A Yulin, en Chine, le solstice d'été du 21 juin est célébré par des festivités d'un genre particulier. Selon une tradition de l'ethnie zuhang, il est de coutume de consommer un plat de viande de chien, des litchis et de l'alcool. Mais, depuis plusieurs années, ce "festival" est de plus en plus controversé.

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Cette année, la polémique a gagné les réseaux sociaux: un hashtag circule depuis mai (#StopYulin2015) et une pétition y est largement diffusée. Plus de 500 000 personnes l'ont signée pour demander aux autorités chinoises d'annuler l'événement. "En tant qu'étrangers respectueux des Chinois et de la civilisation chinoise, nous sommes tristes d'apprendre que le festival de la viande de chien existe encore dans notre société moderne", explique le texte de la pétition.

Le mouvement est notamment soutenu par l'acteur Ricky Gervais, qui a contribué à sa mise en lumière. "Je suis sincèrement désolé. J'aimerais ne pas avoir à partager cette photo. Brûlés et ébouillantés vivants pour leur saveur", a tweeté l'artiste britannique. Une pétition soumise à la Maison Blanche en 2013 (1192 signatures) rapportait que les chiens sont parfois brûlés alors qu'ils sont encore conscients. Mais les organismes de protection des animaux qui militent contre le festival, comme Humane Society International ou la Fondation Brigitte Bardot, ne diffusent pas ces informations et la source des photos postées par Ricky Gervais est inconnue.

En revanche, cette vidéo de l'ONG américaine de protection des animaux Duo Duo, basée en Chine, montre les conditions désastreuses dans lesquelles vivent les chiens qui sont vendus. La Chine n'a pas de loi de protection des animaux.

10 000 chiens et 4000 chats tués

Le festival sous sa forme actuelle existe depuis la fin des années 1990, explique le China Daily, l'organe de presse officiel chinois, mais la tradition est ancestrale. La croyance veut que la viande chien consommée au solstice d'été apporte chance et santé pour l'année. "Pendant les jours qui précèdent l'événement, les marchands exposent les animaux vivants, comprimés dans des cages de fer", raconte Paris Match. Une fois choisis, les animaux sont saignés, "on repart du marché le panier rempli de museaux, de pattes et de queues fraîchement coupés. Le soir du 21 juin, on ripaille autour de grandes tablées". Les militants pour la protection des animaux estiment que 10 000 chiens sont tués, dans des conditions brutales, au cours des festivités chaque année. Quelque 4000 chats subiraient le même sort.

Des questions sanitaires inquiètent également les opposants au festival. Officiellement, seuls des chiens d'élevages considérés comme comestibles sont vendus à Yulin, expliquait en 2014 le quotidien chinois Global Times. Et le ministère de l'Agriculture impose depuis 2013 une période de quarantaine avant le transport de ces chiens et chats vers le festival. Mais les associations de vétérinaires estiment qu'il n'y a eu aucun changement dans les contrôles, et "voler et vendre des chiens est une activité illégale florissante", avance le China Daily. La provenance des animaux, et leur état de santé, ne sont pas contrôlés. Selon le ministère de santé publique de la province du Guangxi, la rage cause 300 décès chaque année dans la région, et tout particulièrement à Yulin.

Une tradition remise en question

Les appels au boycott se font de plus en plus pressants, si bien que l'an dernier, la municipalité de Yulin a publié un communiqué indiquant que le festival "n'avait jamais existé", explique le magazine britannique Time. Signe de l'embarras des autorités, cette année, le gouvernement local a décidé de ne pas se mêler de la polémique parce qu'il s'agit d'une "affaire de société", note le China Daily. En 2011, le festival de viande de chien de Jinhua Hutou, vieux de 600 ans, avait été interdit par les autorités chinoises après une importante campagne médiatique.

"10 000 chiens, c'est peu au regard des 1,7 million de porcs servis chaque jour dans les assiettes chinoises", relativise la BBC. Mais la question "manger ou ne pas manger du chien?" qui émerge dans la société chinoise est le signe qu'ils sont de plus en plus considérés comme des animaux de compagnie, à mesure que la classe moyenne se développe.

En Chine, la consommation de la viande de chien n'est pas taboue, ni punie par la loi. Si les protestations sont de plus en plus fortes dans le pays, de nombreux Chinois pensent qu'il n'y a rien de mal à en consommer. Selon une étude relayée en juin 2014 par le quotidien chinois Global Times, 60% des personnes interrogées estimaient que les militants ne devaient pas se mêler de ces questions de tradition.

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