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A Hongkong, la réforme électorale mise en échec

Les parlementaires ont nettement rejeté le projet de suffrage universel encadré, proposé par Pékin.

Par  (Hong Kong, correspondance)

Publié le 18 juin 2015 à 10h50, modifié le 18 juin 2015 à 15h41

Temps de Lecture 4 min.

Des parlementaires pro-démocratie, jeudi 18 juin, au Conseil législatif de Hongkong. Sur la banderole : « Rouvrez la réforme politique pour défendre Hongkong, n’abandonnez jamais le combat pour un vrai suffrage universel ».

Le Parlement de Hongkong a dit « non » à la réforme électorale proposée par Pékin en août 2014, plus vite que prévu et non sans un coup de théâtre des députés de la majorité. Ce texte aurait certes introduit le suffrage universel pour l’élection du chef de l’exécutif dès 2017, une avancée majeure, mais avec des conditions que les pro-démocrates ont jugé inacceptables.

Comme attendu, les 27 députés du camp pro-démocratie (sur un total de 70) ont voté contre la réforme jeudi 18 juin, exerçant leur minorité de blocage, rejoints par un député de la majorité. Mais, bizarrement, seuls 8 députés de la majorité, le camp généralement qualifié de « pro-Pékin », ont choisi de voter pour. Une trentaine de députés de la majorité ont quitté l’hémicycle dans les minutes qui ont précédé le vote, dans un geste de rébellion inattendu et encore inexpliqué.

Les consignes du gouvernement et de Pékin étaient pourtant très claires : les députés de la majorité auraient dû voter en faveur de la réforme. Le résultat aurait montré une majorité du Parlement favorable à la réforme, même sans atteindre la majorité des deux tiers nécessaire à l’adoption du texte. Mais pas un seul député de l’Alliance démocratique pour l’amélioration et le progrès de Hongkong (DAB), considérée comme un sous-marin du Parti communiste chinois, la formation la plus importante au Parlement, n’a voté en faveur de la réforme. Même le président du Parlement, Jasper Tsang Yok-sing, a choisi de ne pas voter.

Pourtant, tout semblait indiquer depuis plusieurs jours que les jeux étaient faits. Malgré diverses tentatives pour les faire changer d’avis, dont une rencontre de la dernière chance organisée le 31 mai en Chine par Pékin avec une cinquantaine de députés, et malgré certaines pressions, le camp des 27 députés pro-démocratie est resté uni. Il manquait donc 4 votes à l’adoption de la réforme. Mais lors du vote de jeudi, il lui en a manqué près de 40.

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Il n’aura finalement fallu qu’une dizaine d’heures de débats au Legislative Council (Legco), le Parlement, pour que son président décide de passer au vote. Dans son allocution qui a ouvert le débat, mercredi 17 juin, Carrie Lam, la secrétaire en chef du gouvernement, avait tenté de convaincre une dernière fois les parlementaires récalcitrants à approuver cette solution « même imparfaite ». « Un droit de vote est beaucoup mieux que rien. La réforme donnerait le droit de vote à 5 millions de personnes », avait-elle ajouté.

Ce vote inattendu signe donc la fin étrange d’un débat où le positionnement des uns et des autres est à front renversé depuis le début. Car dans cette affaire, les pro-démocratie se sont opposés à l’introduction du suffrage universel, et le camp pro-Pékin est censé être devenu partisan d’un système plus démocratique… On a ainsi vu la populiste Regina Ip, dont personne n’a oublié le commentaire qu’elle fit en 2002 devant des étudiants sur les dangers de la démocratie – en rappelant qu’Hitler avait été élu démocratiquement –, juger à présent « regrettable » l’échec de cette réforme.

L’opposition a su rester unie jusqu’au bout et imposer sa minorité de blocage comme elle avait menacé de le faire depuis les événements de l’automne

Pour le gouvernement de C.Y. Leung, ce résultat est un double échec. D’une part parce que le chef de l’exécutif avait pour mission de faire passer la réforme, d’autre part parce qu’il a visiblement été trahi par son propre camp. Cela dit, le système actuel est beaucoup plus sûr et confortable pour l’establishment. L’ironie de cet échec est qu’il pourrait permettre de reconduire le très impopulaire chef de l’exécutif au pouvoir en 2017.

Des manifestants du camp pro-démocratie, le 18 juin à Hongkong.

La victoire qui, en théorie, appartient au camp pro-démocratie est donc toute relative. Certes, l’opposition a su rester unie jusqu’au bout et imposer sa minorité de blocage comme elle avait menacé de le faire depuis les événements de l’automne. Mais, concrètement, elle risque de payer cette attitude jusqu’au-boutiste. Selon un sondage réalisé par trois universités de Hongkong, 48 % de la population étaient en fait en faveur de cette réforme contre 38 % qui s’y disaient opposés. Le camp pro-démocratie, qui dispose normalement du soutien de la majorité de la population, s’est donc retrouvé à contrer une proposition soutenue par une quasi-majorité de la population, et à préférer maintenir un système qu’il n’a eu de cesse de dénoncer par le passé.

Les conséquences de ce vote sont donc un piètre retour à la case départ. Rien n’indique que Hongkong va à nouveau avoir la possibilité de transformer son système électoral dans les années à venir. Surtout que la réforme sur le mode de scrutin du Parlement pour l’élection de 2020 devait avoir lieu après celle sur le mode d’élection du chef de l’exécutif. En 2047, le « haut degré d’autonomie » promis par Pékin pendant cinquante ans au moment de la rétrocession prendra fin.

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« Pour la Chine, concéder le suffrage universel à la population de Hongkong est un énorme cadeau. Que les Hongkongais n’en soient pas satisfaits est quelque chose d’incompréhensible pour Pékin », confiait récemment un diplomate chinois ne souhaitant pas être cité. Un « cadeau » pourtant obligé puisque l’article 45 de la Basic Law, loi-cadre servant de mini-Constitution, prévoit en effet que le chef de l’exécutif soit « un jour » élu au suffrage universel. Un jour qui s’est éloigné de plusieurs années avec le « non » du 18 juin.

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