Frédéric Lefebvre : "On prend les Français pour des imbéciles"
INTERVIEW - Beaucoup se souviennent de lui comme d’un porte-parole caricatural de l’UMP durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. A 51 ans, Frédéric Lefebvre marque désormais sa différence avec son propre camp en soutenant des réformes du gouvernement, comme la loi Macron. Entretien avec un député de droite qui dit en avoir marre de "la politique à l'ancienne", où tout n'est que "stratégie, cynisme et calcul".

Le bureau exigu se trouve au bout d’un couloir, à l’Assemblée nationale. Sur la table basse, un livre de photos sur l’Elysée et pas très loin, un cadre avec son prix de l’humour politique datant de 2011. Frédéric Lefebvre avait obtenu le prix de "l’encouragement" pour avoir déclaré que son livre de chevet était "Zadig et Voltaire" (citant l'enseigne plutôt que Zadig ou la Destinée, de Voltaire). La bourde avait fait le bonheur des internautes pendant plusieurs jours.
L'ex-ministre est un homme de paradoxes. Après une boulimie médiatique au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy, celui qui est depuis 2013 député des Français vivant aux Etats-Unis et au Canada est revenu à un relatif anonymat. Il a remisé au placard ses propos polémiques et peut étonner par ses prises de position. Il était le seul UMP à voter l'an dernier le pacte de responsabilité et aurait fait de même sur la loi Macron si le gouvernement n'avait pas utilisé le "49.3". Lui assure que ses convictions n'ont pas changé, mais il a pris du recul après avoir "tutoyé la mort". Il porte un regard sombre sur la vie politique d'aujourd'hui et n'épargne pas sa famille, à commencer par Nicolas Sarkozy.
Que retenez-vous de ce nouvel épisode parlementaire, marqué par le 49.3 et le rejet de la motion de censure ?
Je ne suis absolument pas contre le 49.3 en tant que tel, il permet au gouvernement d'agir avec efficacité. Or, un gros problème de notre démocratie aujourd'hui est le décalage du temps gouvernemental et parlementaire avec le temps réel des Français. Par nécessité, je crois que notre démocratie sera dans l'obligation d'agir de plus en plus en utilisant ces outils de notre Constitution, avec les ordonnances par exemple.
Cela n'empêche pas les problèmes de majorité…
Le 49-3 est aussi le fruit des postures de gauche et de droite. Je les dénonce. Sur la loi Macron, la gauche ne voulait pas une majorité grâce à des voix de droite et la droite n'a pas voulu assumer le fait qu'elle était en accord avec ce texte. Bien sûr, un certain nombre de mes collègues sont sincères quand ils s'opposent à la loi Macron mais c'est une minorité. Si chaque parlementaire avait voté en son âme et conscience, il y aurait eu une majorité d'idées très claire sur ce texte. On aurait pesé sur le contenu de la loi et évité de valoriser les frondeurs.
C'est Nicolas Sarkozy qui a donné comme consigne de voter contre…
On me ressort souvent cette phrase de François Mitterrand : "Dans l'opposition, on s'oppose." Déjà, je n'aime pas le terme "opposition". On devrait se nommer "force d'alternance". Cela signifierait que l'on mobilise notre énergie pour bâtir plutôt que détruire. Au cours du précédent quinquennat, lorsque j'étais porte-parole de ma famille politique , je faisais trois télévisions par jour pour riposter aux attaques incessantes contre Nicolas Sarkozy. L'opposition n'avait qu'un objectif, celui de détruire l'action du gouvernement. Quoi que faisait le président de la République, même si c'était bien, il fallait être contre. On fait exactement la même chose, et c'est ce que je dénonce. Les politiques bloquent le changement!
A votre avis, pourquoi la plupart de vos collègues ne font pas comme vous?
Certains n'ont pas directement suivi le sujet, alors ils appliquent la consigne du groupe. D'autres sont venus me voir pour me dire qu'ils partageaient mes idées, mais comme il y a des jeux politiciens et des pressions… D'autres encore exprimaient une inquiétude réelle : "Est-ce que tu ne crains pas en faisant cela de nourrir 'l'UMPS'?" Selon eux, les électeurs se détourneraient de nous pour choisir l'extrême droite parce que le clivage gauche-droite ne serait pas assez clair.
Ont-ils raison?
Je pense exactement l'inverse. Que la gauche et la droite se mettent d'accord sur des solutions concrètes , c'est ce qu'attendent les gens. Ce qu'ils nous reprochent, droite et gauche, c'est de ne pas faire le job, de nous occuper de nous-mêmes et pas de leur problème. C'est cela qu'on appelait l'UMPS, c'est cette exaspération.
Un politique de droite est-il encore différent d'un politique de gauche?
Bien sûr. Nous avons tous des références et des valeurs mais elles ne doivent pas nous amener à des postures idéologiques. Je suis un homme de droite, je suis gaulliste et j'ai commencé comme petite main de Jacques Chaban-Delmas. Il m'a appris cela : pour changer, réformer, il faut additionner les différences. Le seul moyen de retisser un lien de confiance, c'est que les Français mesurent l'authenticité de ce qu'on dit et de ce qu'on fait.
