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"La paupérisation des femmes passe au-dessus de la tête des politiques"

INTERVIEW - Le mécénat d'entreprise évolue et se professionnalise depuis dix ans. Tout comme la condition des femmes. Karine Guldemann, déléguée générale de la Fondation Elle, finance depuis bientôt onze ans des projets pour l'éducation et la formation professionnelle des femmes. Pour elle, le mécénat peut être "la bonne alternative quand l'Etat est déficient".

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Karine Guldemann et la dernière campagne de la Fondation Elle pour l'éducation des jeunes filles en Afrique.
Karine Guldemann et la dernière campagne de la Fondation Elle pour l'éducation des jeunes filles en Afrique. © Fondation Elle

Vous êtes à la tête de la Fondation Elle depuis bientôt 11 ans et vous participez, à ce titre, aux prochains Matins de l'Economie du JDD . Quels types d'actions mettez-vous en oeuvre?
La fondation a été créée en 2004 par la directrice de Elle de l'époque (Valérie Toranian, en poste de 2002 à 2014, Ndlr) qui revenait alors d'Afghanistan où elle avait lancé Roz, un magazine féminin fait par les femmes à Kaboul. Elle avait alors la conviction qu'on pouvait aller plus loin, en fondant une structure pour l'éducation et la formation professionnelle des femmes. Nos projets sont très variés : cela va d'"Elle solidarité mode" - qui permet à trois jeunes filles issues de milieux modestes de faire des études supérieures dans la mode - aux structures d'aide aux femmes en Tchétchénie, une guerre oubliée par les médias.

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Les violences faites aux femmes dans les zones contrôlées par l'Etat islamique ou Boko Haram sont médiatisées depuis un an. Des talibans en 2001 aux djihadistes de Daech de 2015, la condition des femmes s'est-elle dégradée en une décennie?
La condition des femmes est plus difficile partout. Certes, les discriminations sont encore plus nombreuses dans les pays en conflit. Le viol, comme arme de guerre, est malheureusement devenu légion. Pour la première fois, mardi, deux femmes ont été décapitées pour "sorcellerie" en Syrie. Mais, il ne faut pas oublier ce qu'il se passe chez nous. Les pays occidentaux sont toujours en proie à la crise économique. La radicalisation des opinions politiques, l'appauvrissement de la population implique des régressions. En Europe, les gens les plus pauvres sont souvent les mamans célibataires. Au cours du 20e siècle, nous avons remporté de grandes victoires, civiques et législatives. Depuis le début des années 2000, la situation se dégrade, même en France.

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La classe politique française agit-elle en conséquence?
La paupérisation des femmes leur passe au-dessus de la tête. Les politiques sont conscients que la crise économique fait des victimes, mais ils ignorent le creusement des inégalités hommes-femmes. Aujourd'hui, le secrétariat des Droits des femmes n'a d'activité que son nom. C'est là pour faire joli. A l'époque de Najat Vallaud-Belkacem , on avait de grands projets. J'ai été reçu plusieurs fois pour les évoquer et de nombreuses promesses nous ont été faites. Avant d'être oubliées aussitôt. Je n'ai plus vraiment de contact avec le gouvernement désormais. Je me concentre sur l'accompagnement du tissu associatif, toujours très actif.

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Le mécénat des entreprises peut-il compenser le manque d'engagement des politiques?
Le mécénat est un outil extraordinaire. Pourtant, en France, il y a une idée reçue qui nous fait du tort : les entreprises financent des associations pour faire de la com' ou autre raison pas forcément honorable. Je suis convaincue du contraire. Les entreprises ont une capacité d'action et d'adaptabilité qui peuvent leur permettre de changer les choses. Il faut construire un rapport gagnant-gagnant. Quand l'Etat est déficient, le mécénat constitue la bonne alternative. Et cela vaut aussi pour les projets publics : par exemple, le groupe Total est devenu le principal bailleur de fonds des programmes jeunes en banlieues.

Comment le mécénat a évolué en onze ans?
Il y a un vrai mouvement de société qui s'est enclenché face à la crise. Une économie du partage, compatible avec notre volonté de vivre-ensemble, s'est imposée comme un nouveau modèle. Cela va de pair avec une professionnalisation du mécénat. Les sites de crowdfunding ne permettent plus seulement à des artistes d'émerger. Les gens s'impliquent dans de véritables projets solidaires via le financement participatif. Demain, nous serons tous mécènes.

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Le Journal du Dimanche organise mercredi, en partenariat avec la banque ODDO&Cie et Accenture, la 7e édition des Matins de l’Economie du JDD sur le thème "Mécénat et Fondations : entre influence et démarche citoyenne". Suivez les échanges en direct sur twitter #MatinsEconomieJDD et retrouvez le compte rendu de l’événement dans le JDD du 12 juillet.

Source: leJDD.fr

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