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«Guerre de civilisation» : Manuel Valls adopte le vocabulaire de la droite

Manuel Valls, premier ministre ALAIN JOCARD/AFP

LE SCAN POLITIQUE - L'emploi de la notion de «guerre de civilisation» par Nicolas Sarkozy au mois de janvier dernier avait suscité l'indignation au parti socialiste. Même le FN avait refusé d'y souscrire.

Le ton du premier ministre était grave ce dimanche sur Europe 1 ,deux jours après l'attaque terroriste perpétrée en Isère. Manuel Valls a estimé qu'un «responsable gouvernemental doit être lucide et faire partager cette lucidité à son peuple», et n'hésite plus à employer la notion de «guerre de civilisation». Un terme fort déjà employé par Nicolas Sarkozy au lendemain des attentats de début janvier mais qui fut aussi au cœur d'une polémique au sein du Front national. A droite on savoure l'éveil à «la lucidité» de l'exécutif.

«Après avoir insulté pendant des années Nicolas Sarkozy qui le disait, Valls reconnaît enfin que nous sommes dans une guerre de civilisation», triomphe sur Twitter le porte-parole des Républicains Sébastien Huyghe. En effet, le 8 janvier, au lendemain des attaques contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher de Vincennes, Nicolas Sarkozy avait estimé qu'il s'agissait «d'une guerre déclarée à la civilisation. La civilisation a une responsabilité de se défendre. C'est ce que nous sommes décidés à faire». Des propos qui avaient alors soulevé l'indignation au parti socialiste et suscité des critiques jusqu'au sein de son camp.

«Valls: c'est une guerre mondiale, une guerre de civilisation! Quand Sarkozy le dit en janvier il est conspué par la gauche… Réalisme enfin?», fustige le sénateur Roger Karoutchi. «En parlant de guerre de civilisation, le premier ministre se convertit à la lucidité, il faut maintenant qu'il se convertisse à l'action», relève également le député (LR) Éric Ciotti. Interrogé sur les propos du premier ministre ce dimanche sur Radio J, le sarkozyste Brice Hortefeux s'est montré moins tranché que le chef de l'opposition en janvier dernier: «Il y a un véritable défi de civilisation», a-t-il préféré affirmer.

Du côté du Front national, le vocabulaire retenu par le locataire de Matignon n'a pas manqué non plus de faire réagir. En effet la notion géopolitique, très proche du terme de Manuel Valls, de «choc de civilisation» avait été au cœur d'une polémique qui avait valu quelques soucis à l'eurodéputé Aymeric Chauprade. À la suite d'une vidéo diffusée fin janvier, dans laquelle il théorisait la guerre des civilisations occidentales contre une partie de l'Islam, ce conseiller à l'international de Marine Le Pen avait été désavoué par la présidente du parti et écarté de son entourage. Il y avait également développé la notion de «5e colonne» islamiste en France, des propos repris et martelés dès ce vendredi à droite, notamment par Christian Estrosi. «La responsabilité d'un mouvement politique, c'est d'éviter précisément l'engrenage du choc des civilisations. Il faut l'éviter, il est très facile de se soumettre à cette logique, et je la trouve terrible», avait alors tranché la présidente du FN. Invité du 12-13 Dimanche, Florian Philippot dénonce de nouveau des propos selon lui inadaptés: «Parler de guerre de civilisation, c'est le discours bushiste qui a mené à la catastrophique guerre d'Irak», a-t-il jugé sur France 3.

Les socialistes partagés

«Ce n'est pas une guerre de civilisation, c'est une guerre de la barbarie contre la civilisation», a préféré dire François Bayrou (MoDem), invité du 13h de TF1 ce dimanche. De leur côté, les cadres socialistes semblent partagés et certainement moins réactifs qu'en janvier devant le recours à la notion de «guerre de civilisation». «Manuel Valls a raison: les fanatiques de l'islam veulent la guerre de civilisation. Nous voulons la coexistence pacifique des civilisations», a plaidé Jean-Chirstophe Cambadélis. «Valls parle de «guerre de civilisation»: tout ce qu'espèrent djihadistes et FN, il nous fait perdre la bataille culturelle», regrette pour sa part Frédéric Faravel, cadre de la gauche du parti, qui parle d'une expression «néoconservatrice».

Au mois de janvier le premier ministre avait affirmé: «Nous ne sommes pas dans une guerre contre une religion, contre une civilisation». «Il ne s'agit en aucun cas de dire que la France serait en guerre «contre l'islam», a insisté ce dimanche son entourage auprès de l'AFP, dans la foulée de l'émission sur Europe 1. Le mot civilisation, tel qu'employé par Valls recouvre «les valeurs universelles partagées par tout le monde, y compris par les pays arabes et l'immense majorité de l'islam», a-t-on fait valoir. Avec une distinction claire entre «l'islam pratiqué par l'immense majorité de nos compatriotes et de l'autre un islamisme totalitaire dont le seul objectif est d'asservir l'individu, de le broyer, de le tuer, au nom d'une idéologie», a tenu à préciser l'entourage du premier ministre.

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182 commentaires
  • Karl Liebknecht

    le

    Que Vals se taise...
    Il nous fait regretter Dominique de Villepin et Jacques Chirac, sur ce point, réellement plus progressistes et lucides.