
Faudra-t-il un drame pour attirer l’attention des autorités ? C’est la question que pose le comité de soutien des migrants, rassemblé avec eux, vendredi 26 juin, devant la Halle Pajol, dans le 18e arrondissement de Paris, pour témoigner de leur inquiétude. Dans la nuit de mercredi 24 à jeudi 25 juin, une violente altercation a explosé entre deux Erythréens, vers le square de Jessaint où d’autres migrants sont installés. L’un d’eux a été grièvement blessé au couteau à l’estomac. Si ses jours ne seraient plus en danger, les migrants et leurs soutiens ont appelé la mairie de Paris et le ministre de l’intérieur à venir constater leurs conditions de vie extrêmement précaires.
Cela fait maintenant quelques jours qu’une cinquantaine de personnes sont revenues dans ce quartier, dont beaucoup avaient été délogés avec force par les autorités début juin. Depuis cette expulsion, certains d’entre eux ont eu accès à un hébergement d’urgence. Vendredi 19 juin, 226 places avaient d’ailleurs été débloquées dans des centres d’accueil parisiens. Mais devant les conditions d’accueil et l’absence de prise en charge des démarches administratives, plusieurs migrants ont préféré faire demi-tour, continuant leur errance dans la capitale. « On était seiedans une chambre ! », se souvient Yacoub, originaire de Libye. « Les gens dans les centres d’accueil ne connaissent même pas notre situation, précise Ashraff. L’Ofpra [Office français de protection des réfugiés et apatrides] avait promis de nous aider dans les démarches. Mais jusqu’à présent nous n’avons eu aucune nouvelle de leur part. »
Gagnés par la lassitude, beaucoup dénoncent des réponses inappropriées de la part des pouvoirs publics. « La maire de Paris nous dit que nous ne pouvons pas rester ici mais n’a pas l’air de vouloir nous aider », s’agace l’un d’entre eux. Ismail, un Soudanais, raconte qu’il y a eu une proposition de lieu, « mais personne ne nous y emmène ! » Selon Houssam El Assimi, membre du comité de soutien, il s’agirait d’un terrain vague situé en périphérie de la capitale. « L’idée est de les faire sortir de Paris pour les rendre invisibles », déplore-t-il.
« J’aimerais que les responsables politiques viennent voir les conditions dans lesquelles nous vivons », lance Ismail. « Nous avons peur, nous dormons à peine. On ne peut pas se laver et parfois on ne mange pas, poursuit Félix, arrivé il y a un an du Nigeria. Il faut que les gens comprennent que nous ne sommes pas des animaux. »
Ce retour dans la rue Pajol provoque l’indignation et la fatigue des migrants qui, pour la plupart, ont fui leur pays à cause de la répression. « Nous sommes juste à la recherche d’un endroit où il est possible de retrouver un peu de dignité, souffle Mustapha. Aujourd’hui, nous ne faisons que changer d’endroit dans Paris. » « La France ne nous respecte même pas en tant qu’être humains », se lamente le jeune Soudanais avant d’ajouter, les yeux remplis de larmes : « Parfois j’aimerais bien mourir mais je ne sais pas comment. »
Benjamin Derveaux
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