Evasion commerciale, Marseille en quête du milliard perdu

Par La Provence

Avec un chiffre d'affaires de près de 280 millions d'euros dès leur première année d'existence, les Terrasses du Port sont l'un des artisans de cette laborieuse reconquête.

Avec un chiffre d'affaires de près de 280 millions d'euros dès leur première année d'existence, les Terrasses du Port sont l'un des artisans de cette laborieuse reconquête.

Photo Guillaume Ruoppolo

Marseille

La ville semble avoir réussi à réduire, sinon stopper l'évasion commerciale

C'est l'un des objectifs qui sous-tend l'action municipale en matière de développement économique depuis près de vingt ans : réduire, sinon stopper l'évasion financière dont bénéficient les grands centres commerciaux situés à l'extérieur de Marseille. Un travail de longue haleine qui semble aujourd'hui porter ses fruits, à en juger les chiffres communiqués récemment par la Ville.

Une étude réalisée en 2001 à sa demande estimait en effet le potentiel de dépenses annuelles des Marseillais à près de 5 milliards d'euros, mais soulignait aussi qu'un milliard au moins disparaissait dans la nature, plus exactement dans les zones commerciales périphériques, notamment à Plan-de-Campagne et Aubagne.

200 000 m² de surfaces de vente supplémentaires

Restent donc au commerce marseillais à engranger encore 200 M€ pour récupérer définitivement le milliard derrière lequel il coure depuis des décennies. Un nouveau palier pourrait être franchi dès l'an prochain, à la faveur de la rénovation du bas de la rue Paradis, du grand retour de la rue de Rome après les trois ans de travaux du tram, ou encore du développement des Voûtes de la Major ; sans oublier l'ouverture du centre commercial du Vélodrome en 2017.

Philippe Gallini


 

"Les grandes enseignes attirent surtout pour elles-mêmes" (L'analyse de Bernard Morvan, président de la Fédération nationale de l'habillement)

Sauver le commerce du centre-ville est le credo de Bernard Morvan. Et c'est pour mieux convaincre les élus des efforts qui sont à accomplir et les commerçants qu'il ne faut pas baisser les bras que le président de la Fédération nationale de l'habillement a entrepris, dès le mois d'avril et en commençant par Marseille, un tour de France. Un mot d'ordre : "Le commerce du centre-ville a besoin d'un plan Marshall".

Pourquoi demander un tel plan ? Les petits commerces vont mal ?
Bernard Morvan : Nous nous sommes penchés sur les problèmes liés à la revitalisation des centres-villes qui souffrent de la fermeture de nombreux petits commerces qui n'en peuvent plus. Cela est lié à la concurrence de la grande distribution, aux magasins implantés en périphérie, aux charges trop élevées et au poids de la fiscalité. Oui, la dégradation s'accélère et il faut réagir. Le meilleur moyen pour y parvenir est d'établir une relation gagnant-gagnant avec l'ensemble des acteurs. Le commerce de centre-ville n'est pas qu'une affaire de commerçants. C'est aussi une vision, de l'aménagement, c'est global. Il faut que les élus prennent conscience de la dimension. C'est ce que j'ai dit à Marseille où, j'en suis convaincu, le potentiel est magnifique.

Les élus veulent attirer de grandes enseignes. On parle d'ailleurs de Primark au coeur de Marseille. Mais sont-elles des moteurs ?
En terme de trafic, oui. Les grandes enseignes attirent du monde et on peut dire qu'elles accentuent la fréquentation. Ceci est irréfutable. Cela dit, j'apporte tout de suite un bémol : ces enseignes attirent surtout pour elles-mêmes et ne nourrissent pas toujours un parcours shopping. Cela est encore plus vrai lorsqu'il s'agit de Primark, qui a réussi le tour de force d'attirer des clients bien au-delà de la sphère de ceux qui ne s'intéressent qu'aux petits prix !

Cela veut donc dire que le petit commerce doit s'adapter ?
Exactement. Et la meilleure manière d'y parvenir c'est de digitaliser les points de vente. Il faut ouvrir une vitrine, devenir visible. C'est la première solution. Ensuite, je pense qu'il faut miser sur l'originalité, sortir des sentiers battus, penser aux consommateurs et être davantage collectif. C'est cela le commerce. Il faut enfin tirer vers le haut.

Tout n'est donc pas perdu pour le petit commerce ?
Bien sûr que non ! Il ne doit pas se replier.

Propos recueillis par Jean-Luc Crozel