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Récit

En Corse, des instits menacées pour avoir voulu faire chanter des élèves en arabe

A Prunelli-di-Fiumorbu, les enseignantes de l'école élémentaire voulaient faire chanter «Imagine» de John Lennon en cinq langues, dont l'arabe. Après des menaces de parents, la kermesse est annulée.
A l’école Robert-Doisneau (Lyon Ier), l’occupation va être reconduite ce mardi soir, pour une durée indéterminée (photo d'illustration). (Photo Jeff Pachoud. AFP)
publié le 16 juin 2015 à 12h59

Elle était prévue pour le vendredi 26 juin : la traditionnelle fête de fin d'année de l'école élémentaire de Prunelli-di-Fiumorbu (Haute-Corse) n'aura finalement pas lieu cette année. La directrice de l'école a préféré ne pas prendre de risques. Il y a quelques jours, des enseignantes ont été victimes de menaces de la part de parents d'élèves. En cause : la volonté des institutrices de faire chanter en arabe à leurs élèves un passage de la chanson Imagine de John Lennon.

Ainsi, si les enseignantes ont affirmé ne pas avoir été «terrorisées», elles auraient bien reçu des menaces, selon le recteur de l'académie de Corse, Michel Barat. L'académie a porté plainte contre X, l'Education nationale soutient l'initiative. «Elles ont été interpellées par des parents alors qu'elles faisaient leurs courses dans le bourg. Le mot "kalachnikov" a même été prononcé. Ils ont menacé de siffler, de provoquer des bousculades ou de monter sur l'estrade pendant la fête de fin d'année, affirme Michel Barat. C'est une agression envers l'école, on ne cédera pas là-dessus.»

Depuis lundi, les enseignants exercent leur droit de retrait

Les deux enseignantes avaient prévu de faire chanter aux classes de CM1 et CM2 la chanson de Lennon en cinq langues (français, anglais, corse, espagnol et arabe). Des langues soit enseignées, soit parlées par les élèves. Pour la partie en arabe, elles désiraient faire venir un intervenant pour aider à la prononciation. «Des parents ont précisé qu'ils ne voulaient pas que leur enfant parle arabe. Nous étions prêts à l'entendre, affirme Annelyse Hallard, enseignante, dans un reportage de France 3 Corse ViaStella. Sauf que certains ne voulaient même plus qu'ils viennent à l'école lors de cette demi-heure dédiée à la prononciation en arabe. Et ça, ce n'est pas possible.»

Dans un communiqué, le corps enseignant a également indiqué regretter «l'amalgame entre langue et religion ainsi que la désinformation véhiculée par certains parents». Depuis, les enseignants de l'école de l'Abbazia ont fait valoir leur droit de retrait, une disposition du droit du travail qui permet à toute personne de suspendre son activité si elle s'estime physiquement en danger.

«Racisme primitif»

Dans le village, certains habitants joints par téléphone trouvent «qu'on en fait tout un pataquès pour rien. C'est une histoire banale qui aurait pu se passer n'importe où». La commune de 3 000 habitants, située sur la côte orientale de l'île, comprend une communauté marocaine importante. Le recteur est formel, ces menaces n'ont rien à voir avec le nationalisme corse : «C'est simplement l'expression d'un racisme primitif de quelques individus qui ne sont sûrement pas assez allés à l'école.»

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