
La canicule qui sévit actuellement en France n’a pas eu, mercredi 1er juillet, de graves conséquences industrielles et économiques. Des perturbations du réseau électrique ont entraîné des coupures importantes dans l’ouest du pays, et la SNCF a dû faire ralentir ses trains – provoquant notamment des retards sur les lignes du RER et des transiliens en Ile-de-France – pour prendre en compte la déformation des rails due à la chaleur. Rien de dramatique, donc.
Pour autant, les fortes chaleurs induisent des risques d’accident industriel pris au sérieux par la Direction générale de la prévention des risques, au ministère de l’écologie. « S’il n’y a pas eu d’accident majeur lors de l’épisode caniculaire de l’été 2003 [qui avait fait 15 000 morts], nous en avions néanmoins recensé un certain nombre et nous avons identifié les secteurs concernés et les types d’accidents possibles », déclare Patricia Blanc, la directrice générale. A l’époque, 26 accidents concernaient l’industrie chimique, 26 le secteur des déchets (collecte, traitement…), 10 l’industrie agroalimentaire, 9 les activités de culture et production animale.
Rejets de matières, incendies, explosions
Tous les secteurs d’activité sont susceptibles d’être concernés par la canicule, même si la chimie et le pétrole présentent des risques aggravés. Les fortes chaleurs sont à l’origine de dommages matériels dans les usines, de « rejets générant des pollutions importantes, mais également des conséquences humaines importantes », comme des blessés ou des évacuations de population, explique le ministère dans un document mis à la disposition des industriels. Entre 1983 et 2011, la base Aria (analyse, recherche et information sur les accidents), mise en place par le ministère de l’écologie, a recensé 161 accidents liés à de « fortes chaleurs » ; 59 % d’entre eux se sont traduits par des rejets de matières, 49 % par un incendie et 11 % par une explosion.
En juillet 1995, c’est un fût en plastique de 20 kilogrammes de poudre de dichloroisocyanurate de sodium qui gonfle sous l’action du soleil, dans une fabrique de savons et détergents à Saint-Vulbas (Ain). S’ensuit l’explosion de deux fûts. Le sinistre est rapidement maîtrisé. D’autres exemples, liés à la canicule, sont analysés par la base Aria, comme des concentrations de pesticides dus à la sécheresse de nappes phréatiques, des rejets de gaz amplifiés par les fortes chaleurs, des échauffements de granulés, des fuites sur des équipements de réfrigération en période d’utilisation intensive, etc.
Rejet d’eau chaude
Le nucléaire représente également un secteur à risque en période de sécheresse, que pourrait engendrer un épisode de canicule durable. Les centrales sont refroidies par des fleuves dont il faut surveiller le niveau et la température. Pour l’heure, la direction d’EDF estime qu’« il n’y a pas lieu de commenter une situation problématique qui ne s’est pas présentée ». L’objectif affiché par l’entreprise aux cinquante-huit réacteurs nucléaires en activité est de pouvoir produire suffisamment d’électricité et en toute sûreté.
Pourtant, l’élévation de la température des fleuves représente un double problème : l’eau qui sert à refroidir les réacteurs est plus chaude et les rejets d’eau par les centrales contribuent encore plus à l’augmentation de la température des cours d’eau, d’où de possibles interdictions de rejet – dans certains cas, des dérogations peuvent être accordées. Les prélèvements d’eau peuvent être limités et, dans le cas où la température maximale d’un cours d’eau est déjà atteinte, la centrale peut être amenée à réduire la puissance de ses réacteurs. Ces baisses de charge limitent alors les besoins de refroidissement. Lors de l’été 2003, la centrale de Golfech a ainsi commis des infractions en rejetant de l’eau chaude dans la Garonne, alors qu’elle bénéficiait pourtant de dérogations accordées par l’Autorité de sûreté nucléaire, en dépassant les limites légales de durée de rejet.
Transport de matières dangereuses
Pour limiter les risques liés aux fortes chaleurs, le ministère préconise une série de mesures. « Le transport de matières dangereuses, comme les gaz, présente des dangers liés à l’exposition prolongée à la chaleur », rappelle Patricia Blanc. Il faut donc limiter le temps de stockage des substances à risque durant leur transport. La SNCF n’a pas pris de mesures particulières concernant le transport de ces matières dangereuses. « Nous exerçons une vigilance accrue de ces wagons et de leurs délais de stationnement, pas plus de vingt-quatre heures sans mouvement, avance Philippe Moritz, de la direction fret. Une mesure valable toute l’année, mais sur laquelle nous veillons tout particulièrement lors des canicules. » En revanche, l’entreprise nationale surveille la déformation possible des voies, retend les poids des caténaires pour assurer leur bonne alimentation et organise le débroussaillage et l’élagage de la végétation le long du réseau.
Parmi les autres mesures recommandées par le ministère, on trouve l’isolement thermique de certaines structures, l’arrosage et la brumisation des fûts contenant des substances chimiques à risque, la ventilation des locaux, l’arrosage des toits, l’anticipation des opérations de nettoyage et de débroussaillage des sites, le compartimentage des stockages. Et, comme pour les particuliers, il faut prévoir des réserves d’eau suffisantes et des périodes de repos pour le personnel. Plus de 43 % des accidents analysés par la base Aria provenaient en effet de facteurs humains et de défaillances d’organisation.
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