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SOUDAN DU SUD

Au Soudan du Sud, «la coloration ethnique a primé très vite» dans les affrontements

Le Soudan du Sud risque-t-il de sombrer dans la guerre civile ? C'est ce qui inquiète après les troubles qui ont éclaté entre factions rivales de l'armée dimanche dernier, le 15 décembre. L'ONU avance un bilan de plus de 500 morts. Les autorités dénoncent une tentative de coup d'Etat de l'ancien vice-président Riek Machar. Mais au-delà de la rivalité politique, les divisions sont aussi ethniques, et les enjeux économiques. Pour en parler Mohamed Nagi, le rédacteur en chef du journal en ligne indépendant Sudan Tribune, basé à Paris. Il répond à Charlotte Idrac.

Des soldats sud-soudanais à Juba, le 20 décembre 2013.
Des soldats sud-soudanais à Juba, le 20 décembre 2013. REUTERS/Goran Tomasevic
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RFI : Le feu couvait-il au Soudan du Sud ou alors cette flambée de violences vous a-t-elle surpris ?

Mohamed Nagi : Cela couvait depuis juillet et les Américains surtout mettaient de fortes pressions des deux côtés pour les empêcher de recourir aux armes.

Depuis juillet donc depuis le limogeage de Riek Machar, l’ancien vice-président…

Voilà et personnellement, j’ai été surpris par ce qui est arrivé dimanche soir. C’est bien dommage pour ce petit pays qui est en train de naître.

Selon les autorités du Soudan du Sud, ces troubles ont été déclenchés par une présumée tentative de coup d’Etat de Riek Machar. L’intéressé a démenti. Qu’est-ce que vous en pensez ? L’accuser serait-il un simple prétexte pour se débarrasser de lui ou est-ce crédible ?

Beaucoup de gens croient que ce qui est arrivé n’était pas planifié, en tout cas pas par Riek Machar. Dans l’armée sud-soudanaise, les Nuers et les Dinkas ne se côtoient pas, ils ne se fréquentent pas.

On peut souligner que la communauté des Nuers, c’est celle de Riek Machar et la communauté des Dinkas est celle du président Salva Kiir…

Tout à fait. Il y a une chose très négative aussi qui est arrivée : il y a 500 civils qui sont morts. Malheureusement ce sont en majorité des civils nuers qui ont été tués comme ça par les Dinkas. Et ça, c’est très malheureux parce que ça a donné cette coloration ethnique à un conflit politique.

  → A (RE)LIRE : Les clés pour comprendre la crise sud-soudanaise

Justement, quelle est la part ethnique de ces troubles et la part politique, la rivalité politique entre les deux hommes ?

La rivalité remonte à longtemps puisque l’ancien vice-président Machar était très critique vis-à-vis du président.

Il l’a même accusé de dérive dictatoriale…

Bien avant ça, il disait que le président devait lui céder la présidence de parti et que lui, il devait être le candidat du parti pour les élections de 2015. Donc ça dérangeait beaucoup Salva Kiir qui l’a déchu de ses fonctions. Cela étant dit, faut savoir qu’il y a un antagoniste ancestral entre les Dinkas et les Nuers sur tous les plans, à tous les niveaux, à partir des petits paysans qui se disputent les petits morceaux de terres…

Et les Dinkas sont-ils majoritaires ?

Les Dinkas sont majoritaires mais les Nuers sont la deuxième ethnie, cela veut dire que ce sont vraiment des rivaux. Du coup c’est la coloration ethnique qui a primé très vite. Là on assiste aussi à une rébellion à Jonglei, qui est tristement célèbre par des massacres qui ont été commis en 1991 par Riek Machar et ses partisans, lorsqu’il y avait une première sécession contre l’ancien chef de la rébellion John Garang.

Pour tout comprendre : Jonglei est le plus vaste territoire du Sud-Soudan, la plus vaste province, et le général Peter Gadet, un ancien chef des milices qui était soutenu dans le passé par Khartoum, mais qui est un Nuer, a pris le contrôle de la ville de Bor. Et maintenant il y a presque un remake de ce qui est arrivé en 1991.

 → A (RE)LIRE : Soudan du Sud: qui est Peter Gadet, le rebelle de tous les paradoxes?

Il y a eu des combats justement à Juba, à Bor dans l’Etat de Jonglei. Est-ce qu’il faut craindre un conflit généralisé ? Que la crise s’étende à d’autres Etats ?

Surtout il ne faut pas oublier que c’est dans les terres des Nuers qu’il y a le pétrole. Donc je m’attends à ce que ces combats s’étendent aussi à l’Etat de l’Unité, parce que c’est là qu’il y a le pétrole et qu’il y a Machar et ses partisans. Ils disaient toujours qu’ils étaient mal payés, que l’argent de leur pétrole était confisqué par les Dinkas. Je m’attends à ce que les Nuers cherchent maintenant à arrêter la production de pétrole et que la guerre devienne beaucoup plus importante qu’elle ne l’est actuellement.

Que peut faire le président Salva Kiir ? Il a dit vouloir parler avec son rival. Est-ce qu’un accord politique est encore possible ou c’est perdu d’avance entre les deux hommes ?

Il va de l’intérêt des deux parties de s’asseoir autour d’une table et de négocier un compromis, trouver une solution. Mais en ce qui concerne le contenu de ce compromis, je ne sais que vous dire parce que Riek Machar ne reconnaît plus Salva Kiir comme étant le président. Il dit qu’il n’a plus de légitimité. Et Salva Kiir aussi, même s’il dit qu’il veut la négociation, il continue à faire la chasse aux hommes et à tous ceux qui ont soutenu la démarche politique de Riek Machar et y compris des Dinkas ici et là.

En tout cas, il y a l’ambassadeur américain qui a rencontré le président Salva Kiir à Juba. Et il a mis la pression et lui a dit qu’il fallait absolument arrêter tout cela. Si le Sud-Soudan existe aujourd’hui en tant qu’Etat indépendant, c’est aussi grâce au soutien américain. Donc il a intérêt, pour ne pas être mis au ban des Nations, à chercher la paix parce que cette guerre ne peut être en aucun cas dans l’intérêt des deux parties.

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