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Le sport business, une partie du système Balkany

Au-delà du cas Riner, c'est tout un système que le rapport de la chambre régionale des comptes met en lumière. Où les combats de boxe tiennent une place centrale.
par Emmanuel Fansten
publié le 19 juin 2015 à 12h12

La polémique sur le salaire de Teddy Riner a levé un nouveau coin de voile sur le système Balkany. Dans un rapport cinglant qui doit être discuté ce lundi en conseil municipal, et que Libération publie en intégralité, la chambre régionale des comptes s'intéresse de près aux finances du Levallois Sporting Club (LSC). Et révèle la gabegie du club fondé en 1983 par Patrick Balkany, qui affichait l'an dernier plus de 2 millions d'euros de dettes. Outre le salaire mirobolant de ses athlètes de haut niveau (près de 30 000 euros mensuels pour le seul Teddy Riner), le club est également étrillé pour sa gestion des grands événements sportifs. «Manifestement surdimensionnés au regard des capacités financières du club, ces événements n'ont pas engendré les retombées économiques positives attendues», note pudiquement le rapport qui évoque des manifestations au «budget mal maîtrisé». Plus encore que les championnats du monde de judo, qui avaient fait perdre à la ville 750 000 euros en 2008, l'autorité de contrôle pointe les combats de boxe qui ont longtemps fait la renommée de la ville et la fierté de son maire.

Depuis 2008, une dizaine de galas ont eu lieu au Palais des sports Marcel-Cerdan, avec pour point d'orgue les finales des championnats d'europe légers. La chambre souligne l'«organisation atypique» de ces événements — faisant intervenir conjointement le LSC, la ville et une société organisatrice des combats —, insistant sur «la totale opacité qui recouvre le bilan financier de ces opérations». Des événements où les boxeurs étaient parfois payés en liquide et les intermédiaires toujours choyés. On découvre ainsi que le club a versé 257 000 euros au promoteur de boxe américain Don King en 2008. La chambre régionale des comptes s'intéresse également au cas d'un boxeur, présenté sous le nom de «Monsieur X», que les amateurs du noble art connaissent mieux sous le nom de Souleymane M'Baye. Recruté en 2002, initialement salarié comme «employé technique», puis comme «éducateur sportif» ou «manager», l'homme a ensuite été payé en cachets pour monter sur le ring. Entre 2007 et 2010, «Monsieur X» combat à trois reprises à Levallois, empochant 40 000 euros à chaque fois. Puis en 2011, il touche 115 000 euros d'honoraires pour sa préparation aux championnats du monde WBA à Marrakech. Retiré depuis de la compétition, il est de nouveau salarié du club, principalement payé en notes de frais.

«L’immixtion de la ville»

Pour la chambre régionale des comptes, cette gestion hasardeuse est d'autant plus problématique qu'elle repose en très large partie sur des subventions publiques. L'an dernier, la municipalité a ainsi versé plus de 6 millions d'euros au club, un montant en augmentation de 25% ces dernières années. Ce «lien organique» entre le club et la ville est longuement développé dans le rapport, qui s'étonne que sur les 24 personnes composant le conseil d'administration du LSC, huit membres de droit soient directement issus du conseil municipal. En tant que «président d'honneur», Patrick Baklkany lui-même a siégé à diverses reprises au conseil d'administration pour prendre part aux débats, insistant personnellement sur le recrutement d'un judoka professionnel ou sur la nécessité d'organiser des combats de boxe.

Le député et maire, qui a versé au club en 2013 la totalité de sa réserve parlementaire (110 000 euros), se sent chez lui au LSC. A tel point que le club est devenu au fil du temps une annexe de la mairie. «L'immixtion de la ville dans la gestion du LSC soulève la question du caractère transparent de l'association, porteur de nombreux risques juridiques», souligne le rapport. Signe de cette symbiose, le club était dirigé jusqu'en 2012 par Jean-Pierre Aubry, le bras droit de Balkany également président de la Semarlep, la juteuse société d'économie mixte de la ville. Mis en examen depuis pour «blanchiment de fraude fiscale», Aubry a dû démissionner mais a conservé son siège au conseil d'administration du club. En septembre 2012, lors d'une session extraordinaire à la mairie, Patrick Balkany a lui-même intronisé son successeur, Bertrand Percie du Sert, jusqu'alors conseiller municipal délégué à la voirie, à la propreté, à la sécurité publique et routière. Ce jour-là, le maire se félicite «d'avoir une équipe totalement renouvelée pour gérer le sport à Levallois». Mais n'oublie pas de rappeler qu'en qualité de «principal actionnaire» de l'association, il a un pouvoir de décision sur toutes les orientations du club. Histoire de lever toute ambiguïté.

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