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Gignac, le dernier coup du sombre héros

Epilogue d'une carrière tourmentée, l'attaquant marseillais devrait s'engager dans un club mexicain.
par Mathieu Grégoire
publié le 18 juin 2015 à 15h01

Avec les joueurs de l'OM, on est rarement déçu du voyage, on peut même ajouter de nouvelles contrées à son atlas du football. A l'été 2014, le meneur Mathieu Valbuena est parti à Moscou, au Dynamo, et le défenseur Lucas Mendes a atterri au Qatar, à Al-Jaish. En juin 2015, voilà l'attaquant André Ayew qui file à Swansea, au fin fond du Pays de Galles, et André-Pierre Gignac qui rejoint le Mexique. Vu qu'il passait ses récentes vacances à Cancun, ce dernier n'a pas eu de grand détour à faire pour signer son contrat avec le club des Tigres de Monterrey.

Après cinq saisons à Marseille, Gignac avait terminé son bail à l’OM, il était libre de s’engager où il le souhaitait. Une situation intéressante pour un joueur qui vient de flamber: les clubs intéressés n’ont pas à verser d’indemnités de transfert et peuvent rallonger la prime à la signature pour séduire leur proie. Des clubs italiens, anglais, russes, saoudiens et turcs ont signifié leur intérêt aux représentants de Gignac, mais celui-ci a finalement été soufflé par les revenus proposés au Mexique, près de 5 millions d'euros à l’année selon certaines indiscrétions. Deux fois plus que le salaire proposé par Lyon et Jean-Michel Aulas, qui a pris un plaisir certain à provoquer les supporters marseillais sur ce dossier.

«C’est un revenant»

Les intimes de Gignac n'en faisaient pas un grand mystère: «A bientôt 30 ans, il veut signer un dernier gros contrat. L'argent a toujours guidé ses choix.» C'est vrai, mais à l'OM, où il émargeait à près de 350000 euros mensuels, il pouvait au moins dissimuler ce plan de carrière derrière des ambitions sportives et un rapport affectif avec l'équipe qu'il a toujours supportée, depuis sa tendre enfance sur les rives de l'Etang-de-Berre et dans les vapeurs d'hydrocarbures. L'épopée de Gignac à l'OM a rassemblé tous les ingrédients d'un storytelling réussi. Kyril Louis-Dreyfus, le fils de la propriétaire Margarita, nous a confié un jour: «Franchement, Gignac, il m'a surpris. C'est un revenant. Il est au cœur d'un retournement de situation unique à l'OM.»

Un montant de transfert démesuré (plus de 20 millions d'euros avec les bonus), des adducteurs en feu, un surpoids chronique, une hygiène de vie lamentable, une irritabilité remarquable et des insanités à l'attention de Deschamps pour commencer (période 2010-2012). Puis un coach, le bonnard Elie Baup, qui le relance, des statistiques ressuscitées, un vrai travail d'avant-centre et le Vélodrome qui commence doucement à troquer les sifflets et le slogan «Un Big Mac pour Gignac» pour des applaudissements nourris (période 2012-2014). Une dernière saison 2014-2015 tonitruante, un visage émacié, des réalisations en cascade, des paliers dépassés (102 buts en L1), la confiance de Marcelo Bielsa, et, last but not least, ce départ libre comme un pied de nez à ces dirigeants marseillais qui ont voulu le refourguer à chaque mercato estival, contre son gré. Ouf! N'en jetez plus, il y a déjà trop d'épisodes à digérer. Le 23 mai, au soir de son dernier match avec l'OM, Gignac s'est adressé au Vélodrome et a résumé: «Entre vous et moi, c'est un peu une histoire de ''je t'aime, moi non plus''. Mais je ne garderai que les bons souvenirs, et j'espère que vous aussi.»

Avec ce choix olé olé, Gignac s'écarte de facto de la liste de Deschamps pour l'Euro 2016, on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Accusé en novembre 2011 de faire «des enculeries», le sélectionneur lui avait pardonné ses ponctuations marseillaises, sans jamais vraiment compter sur son profil de canonnier solitaire. Gignac prend beaucoup de place dans l'attaque et le jeu de son équipe, parfois trop. «Disons qu'il se gave de ballons», sourit un ancien coéquipier. En partant de sa villa de Cassis, cet été, Gignac éteindra la lumière et n'oubliera pas de donner sa nouvelle adresse au magistrat de la JIRS de Marseille, Christophe Perruaux, qui enquête depuis près de quatre ans sur les ressorts de son transfert à l'OM et les liens entre ses agents et une bande de voyous corses. «Je suis le parrain des parrains», clamait parfois Gignac, dans les vestiaires de la Commanderie ou dans les dîners en ville, histoire de flamber un peu. Tout compte fait, le Mexique et ses liasses de pesos n'auront rien d'un rendez-vous en terre inconnue.

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