Le Comité de soutien des chrétiens d'Irak a rassemblé entre 700 et 1.500 personnes, le 1er mars 2015, à Sarcelles, ville de la banlieue parisienne qui compte une forte communauté assyro-chaldéenne

Le Comité de soutien des chrétiens d'Irak a rassemblé entre 700 et 1500 personnes, le 1er mars 2015, à Sarcelles, ville de la banlieue parisienne qui compte une forte communauté assyro-chaldéenne.

afp.com

Avec près de 1800 personnes attendues, le "grand rassemblement de soutien pour les chrétiens d'Orient" mardi soir au cirque d'hiver à Paris sera le plus grand événement public sur ce sujet depuis la conquête de Mossoul par l'organisation de l'Etat islamique. Une grande manifestation transpartisane au bénéfice d'une cause humanitaire consensuelle? Pas vraiment. Initié par François Fillon et Valérie Pécresse, le rassemblement, sur son site Facebook, fait état uniquement de la présence de responsables de droite, dont certains issus de fiefs catholiques comme les Yvelines ou la Vendée. Quelques élus de gauche seront pourtant bien présents comme le député-maire (PS) de Sarcelles François Pupponi, le député (PS) Gérard Bapt [qui a récemment défrayé la chronique avec son voyage en Syrie, NDLR] ou l'ancien ministre socialiste des Outre-mer Victorin Lurel. Membres du groupe d'études sur les chrétiens d'Orient de l'Assemblée nationale ou du groupe de liaison avec les chrétiens d'Orient du Sénat, ces élus de gauche y sont extrêmement minoritaires.

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"Je le déplore mais c'est vrai que la gauche se mobilise moins sur ce sujet", constate François Pupponi qui estime que "le PS devrait en faire plus". Sur les réseaux sociaux, les hommes ou femmes politiques qui ont collé un "noun", lettre arabe qui symbole la solidarité avec les chrétiens d'Orient, à côté de leur nom sont quasi-exclusivement de droite. Quand ils ne sont pas d'extrême droite. "Des extrémistes se sont emparés du sujet, c'est clair", confie une source impliquée dans la cause des chrétiens d'Orient, en référence à SOS chrétiens d'Orient, noyauté plus ou moins discrètement par l'extrême droite. "Que tous les partis politiques s'intéressent à cette cause, oui! Qu'ils l'instrumentalisent à d'autres fins, comme celle de l'immigration, non!", met en garde Mrg Pascal Gollnisch, à la fois directeur de L'Oeuvre d'Orient et vicaire général pour les Orientaux catholiques.

"Une plus grande sensibilité des gens de droite"

Prudemment, car "il ne faut pas que la cause soit partisane", l'homme d'église reconnaît qu'il y a "une plus grande sensibilité des gens de droite". "Leur conception de la laïcité fait moins obstacle à la solidarité avec les chrétiens d'Orient." Lorsqu'en 2008, l'archevêque chaldéen de Mossoul avait été assassiné, "90% des politiques mobilisés pour le dénoncer étaient de droite", se souvient une source proche de l'Eglise. La proportion ne semble pas avoir beaucoup évolué depuis. Pourtant, lorsqu'en mars 2015, la RATP décide de supprimer la mention "Pour les chrétiens d'Orient" sur la publicité d'un concert des Prêtres à l'Olympia, les voix s'élèvent depuis toutes les familles politiques. Même Jean-Luc Mélenchon y était allé de son indignation. Preuve que lorsqu'elle est médiatisée, la cause crée de l'émotion au-delà des réseaux traditionnels de soutien aux chrétiens. Mais "au concert à l'Olympia, ne sont venus comme politiques que Gérard Larcher (Les Républicains, LR), Bruno Retailleau (LR) et Bernadette Chirac...", se souvient un des participants. Une liste de droite à laquelle il convient d'ajouter le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.

L'action du gouvernement socialiste en faveur des chrétiens d'Orient est d'ailleurs reconnue parmi les défenseurs de la cause. "Le ministre des Affaires étrangères et le président de la République se sont rendus sur place en Irak pour rencontrer des chrétiens. La France est le seul pays d'Europe pour lequel c'est le cas", se félicite Mrg Gollnisch. Le discours tenu fin mars par Laurent Fabius à New York lors d'une réunion ministérielle de l'ONU a aussi été remarqué. Le chef de la diplomatie rappelait que "la France a hérité de son histoire des liens profonds avec l'Orient et singulièrement les chrétiens d'Orient". "De telles paroles n'avaient pas été entendues dans la bouche de l'exécutif depuis longtemps, estime l'homme d'Eglise. Sous Chirac, on avait commencé à prendre de la distance avec les chrétiens d'Orient..."

"C'est une question de droits de l'Homme"

"Il y a, au sein de l'Etat, du soutien, concède Patrick Karam, président de la coordination des chrétiens d'Orient en danger (CHREDO). Mais oui, c'est la vérité, il y a un déséquilibre gauche-droite. Certains responsables de gauche, notamment à Europe-Ecologie-Les-Verts (EELV), ou à l'extrême gauche n'ont pas compris que c'est une question de droits de l'Homme et non pas une question cultuelle. Ils voient le mot 'chrétien' et le vieil antagonisme entre les chrétiens et les laïques du 19e siècle empêche chez eux la lucidité." "La gauche se mobilise plus pour la Palestine que pour les chrétiens", constate-t-on au sein des réseaux de solidarité catholique. Patrick Karam, par ailleurs conseiller régional d'Ile-de-France, élu sur les listes de Valérie Pécresse en 2010, dit avoir été choqué qu'EELV évoque pour la première fois les chrétiens d'Orient, lors de la crise du Sinjar où étaient encerclés des... Yazidis, autre minorité persécutée par les djihadistes.

Pas question pour autant de ne pas associer des élus de gauche à la défense des chrétiens d'Orient. Patrick Karam est ainsi persuadé que des maires de toutes tendances s'associeront à la démarche du maire (LR) du 16e arrondissement [dont son épouse, Samia Badat-Karam, est adjointe au maire, NDLR] Claude Goasguen d'afficher une banderole sur leur Hôtel de Ville. Pour l'heure, seules les mairies de droite de Fontainebleau et de Saint-Cloud ont suivi. Mais rendez-vous a été pris avec Anne Hidalgo, assure-t-il.

Pas une cause électoraliste à Sarcelles

"Les Assyro-chaldéens [dont la communauté est importante à Sarcelles, NDLR] m'ont éveillé à cette cause", glisse le socialiste François Pupponi qui reconnaît un "prisme particulier". Mais, assure-t-il, il ne s'agit en rien d'une "cause électoraliste". Au contraire. "En soutenant les chrétiens d'Orient, on ne se fait pas que des amis. En critiquant les islamistes et le rôle de la Turquie, je m'en suis pris plein la tête. Le risque est que certains perçoivent cela comme un maire qui défend des chrétiens contre des musulmans. Des réseaux instrumentalisent cela en ce sens. Ce n'est pas un sujet simple..."

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