Marion Maréchal-Le Pen sur la sécurité : « On peut mourir pour une cigarette »

Climat d’insécurité, élections municipales et européennes et…changement de nom du Front national, Marion Maréchal-Le Pen s’exprime. Pour la députée FN du Vaucluse, petite-fille de Jean-Marie Le Pen, changer le nom du parti ne serait pas un sujet tabou.
Les chiffres de la délinquance sont en baisse, mais le sentiment d'insécurité est en hausse. La faute aux politiques, au FN notamment, qui jouent souvent sur les peurs?
MARION MARÉCHAL-LE PEN.
Quand un Français sur cinq dit avoir peur chaque soir en rentrant chez lui, ça n’est pas dû à une exagération des politiques. Pendant des années, on a minimisé la délinquance, on n’a pas mis les moyens. Or, il ne faut pas nier la gravité de la situation. Il y a une ambiance très inquiétante, avec une nouvelle forme d’insécurité, l’ultraviolence gratuite. Aujourd’hui, on peut mourir pour une carte bleue ou pour une cigarette.
Et cette simple perspective-là crée une angoisse généralisée que je peux comprendre.
Mais que suggérez-vous ?
Mettre la priorité sur les moyens, notamment les effectifs de police qui ont souffert sous Sarkozy, et encore aujourd’hui avec Valls. Et puis aussi sur la justice, qui fait partie des secteurs régaliens lésés dans les budgets de l’Etat. Je pense notamment aux places de prison qui sont en déficit de 40000 en France.
Vous faites cela avec quel argent?
On fait des choix, il existe des marges de manœuvre. Dans ce pays, il y a par exemple 20 Mds€ de fraude sociale, et rien n’est vraiment fait pour les traquer. Et puis, au-delà des moyens financiers, il y a aussi la question des valeurs. Il y a un sentiment d’impunité qui participe à l’augmentation de la délinquance, et donc une inversion des valeurs. Souvenons-nous du bijoutier de Nice en septembre dernier (NDLR : qui a tué un braqueur). Les politiques semblaient avoir plus de considération, d’empathie, pour le délinquant qu’à l’égard de la victime réelle.
C'est donc aux citoyens de se protéger eux-mêmes?
Bien sûr que non. Mais ce genre d’affaires n’arriverait pas si l’Etat faisait son travail. On ne peut pas demander aux citoyens de baisser les yeux systématiquement. Des cas comme celui du bijoutier de Nice en septembre, il y en aura encore d’autres si les citoyens ont le sentiment que l’Etat ne les protège pas. C’est déplorable, mais la légitime défense est mal reconnue en France. Peut-être faudrait-il réécrire la loi pour reconnaître qu’une situation d’effroi terrible, au point de craindre pour sa vie, peut causer ce genre de situation.
Valls est le ministre le plus populaire du gouvernement. Cela signifie que les Français semblent satisfaits de son action, non?
Par effet miroir seulement, parce qu’il est celui qui tient le discours le plus sécuritaire au sein du gouvernement. Mais concrètement, on ne voit pas son efficacité réelle.
Edouard Martin, syndicaliste de la CFDT, vient d'être investi tête de liste PS aux européennes. Ça vous choque?
C’est surtout la démonstration de la collusion des syndicats avec le pouvoir. Les licenciés de Florange apprécieront la démarche.
Sa candidature peut être une façon de faire entendre la parole des salariés au Parlement européen…
Comment aller défendre la sidérurgie avec le PS? Ce parti mène, en France comme en Europe, une politique économique qui privilégie la libéralisation totale de la concurrence, y compris dans des secteurs industriels qui auraient besoin qu’on mette des quotas d’importation, des droits de douane pour préserver le savoir-faire français. Ce monsieur va dans un mouvement qui est à l’origine du drame de Florange.
A l'issue des européennes, vous espérez avoir un groupe parlementaire à Bruxelles, mais ça changerait quoi?
Des votes se jouent parfois à très peu de voix. On pourra influer sur la politique du Parlement européen, la réorienter en s’opposant à des textes ou en en soutenant. Pour former ce groupe, nous discutons avec d’autres partis patriotiques. Mais il est hors de question de discuter avec Aube dorée, le parti néonazi grec.
Que pensez-vous de l'idée d'un changement de nom du FN?
On pourrait s’appeler Fleurs roses et paillettes, aussi humain que cela puisse paraître, nos adversaires continueraient à dire que nous sommes d’extrême droite, car c’est leur stratégie. Pour l’instant, la question d’un changement d’appellation n’est pas à l’ordre du jour. Il y aura un congrès l’année prochaine, ce sera peut-être l’occasion d’en parler. S’il faut changer le nom pour que nos idées aient plus de réceptivité dans la population française, je n’y suis pas fondamentalement opposée.
Vous croyez à un retour de Nicolas Sarkozy?
Lui l’envisage. Mais Sarkozy se méprend sur sa capacité à susciter de nouveau l’engouement des Français. La division à droite entretient l’envie de sa famille politique de le voir revenir. Mais les Français, eux, ont tourné la page et ne sont pas près de se rejeter dans ses bras. Sur le terrain, je n’entends personne dire : « Le PS, c’est horrible, c’était tellement mieux avec l’UMP. » Les gens sont encore très lucides sur le mandat Sarkozy.
Vous avez près de 800 têtes de liste investies pour les municipales. Quels sont vos objectifs?
Une dizaine de villes. Il y aura des surprises, mais pas forcément là où tous les regards sont tournés, comme à Hénin-Beaumont ou dans le Sud-Est. Dans l’Hérault, dont on ne parle jamais, il y a par exemple 35 têtes de liste FN, dont cinq sont très bien placées. Nous avons également de bonnes chances en Picardie.
Huit femmes sur dix disent avoir été témoins de sexisme sur leur lieu de travail. Trouvez-vous que l'Assemblée est machiste?
Je n’ai pas le sentiment d’avoir vécu cela. Peut-être aussi parce que moi, quand on m’appelle Cocotte, je trouve que c’est affectueux! Mais peut- être aussi qu’à l’Assemblée, les autres élus ne cherchent pas à avoir de rapport avec moi, car je suis au FN. Je suis venue quelquefois en robe et je n’ai eu que des remarques gentilles.
Vous représenterez-vous aux législatives en 2017?
Je ne sais pas. On verra. J’ai toujours dit que la politique n’était pas mon seul objectif dans la vie. On peut faire autre chose à 27 ans que de la politique, l’avenir nous le dira.