La politique n'est-elle plus qu'un spectacle, selon vous?
Oui, c'est un théâtre d'ombres. Tout est stratégie, cynisme et calcul. On prend un peu les Français pour des imbéciles, à gauche comme à droite. Il faut divertir - détourner au sens étymologique du terme - les citoyens de l'essentiel. La politique est un jeu qui se fait dans un bocal. C'est le stade de France avec des tribunes presque vides. Vous avez deux équipes sur le terrain qui font de l'antijeu sous une nuée de caméras. Elles essayent de séduire les quelques supporteurs alors que l'enjeu est de faire revenir les citoyens dans le stade.
Faut-il revoir le travail des parlementaires?
Il faut changer la fabrique de la loi. Je ne crois plus du tout à ce vieux système où des experts travaillent avec les élites, qui sortent des réformes toutes prêtes des tiroirs de l'administration. On ne peut plus faire de la politique comme avant, lorsqu’on partait du principe que les gens n'étaient pas assez intelligents pour comprendre, lorsque certains sur les plateaux de télévision employaient à dessein des mots ou des sigles que personne ne comprenait pour paraître supérieurs. Aujourd'hui, nous avons les moyens de pouvoir associer tout le monde à la fabrique de la loi. Je suis en train de travailler avec des jeunes Français des États-Unis et du Canada sur la démocratie digitale. Réinventons le référendum, par exemple...
On se souvient de vous comme le "porte-flingue" de Nicolas Sarkozy, vous êtes aujourd’hui très critique à l’égard de votre camp. Qu’est-ce qui vous a fait évoluer?
Je pense d’abord qu’on n’est pas un homme politique complet tant qu’on n’a pas été au gouvernement. Je n'ai jamais été aussi heureux que lorsque j'étais dans l'action (il a été secrétaire d'Etat au Commerce de 2010 à 2012, Ndlr). C’est là où vous prenez conscience que vous avez la responsabilité des Français sur vos épaules. Et puis, j’ai tutoyé la mort. J’ai fait à partir de 2010 sept embolies et un infarctus pulmonaire. Même si je suis maintenant en pleine forme, cela change les priorités de la vie. On ne conçoit plus de mettre son énergie dans un combat négatif. Paradoxalement, c’est une épreuve que je souhaite à tous...
Dans quelle mesure cela a changé votre façon de faire de la politique?
Je suis authentique, j'essaye de dire ce que je pense profondément. Je veux construire, apporter ma pierre. Mon regard a aussi changé parce que je passe la moitié de mon temps dans ma circonscription en Amérique du Nord. Vous avez un regard plus juste quand vous êtes loin de la France. Je le vois avec les Français là-bas. L'éloignement est un exhausteur d'amour. Plus vous êtes loin de la France, plus vous l’aimez.
Quelles sont vos relations aujourd'hui avec Nicolas Sarkozy?
Je l'ai rencontré à 18 ans, j'ai été son conseiller pendant 25 ans. L'amitié, ce n'est pas quelque chose qu'on remet en cause. Mais je suis mobilisé pour les Français, parce que c'est mon devoir et mon honneur. Donc il peut y avoir des désaccords. Les Français veulent de l'équilibre. On ne peut pas aller devant eux avec une jambe droite bodybuildée et une jambe gauche atrophiée. En 2007, j'ai aimé cet équilibre que nous avons su construire. J’ai d’ailleurs été l’un de ceux qui a théorisé l’ouverture. Je ne me ferai jamais à l'idée qu'on peut tout balayer parce que cela aurait été simplement de la tactique.
Vous regrettez ses changements de position, comme sur l'islam ou le droit du sol ?
Je ne veux pas personnaliser, on peut prendre des exemples des deux côtés. Après, la société évolue. On peut être amené à changer de position, moi aussi ça m'est arrivé. Mais n'utilisons pas les débats à des fins politiciennes en essayant d'entretenir des clientèles, en leur envoyant tel ou tel signal. Le droit du sol est un sujet complexe qui ne doit pas devenir un slogan. Combattons l'Etat islamique plutôt que les migrants . Mobilisons une partie des milliards de l'aide publique au développement sur un soutien ciblé à ces migrants s'ils créent de l'emploi dans leur pays d'origine. Mais n'exploitons pas la misère humaine.
Vous avez récemment accueilli Alain Juppé aux Etats-Unis. Est-ce lui, le candidat le plus "équilibré" pour 2017?
C’est avec joie que je l'ai accueilli à New York et en même temps c'est mon devoir. Mais avec tout ce que je viens de dire, je ne veux pas rentrer dans une logique d'écuries. A deux ans de l'échéance, pensons aux Français plutôt qu'à nous-mêmes. Si je réponds maintenant, tout ce que je dirai sera analysé à l'aune de ma décision. Les primaires viendront en leur temps et je prendrai mes responsabilité le moment venu.
Source: leJDD.fr

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