A Paris, des chefs-d'œuvre cachés sous la nef

Keith Haring, Michel-Ange Slodtz... Les églises franciliennes abritent des trésors oubliés ou méconnus. Voici nos préférés, à découvrir dans ces lieux où la gratuité est de mise.

Par Marine Relinger

Publié le 27 juillet 2019 à 12h30

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h43

Las des files d'attente interminables à l'entrée des grandes expositions muséales ? Pourquoi ne pas aller à l'église ? On y trouve des chefs-d'oeuvre dévoilant toute leur splendeur dans les lieux pour lesquels ils ont été pensés, et ce dans une atmosphère recueillie. Au-delà des plus connues, comme Notre-Dame de Paris, où resplendissent les toiles de maîtres du XVIIe siècle (Blanchard, Le Brun, La Hyre...), ou la basilique Saint-Denis et ses gisants datant du Moyen Age pour les plus anciens, d'innombrables découvertes nous attendent. Notre sélection explore d'autres édifices moins connus, à travers une série d'oeuvres signées par les plus grands.

Surprenante Saint-Eustache... L'église des Halles déploie son architecture unique des XVIe et XVIIe siècles, qui mêle gothique flamboyant, art roman et style renaissant. A l'intérieur, de nombreux chefs-d'oeuvre non moins étonnants. Qui s'attend, en effet, à trouver ici une pièce de l'artiste américain Keith Haring ? Suivant sa volonté, l'un des neufs exemplaires de sa toute dernière oeuvre y est pourtant exposé. Dans cet émouvant triptyque en bronze, réalisé quelques mois avant son décès du sida, en 1990, ses fameux bonshommes graphiques et naïfs campent La Vie du Christ : Dieu le Père et ses bras multiples ouverts sur l'humanité, l'enfant radieux et les anges survolant la foule... La dynamique composition, logée dans la chapelle Saint-Vincent-de-Paul, cohabite avec des joyaux plus classiques dont, pour le seul XVIIe siècle, L'Extase de sainte Madeleine de Manetti, le Mausolée de Colbert par Coysevox ou Les Disciples d'Emmaüs par Rubens ou son école...

Infos pratiques : Du lundi au vendredi 9h30-19h, samedi et dimanche 10h-19h15. 2, impasse Saint-Eustache, Paris 1er. Entrée par la rue Montmartre. Tel : 01 42 36 31 05

Triptyque Keith Haring à l'eglise Saint-Eustache, impasse Saint-Eustache (1e). 

Triptyque Keith Haring à l'eglise Saint-Eustache, impasse Saint-Eustache (1e).  © Jean-Noël Leblanc-Bontemps

On ne voit que lui en entrant dans l'église : l'immense retable de Simon Vouet (1590-1649), seule pièce du genre à être restée en place à Paris, dédiée à l'assomption de Marie. La partie inférieure du maître-autel, au centre, représente la stupéfaction des apôtres face à son tombeau vide ; sa partie supérieure montre son élévation au ciel. Pour qui est habitué à admirer de telles peintures à hauteur de vue dans les musées, le rapport à l'oeuvre peut surprendre : il est impossible d'en distinguer tous les détails ! Mais c'est ainsi que la composition, lignes de force et raccourcis pensés par l'artiste, prennent sens. Sans oublier, les jours de grand soleil, les rayons qui, traversant les vitraux, illuminent la Vierge.

Infos pratiques : Lundi 9h-19h, mardi-vendredi 7h45-19h30, samedi 10h30-13h et 16h-19h30, dimanche 10h-13h et 16h30-18h30. 254, rue Saint-Martin, 3e.Tel : 01 42 72 92 54

Le célèbre sculpteur Michel-Ange Slodtz (1705-1764) avait la pression : il devait rendre hommage au bien-aimé Languet de Gergy, curé de l'église Saint-Sulpice entre 1714 et 1741. Le monument funéraire de marbre et de bois, achevé en 1757, fit sensation : face à tant de réalisme, les paroissiens eurent l'impression de retrouver leur curé ! La sculpture représente l'Immortalité relevant le tapis funéraire qui couvrait la figure de l'ancien abbé, afin de le soustraire à la mort. Cette dernière, sombre squelette muni de sa longue faux, fait froid dans le dos. A ne pas manquer, également en ces lieux, les peintures d'Eugène Delacroix (1798-1863), dont trois d'entre elles sont rassemblées dans la chapelle des Saints-Anges.

Infos pratiques : Tous les jours 7h-19h30. 2, rue Palatine, 6e. Visites guidées samedi et dimanche, inscriptions sur visites@pssparis.net ou au 01 42 34 59 98.

Peintre d'histoire du XVIIIe siècle, Jean-Baptiste Deshays mourut prématurément, à 36 ans, des suites d'une chute de cheval. Denis Diderot dit de lui : « Il a de la force et de l'austérité dans sa couleur ; il imagine des choses frappantes (et) sa scène vous attache et vous touche ; elle est grande, pathétique et violente. » Au Saint Pierre délivré de prison, dévoilé en 1761 quelques années avant la mort du peintre, il trouvait une « belle tête ». Ce chef-d'oeuvre, peint pour l'église versaillaise, fait partie des nombreuses toiles de maîtres du XVIIIe siècle (Restout, Lemoyne, Boucher...) que contient l'édifice.

Infos pratiques : Tous les jours 8h-19h30. 4, place Saint-Louis, Versailles (78).

L'église Saint-Louis, consacrée en 1924, est un témoin privilégié du renouveau de l'art sacré au début du XXe siècle. La décoration est l'oeuvre des ateliers de Maurice Denis, figure des nabis (« prophètes » en hébreu) au même titre que Bonnard ou Vuillard. Si l'ensemble religieux le plus caractéristique et le plus complet de Denis se trouve à Saint-Germain-en-Laye, où il a entièrement rénové la chapelle du Prieuré, l'église Saint-Louis recèle quelques réalisations de cet artiste du symbolisme : Les Béatitudes aux écoinçons des grands arcs et la Glorification de Saint-Louis, au fond du choeur.— Marine Relinger

Infos pratiques : Lundi-samedi 10h-19h. 22, rue Faÿs, Vincennes (94).

Glorification de Saint-Louis, à l'église Saint-Louis, rue Céline-Robert, Vincennes (94)

Glorification de Saint-Louis, à l'église Saint-Louis, rue Céline-Robert, Vincennes (94) © Jean-Noël Leblanc-Bontemps


A lire
Trésors des églises parisiennes, de Bertrand Dumas. Editions Parigramme.
Les Couleurs du ciel : peintures des églises de Paris au XVIIe siècle. Editions Paris Musées.

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