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Tour de France : les cyclistes français, des ex-«prolos» aux CSP+

+ INFOGRAPHIE ANIMEE - Leur niveau d’études est de plus en plus élevé. Dans les années 1970, seuls 3 % d’entre eux avaient le bac.

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Maurice Garin, Laurent Fignon et Romain Bardet

Par Nicolas Richaud

Publié le 3 juil. 2015 à 12:42

Ingénieur chez Areva, Master 1 en banque et Assurance, programme grand école de commerce : le CV de certains coureurs français n’a rien à envier aux jeunes diplômés CSP+. Mieux, ce haut niveau de qualification ne fait pas d’eux les cancres du peloton. Au contraire. Jean-Christophe Péraud et Romain Bardet (tous deux chez AG2R-La Mondiale) ont respectivement été 2e et 6e du Tour de France 2014.

Mais cette double carrière nécessite bon nombre d’aménagements au niveau de l’emploi du temps et beaucoup d’assiduité. « Hors compétition, je révise mes cours entre 7h et 9h avant d’aller m’entrainer. En course, c’est plus compliqué entre les transferts et la fatigue », explique Romain Bardet.

Après un Dauphiné Libéré solide (une victoire d’étape, 6e du classement final), le jeune espoir français a pris le chemin de Grenoble et de son école de commerce pour aller passer ses oraux d’anglais et d’allemand. Pas l’idéal à quelques jours de la Grande Boucle qui nécessite une préparation millimétrée pour être au top durant trois semaines.

« C’est parfois une contrainte psychologique en course quand je sais que j’ai rendez-vous sur Skype, un soir, avec un de mes professeurs. Mais les études sont aussi un refuge qui permet de ne pas avoir la tête qu’au vélo », confie Romain Bardet.

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Laurent Fignon, « l’intello »

Une révolution culturelle si l’on songe qu’il y a 30 ans, Feu Laurent Fignon avait été affublé « d’intello » et de « professeur » car il avait le bac et… portait des lunettes. « Dans les années 1970 encore, seuls 3% des coureurs cyclistes français détiennent le baccalauréat, soit environ huit fois moins que les membres de leur génération », écrit Jean-François Mignot dans son livre « Histoire du Tour de France » (1).

« Parler trois langues étrangères, jouer du piano et aimer la lecture vous fait vite traiter d’intellectuel, ce qui est quasiment obscène dans ce métier », écrivait lui le cycliste Erwan Menthéour, quelques mois après avoir raccroché son dossard, dans son livre « Secret Défonce » (2) paru en 1999.

Autres exemples connus des origines sociales modestes du peloton : le maçon Ottavio Bottecchia (vainqueur du Tour de France en 1924 et 1925), l’apprenti charcutier Fausto Coppi (vainqueur du Tour de France en 1949 et 1952) ou encore l’ajusteur Jacques Anquetil (vainqueur du Tour de France en 1957, 1961, 1962, 1963 et 1964).

Voir Infographie animée :

« Evolution heureuse de la sociologie du peloton »

Depuis, le peloton a refait son retard. De nombreux cycles de formations axés sur les études et le cyclisme ayant vu le jour ces 14 dernières années y ont contribué. Parmi eux, celui de la fondation FDJ ou le Chambéry cyclisme formation (CCF) adossé à AG2R par lequel Romain Bardet a fait ses classes.

« Ce projet a été lancé en 2001, en pleine période trouble du vélo. Le but est de permettre aux coureurs d’avoir un travail valorisant après leur carrière, mais aussi de leur offrir la liberté de quitter le vélo en cas de mauvaises propositions », souligne Loïc Varnet, directeur du CCF.

« Les mentalités ont beaucoup évolué ces dernières années. Aujourd’hui, les jeunes coureurs sont soucieux de pouvoir poursuivre leurs études. On assiste à une évolution heureuse de la sociologie du peloton », estime Loïc Varnet qui ajoute que « le niveau moyen des néo-pros français, entre 2007 et 2012, était de Bac + 0,8 et celui des jeunes passés par un centre de formation de Bac + 2,2 (3)».

« Une carrière se termine vite »

« C’est une connerie d’arrêter l’école pour passer pro à tout prix. Une carrière se termine vite, faire 10 ans, c’est déjà beau », juge Lorenzo Manzin qui a obtenu un BTS technico-commercial après être passé par le cycle de formation de la fondation FDJ dont il a intégré l’équipe professionnelle cette année en tant que néo-pro.

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Mais ce niveau d’étude grandissant fait aussi naître d’autres craintes, comme celle d’arriver un peu rouillé sur le marché du travail après des années à ne faire que pédaler.

« Je me replonge parfois dans mes anciens cours. Et il m’arrive de participer à des formations professionnelles durant l’intersaison », expose Jérémy Roy, coureur de la FDJ également diplômé de l’Insa en génie mécanique et automatique et qui a été le premier étudiant à intégrer le cycle de formation de la fondation FDJ en 2003.

La question de l’après-vélo

Symbole de la question de l’après-vélo qui les taraude tous, le mémoire de fin d’étude de Romain Bardet porte sur la manière de mieux intégrer les sportifs dans l’entreprise. « Retourner chez Areva ou continuer dans le sport, c’est le dilemme », confie Jean-Christophe Péraud.

« Avant, les coureurs avaient tendance à ouvrir un restaurant ou un magasin de vélos, ils jouaient de leur notoriété », rappelle Jean-François Mignot. « Aujourd’hui, beaucoup peuvent intéresser des entreprises car ils sont qualifiés, on sait qu’ils ont la gnac et une grande discipline de vie. » Un podium sur le Tour, cela vaut bien un MBA sur le CV...

(1) : Aux éditions La Découverte.

(2) : Aux éditions J’ai Lu.

(3) : Commanditée par la région Rhônes-Alpe, celle-ci a été réalisée par deux étudiants de l’école de commerce de Chambéry et a eu un taux de retour de 61%.

Nicolas Richaud

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