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"Le FN à 25% est passé de vote plafond à plancher" - Interview de Gilles Finchelstein

Gilles Finchelstein.
Gilles Finchelstein. © François Lafite
Interview Elisabeth Chavelet , Mis à jour le

Le directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, Gilles Finchelstein, revient sur les événements qui ont suivi les attentats contre «Charlie Hebdo» et l'Hyper Cacher.

Paris Match. «Tout le monde n’a pas défilé le 11 janvier». Ainsi commence votre nouvelle étude de la Fondation Jean-Jaurès intitulée «Janvier 2015 : le catalyseur». Vous défendez donc la même thèse que le sociologue Emmanuel Todd à savoir que les Français sont loin d’être «tous Charlie»?
Gilles Finchelstein. Nous partons du même constat. Il y a eu des écarts considérables de mobilisation. 2% de la population a défilé à Hénin-Beaumont comparés à 70% à Grenoble ! Mais il existe une différence majeure. Emmanuel Todd se concentre sur ceux qui ont défilé pour les fustiger. Notre étude, conduite par Jérôme Fourquet et Alain Mergier, essaie de comprendre la façon dont ceux qui n’ont pas défilé ont interprété les évènements. Si l’on examine les critères qui expliquent ces différences, on observe qu’il ne s’agit ni de la taille des communes, ni du nombre d’étudiants ni même de la météo. Le critère déterminant, c’est la carte du non au référendum de 2005 sur l’Europe et celle du vote FN. Ce sont ces milieux populaires, électeurs réguliers ou intermittents du FN, que nous avons interrogés.

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Vous expliquez que, depuis la crise de 2008 notamment, le sentiment d’insécurité générale s’est accru chez les milieux populaires dont les boucs émissaires s’appellent désormais Europe et mondialisation?
Depuis dix ans, la Fondation suit attentivement l’évolution des milieux populaires. Notre première étude analysait «le descenseur social», en clair leur crainte du déclassement. «Le point de rupture», il y a cinq ans, étudiait l’accroissement des sentiments d’insécurité physique, économique et culturelle. Ces phénomènes se traduisent aujourd’hui par la naissance d’une vraie idéologie qui s’est cristallisée à l’occasion des évènements de janvier. D’où ce terme de «catalyseur».

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Quelle est cette idéologie?
Elle a comme nœud la peur de «l’islamisation», la crainte que les islamistes imposent leurs règles. On nous a dit : les attentats, «il fallait s’y attendre», «nous, on les savait inéluctable». De ce qui était pour eux une évidence, ils tirent une conséquence : la rupture entre eux et les élites, dont les manifestants du 11-janvier. Ils estiment que si tous ceux-là ont été étonnés, surpris, choqués, c’est parce qu’ils n’ont rien compris à la réalité.

"Je suis convaincu que Marine Le Pen ne sera pas élue"

Contrairement, selon eux, à Marine Le Pen qui, écrivez-vous, «interrogée le 8 janvier 2013 sur l’influence grandissante des islamistes dans les pays arables indiquait : "Nous avions prévu qu’au printemps arabe succèderait l’hiver islamiste"». Bref, comme eux, elle avait anticipé?
Ce qui est frappant, c’est que ces électeurs ne se situent plus par rapport à elle – ils disent d’ailleurs aujourd’hui : «Elle pense comme nous» et pas l’inverse. Ils ont une représentation du monde dans laquelle tous les évènements sont mécaniquement interprétés – c’est cela une idéologie.

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Dans ce contexte, le vote FN ne peut-il que progresser?
Il s’est consolidé : le partage d’une même vision du monde entraine un vote beaucoup plus fidèle que les autres. C’est l’une des conclusions inquiétantes de notre étude : les 25% obtenus aux élections par le FN étaient un plafond; ils sont désormais un plancher. Et le vote FN n’est plus un vote de protestation mais de conviction. 

Nicolas Sarkozy a-t-il alors raison d’espérer pouvoir récupérer une partie des électeurs frontistes?
Compte tenu de ce que je viens de dire, c’est un pari bien hasardeux. L’enjeu pour tous les Républicains devrait être d’engager une véritable bataille culturelle et politique qui défende une représentation du monde contre une autre.

Imaginez-vous Marine Le Pen à l’Elysée?
Non. Elle peut évidemment, même si ce n’est pas acquis, accéder au deuxième tour de la présidentielle en 2017. Mais je suis fermement convaincu qu’elle ne sera pas élue. Elle reste la responsable qui suscite chez les Français un rejet sans aucun équivalent. Et, sur la question qui la distingue radicalement des autres partis, à savoir la sortie de l’euro, elle rencontre non seulement l’opposition d’une nette majorité de Français, de 86% de la droite mais elle suscite même le doute chez ses propres sympathisants qui ne sont que 60% à la suivre.

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