment parce que la transgression n'est bonne par principe.

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