
En réalisant la meilleure performance mondiale depuis 2006, avec un jet à 91,39 m au meeting de Birmingham (Angleterre), début juin, le Kényan Julius Yego s’est une nouvelle fois illustrée, trois ans après la finale olympique atteinte par « YouTube Man ». C’était la conclusion d’une folle semaine débutée en République tchèque. A Ostrava, Julius Yego avait envoyé son javelot à 86,88 m, améliorant ainsi de plus d’un mètre le record du Kenya.
Puis au meeting de Birmingham, comptant pour la Ligue de Diamant, le Kényan atteint 91 mètres 39, une marque qui aurait fait de lui le champion du monde de la discipline à Moscou en 2013. « Battre mon record est un grand bonheur, se félicite le lanceur. Je ne m’y attendais pas vraiment, mais je me sentais fort, j’étais prêt. Chaque jet me procurait du plaisir, et la distance a suivi. » De quoi placer Julius Yego parmi les favoris des Mondiaux d’athlétisme qui se dérouleront à Pékin, du 22 au 30 août, et en faire, encore un peu plus, le « phénomène » du javelot.
Julius Yego, depuis sa finale aux JO de Londres en 2012, suscite l’étonnement. D’abord parce qu’il est issu d’un pays où l’immense majorité des athlètes s’illustrent en fond et demi-fond. « Si j’avais dû faire comme les autres et m’illustrer par la course, je ne serais pas devenu celui que je suis aujourd’hui », s’amuse-t-il. Comme il s’amuse du surnom dont on l’a affublé : « YouTube Man ». « J’ai lancé mon premier vrai javelot au lycée en 2005, se souvient-il. Avant ça, je m’entraînais et concourais avec des bâtons. »
Dans un pays où le javelot est loin d’être une priorité, Julius Yego apprend devant un écran d’ordinateur : « Pour améliorer ma technique, j’ai regardé beaucoup, beaucoup de vidéos. Il m’a fallu en regarder énormément parce qu’au départ, je ne lançais pas bien. » Des heures et des heures passées dans les cybercafés de Nairobi et Eldoret, à l’ouest du Kenya, lui permettent de scruter les gestes des meilleurs de la discipline parmi lesquels Yan Zelezny, détenteur du record du monde.
Cette méthode d’apprentissage laisse Jacques Danail, référent des lanceurs de javelot à la Fédération française d’athlétisme et fin connaisseur de Julius Yego, un peu sceptique : « Il n’a pas appris à lancer le javelot sur YouTube. Ça a pu lui apporter des éléments et il a reproduit par imitation la gestuelle et la technique des autres lanceurs, mais ça n’a pas suffi à sa progression ! »
Sa progression rectiligne est celle d’un gamin pétri de qualités. En junior, Julius Yego lance déjà à plus de 70 mètres, ce qui le place d’emblée parmi les prétendants à une qualification olympique. Et ce malgré un physique un peu atypique pour un lanceur de javelot. « Il mesure 1 mètre 75, ce n’est pas très grand, remarque Jacques Danail. Il rend vingt centimètres à Tero Pitkämaki [champion du monde en 2007 et médaille de bronze aux JO de Pékin]. Mais il compense par une vitesse d’éjection phénoménale. Il a un bras très rapide, et de très bons angles, ce qui optimise ses trajectoires. »
97 000 vues sur YouTube !
Il décroche son premier titre en 2011 aux Jeux africains de Maputo, avec un jet à 78,34 m. Puis il se qualifie pour les JO de Londres (79,95 m). S’il rate sa finale olympique, sans doute impressionné de concourir face aux athlètes dont, plus jeune, il regardait les vidéos, il marque les esprits avec un lancé à 81,81 m en qualifications.
Cette trajectoire s’explique par son départ fin 2011 pour la Finlande. « Là-bas, les lanceurs de javelot sont des stars et il bénéficient de conditions d’entraînement de top niveau, assure Jacques Danail. Avec analyses vidéos et des outils qui permettent de cerner tous les paramètres d’un lancé. »
Au contact des meilleurs, et sous les ordres de Petteri Pironnen, Julius Yego exprime pleinement son potentiel, parvenant à dépasser les 90 mètres à Birmingham. Un lancé qui a beaucoup fait parler. Invalidée dans un premier temps, pour avoir dépassé la ligne, la tentative est finalement mesurée à 91,39 m, meilleure performance mondiale depuis 2006 et nouveaux records d’Afrique et de la Ligue de Diamant. De quoi lui offrir aussi 97 000 vues de son lancer sur… YouTube ! « Je montre souvent ses vidéos à mes jeunes athlètes, confesse Jacques Danail. Des garçons qui sont plus costauds que lui, mais moins bons, pour leur montrer que le physique ne fait pas tout. »
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu