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ÉTATS-UNIS

Débat sur le port d’armes : pourquoi la tuerie de Charleston ne va rien changer

Après la sanglante fusillade de Charleston, Barack Obama espère relancer un nouveau débat sur la régulation du port d’armes aux États-Unis. Mais le gouvernement américain est-il en mesure de faire avancer les choses sur ce dossier épineux ?

Des personnes se recueillent devant l'église Emanuel de Charleston, le 19 juin 2015.
Des personnes se recueillent devant l'église Emanuel de Charleston, le 19 juin 2015. Joe Raedle, AFP
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Il y a comme une pénible impression de déjà vu. Après une nouvelle tuerie, au cours de laquelle neuf paroissiens sont morts dans une église afro-américaine de Charleston en Caroline du Sud, tous les regards se tournent vers la question du port d’armes à feu aux États-Unis. L’auteur présumé de cette dernière attaque, Dylann Roof, 21 ans, était muni d’un pistolet de calibre 45 qu’il avait reçu en cadeau d’anniversaire de son père, en toute légalité.

Face à cette tragédie, le président Barack Obama a troqué, lors d’un discours jeudi 18 juin, la tristesse pour l’exaspération. "Une nouvelle fois, des innocents ont été tués notamment parce que quelqu'un qui leur en voulait n'a eu aucun mal à se procurer une arme", a-t-il souligné, en colère.

"J'ai dû faire ce genre de déclarations trop souvent", a-t-il lancé, visiblement lassé, avant de réclamer une véritable réflexion collective sur le rapport aux armes à feu aux États-Unis. "À un moment, il va falloir admettre que ce type de violence n'arrive pas dans d'autres pays développés. Cela n'arrive pas ailleurs à cette fréquence." Selon le FBI, 160 tueries perpétrées par des individus armés ont eu lieu aux États-Unis entre 2000 et 2013, causant la mort de 486 personnes.

>> À lire sur France 24 : Qui est Dylann Roof, l’auteur présumé de la tuerie de Charleston ?

Une spécificité très américaine, donc, tout comme cette propension à relancer le fameux débat sur les armes, en vain, à chaque tuerie.

À chaque tuerie, sa prise de conscience

Certaines ont plus choqué que d’autres. En 1999, la tuerie du lycée de Columbine, dans le Colorado, au cours de laquelle 12 élèves et un professeur ont perdu la vie, avait inspiré le film-documentaire "Bowling for Columbine" de Michael Moore, charge virulente contre les partisans du port d’armes. En 2012, la fusillade survenue dans une salle de cinéma d’Aurora, là encore dans le Colorado, et ayant fait 12 morts, avait ravivé le débat sur la réglementation des armes. La tuerie était néanmoins survenue dans un contexte politique délicat, alors que Barack Obama et Mitt Romney étaient tous deux en lice pour la présidentielle.

Quelques mois plus tard seulement, en décembre, l'école de Sandy Hook à Newtown dans le Connecticut a été à son tour attaquée par Adam Lanza, un forcené qui s’était emparé de quatre armes appartenant à sa mère, dont un fusil d’assaut. À l’époque, la fusillade, qui a coûté la vie à 25 personnes dont 20 enfants et la mère du tireur, avait eu un fort retentissement et la sénatrice démocrate de Californie Dianne Feinstein avait présenté un texte visant à interdire les armes d'assaut et les chargeurs de plus de 10 balles. Faute de soutiens, le projet de loi avait été abandonné au Sénat. La faute au puissant lobby pro-armes National Rifle Association (NRA) qui exerce une grande influence sur la scène politique.

L’emprise de la NRA

"La NRA est extrêmement puissante. Elle a beaucoup d’argent et elle finance les campagnes électorales, expliquait Anne Deysine, politologue et auteure de 'La Cour suprême des États-Unis', vendredi 19 juin au micro d’Europe 1. Si un candidat souhaite limiter le port d’armes, il ne reçoit pas d’argent pour sa campagne." En outre, l’association garde un œil attentif sur les membres du Congrès et du Sénat. Si l’un d’eux vote d’une manière qui lui déplait, la NRA a les moyens de mettre en place une campagne de publicité négative contre lui.

Pire, ces dernières années, les défenseurs du port d’armes ont pris de l’assurance. En 2008, une première décision de la Cour suprême a abondé dans le sens des intégristes de la gâchette en décrétant que le port d’armes était un droit individuel. En 2010, la Cour a interdit aux États et aux villes de porter atteinte au fameux deuxième amendement de la Constitution. Ce dernier stipule qu’"une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé".

"La NRA a réussi à convaincre les Américains que revoir la législation sur le port d’armes reviendrait à une privation des libertés", explique Anne Deysine à France 24.

Colère, frustration, résignation

Une emprise politique qui rend la tâche difficile pour Barack Obama, alors même qu’il avait, dès son premier programme de campagne, affiché des intentions fermes sur le sujet. Jeudi, il a lui-même reconnu qu'une avancée législative sur ce thème était inconcevable à court terme.

"Au début de son mandat, Barack Obama espérait faire quelque chose, maintenant il est résigné", commente Anne Deysine. Pour l’experte, le chef d’État n’a désormais aucune marge de manœuvre : "Il ne se passera rien. Barack Obama est maintenant en proie à la colère, à la frustration et à la résignation."

Au-delà de la politique, le port d’armes reste une pratique culturelle très ancrée dans certains États du pays. Au lendemain de la tuerie, la une du journal local de Charleston "Post and Courrier" a donné une bonne illustration de l’impasse dans laquelle se situe le débat : sur la couverture consacrée au massacre était affichée une offre promotionnelle sur les armes à feu.

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