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Jacques Delors appelle à poursuivre l’odyssée avec Athènes

Pour sortir de la crise grecque, seule la voie du compromis et de la solidarité est possible autour d’un plan en trois volets, estime l’ancien président de la Commission.

Publié le 03 juillet 2015 à 14h11, modifié le 04 juillet 2015 à 17h21 Temps de Lecture 3 min.

Par Jacques Delors, Pascal Lamy et Antonio Vitorino (respectivement président fondateur, président d’honneur et président de l’Institut Jacques-Delors).

Les négociations entre la Grèce et l’Union européenne (UE) ont généré depuis des semestres tensions et défiance qui ont atteint un niveau critique depuis l’arrivée au pouvoir de Syriza et à l’approche du référendum du 5 juillet. Ces négociations et ce référendum donnent lieu à des positionnements et à des jeux tactiques compréhensibles si l’on se place dans la logique des acteurs concernés, mais qu’il leur est désormais essentiel de dépasser pour se hisser à la hauteur des enjeux, aussi bien pour la Grèce que pour l’Europe. Chaussons les bonnes lunettes pour dresser le bon diagnostic.

La Grèce est dans une situation dramatique, qui s’aggravera plus encore si elle était conduite à faire durablement défaut sur sa dette, voire à quitter la zone euro.

A cet égard, sortir de la crise actuelle suppose qu’un changement de regard intervienne en Grèce : il requiert l’expression d’une volonté claire de rompre avec la Grèce des quarante dernières années, tout comme celle de résister à la tentation d’imputer l’essentiel des problèmes d’Athènes à des causes extérieures. Il requiert aussi que le gouvernement grec veuille bien considérer que la légitimité démocratique dont il est porteur ne saurait par nature s’imposer à celles qu’incarnent pareillement ses homologues européens. C’est à cette double condition que les autorités grecques seront davantage en capacité de prendre des engagements crédibles et suivis d’effets, selon un programme établi avec leurs partenaires. Nous comprenons l’impatience et les préoccupations de ces derniers, qui veulent rompre avec l’impression de déverser leur aide dans un tonneau des Danaïdes sans fond ni forme.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés La crise grecque, une guerre entre deux légitimités démocratiques

Pas seulement un drame national

Le drame grec n’est pas et ne sera pas seulement national : il a et il aura des effets sur l’ensemble de l’Europe, dont la Grèce fait partie intégrante par son histoire et sa géographie.

Il ne s’agit donc pas de s’en tenir à mesurer les conséquences économiques et financières plus ou moins limitées d’une sortie d’Athènes de l’union monétaire : il s’agit d’appréhender l’évolution de la Grèce dans une perspective géopolitique, comme un problème européen, et qui le demeurera. Ce n’est pas seulement avec des microscopes du Fonds monétaire international (FMI) qu’il faut regarder la Grèce, mais avec des jumelles onusiennes, c’est-à-dire comme un Etat appartenant à des Balkans dont l’instabilité n’a guère besoin d’être encouragée, en ces temps de guerre en Ukraine et en Syrie et de défi terroriste – sans oublier la crise migratoire.

Si l’on souhaite à tout prix s’en tenir à une vision financière, il est indispensable de souligner que la crise de liquidité actuelle de la Grèce est la conséquence d’une crise de solvabilité qui n’est elle-même que le symptôme de maux autrement plus profonds : ceux liés aux faiblesses d’une économie et d’un Etat qu’il s’agit de reconstruire sur la base de profondes réformes administratives, judiciaires, éducatives, fiscales, etc.

Faire honneur à la coopération et la solidarité

Il appartient à l’UE de prendre toute sa part dans cette reconstruction, en proposant à la Grèce un plan d’ensemble en trois volets. D’abord, une aide financière raisonnable pour permettre à la Grèce de restaurer sa solvabilité à court terme. Ensuite, une mobilisation des instruments de l’UE pour réanimer l’économie héllène et donc son retour à la croissance, qui allégera de lui-même le ratio dette/PIB de ce pays. Enfin, en mettant à l’ordre du jour sans tarder l’examen du poids de la dette grecque et des dettes des autres « pays sous-programme » dans un cadre européen, dès lors que les engagements de réformes pris sont tenus. Seul un tel plan global semble de nature à ouvrir des perspectives d’espoir et de mobilisation pour le peuple grec et ses autorités, et donc à les engager dans l’effort de reconstruction dont ce pays a besoin, et dont l’UE bénéficiera.

C’est parce que Ulysse avait l’espoir de retrouver Ithaque et Pénélope qu’il a eu le courage et l’énergie d’endurer dix ans d’épreuves, après celles de la guerre de Troie. C’est aussi parce que Grecs et Européens pourront regarder ensemble vers un avenir nécessairement commun et pressenti meilleur qu’ils trouveront les voies d’un compromis faisant honneur aux principes de coopération et de solidarité qui fondent la construction européenne.

Jacques Delors est l’ancien président de la Commission européenne (1985-1994).

Pascal Lamy est l’ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (2005-2013).

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Antonio Vitorino est ancien commissaire européen et ministre de la défense du Portugal.

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