Le moteur de recherche Qwant

Le moteur de recherche Qwant peut-il concurrencer le monstre Google?

Qwant.com/Capture d'écran

Korben, un des blogueurs les plus influents du monde informatique, ne jure plus que par Qwant. Ceux qui veulent protéger leur vie privée ont abandonné Google pour Qwant. Axel Springer, le groupe allemand qui a dénoncé Google parce qu'il ne faisait plus apparaître ses comparateurs de prix dans les résultats de recherche, vient de prendre 20% du capital de Qwant pour quelques millions d'euros. Najat Vallaud-Belkacem pourrait bientôt annoncer que Qwant junior, moteur de recherche sécurisé pour les enfants, a été sélectionné par l'Education nationale. Emmanuel Macron a carrément tweeté que Qwant était "un Google français en marche". Qwant est le petit moteur tricolore qui monte, qui monte.

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En France, patrie des droits de l'homme, Google est plus hégémonique qu'ailleurs: 92 % de part de marché, pour 68 % aux Etats-Unis, où Bing et Yahoo l'accrochent. En Europe, ne résistent à l'envahisseur que les portails russe (Yandex, 60 %) et tchèque (Seznam, 37 %). Google est devenu incontournable malgré trois défauts majeurs: il nous traque, il ne garantit pas la loyauté des résultats et il ne donne pas ceux issus des réseaux sociaux. Qwant fait exactement le contraire.

Les trois points où Qwant l'emporte

Première anomalie, donc: sur Google, depuis 2009, comme sur Bing ou Yahoo, nous sommes traqués. "Il faut bien vous connaître pour mieux vous servir", nous dit-on. Les Français s'offusquent que leurs présidents soient mis sur écoutes, mais ils ne se choquent pas de recevoir des publicités pour des hôtels vénitiens parce qu'ils ont écrit le mot "Venise" dans un e-mail de drague pourtant jeté depuis à la poubelle. Jusqu'au jour où leur femme remarque cet afflux de pubs vénitiennes... et ils comprennent que Google est un mouchard omniscient! "Dire qu'on se fout de la vie privée parce qu'on n'a rien à cacher, répète Edward Snowden, revient à dire qu'on se fout de la liberté d'expression parce qu'on n'a rien à dire!" Qwant s'engage, par construction, à ne pas nous traquer et se contente des pubs classiques sur sa partie shopping.

Deuxième faiblesse de Google: il n'indexe pas les réseaux sociaux, ce qui appauvrit les résultats de recherche. Exemple: en tapant "Dieudonné" dans Google, vous obtenez surtout des articles contre lui. Or, sur Facebook, des avis divergents s'expriment... que Google préfère ignorer, parce qu'il a créé Google+, alternative à Facebook! Qwant fournit pour chaque recherche un aperçu à 360 degrés des contenus Web, des médias sociaux, des actualités, des produits et des photos.

Troisième défaut de Google: il ne garantit pas la loyauté des résultats. Côté comparateurs de prix, on ne trouve plus que ceux proposés par Google Shopping... ce qui a mis en mauvaise posture Idealo, le comparateur d'Axel Springer. Quand Google Flights a été créé, Kayak ou TripAdvisor ont été "écartés". "Il y a quelques années, estime un spécialiste, 80% des résultats qui apparaissaient sur la première page étaient des résultats "naturels". Aujourd'hui, 18% seulement le sont." Le reste est orienté: Google dirige vers ses propres services ou vers ceux qui paient plus cher pour un meilleur référencement.

Plus de lobbyistes de Google que de salariés de Qwant

Eric Leandri, spécialiste de la sécurité informatique, a compris qu'une brèche s'ouvrait en 2009, quand Google a introduit les cookies (mouchards). Avec ses associés, Jean- Manuel Rozan et Patrick Constant, il a lancé Qwant en 2013. L'affaire Snowden leur a donné raison: depuis, une part du public cherche des alternatives à Google. Après avoir enregistré 1,5 milliard de requêtes en 2014, Qwant affiche une croissance de plus de 20% par mois depuis septembre; il emploie 60 personnes, pour un chiffre d'affaires encore peu significatif: 1,4 million d'euros.

Qwant ambitionne d'être le premier moteur européen. L'Union européenne s'y intéresse... mais il y a à Bruxelles le même nombre de lobbyistes payés par Google que de salariés de Qwant dans le monde! Pourtant, le nouveau venu serait très rentable avec seulement 5% des marchés français et allemand du "search". Google pourrait d'ailleurs avoir intérêt à le laisser monter en puissance, pour éviter les accusations de monopole...

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