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CHINE

Le soulèvement d’un "village du cancer" muselé par la police chinoise

Pour la première fois depuis une semaine, les habitants de Jinshan, district industriel au sud de Shanghai, ont renoncé à sortir manifester. Depuis le 22 juin, ils protestaient contre le projet de délocalisation d’une usine pétrochimique de Shanghai vers sa banlieue. Mais les autorités ont serré la vis quand les manifestants ont voulu se rassembler samedi dans le centre de Shanghai.

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Premier jour de manifestation à Jinshan, très encadrée par la police. Photo postée sur le compte weibo d'une manifestante.

Pour la première fois depuis une semaine, les habitants de Jinshan, district industriel au sud de Shanghai, ont renoncé à sortir manifester. Depuis le 22 juin, ils protestaient contre le projet de délocalisation d’une usine pétrochimique de Shanghai vers sa banlieue. Mais les autorités ont serré la vis quand les manifestants ont voulu se rassembler samedi dans le centre de Shanghai.

Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues de Jinshan selon un organisateur. Photo postée sur le compte weibo d'une manifestante.

Selon les chiffres des organisateurs, ils étaient plusieurs dizaines de milliers à défiler dans les rues de Jinshan la semaine dernière. Les manifestants portaient des masques anti-pollution pour dénoncer les risques sanitaires et environnementaux de l’implantation de cette usine. Certains ont brandi une banderole sur laquelle était écrit : " Oui à la ligne politique de Xi Jinping et du parti, mais non à l’installation de l’usine à Jinshan et non aux cancers".

"Oui à la ligne politique de Xi Jinping, non à la pollution." Capture d'écran d'un post weibo d'un manifestant à Jinshan.

L’usine pétrochimique Gaoqiao de Sinopec a été construite dans les années 1990 dans la zone industrielle de Pudong, à Shanghai. Plusieurs incendies survenus ces dernières années ont remis en question le fonctionnement des équipements de l’usine et inquiété les habitants de la zone. En mai dernier, après un énième incendie qui a fait sept blessés, l'usine a cessé ses activités. Il s’agissait du quatrième en 3 ans.

Les autorités chinoises ont toujours nié officiellement que le complexe serait réinstallé à Jinshan . Des journalistes ont toutefois réussi à obtenir la confirmation de ce projet par une source anonyme des autorités. Un terrain est par ailleurs en cours d’aménagement dans la ville, explique les habitants.

Les voitures policières mobilisées samedi 27 juin à la place du peuple à shanghai. Poste publié sur le compte weibo d'un de nos observateurs sur place.

Du 22 au 27 juin, plusieurs manifestations très encadrées par la police ont été organisées. Samedi, les manifestants ont voulu faire un sit-in sur la place du Peuple, en plein cœur de Shanghai "afin d’attirer l’attention des médias et d’obtenir une réponse du gouvernement" nous explique un des participants sous couvert d’anonymat. "Mais on a complètement échoué. La police a arrêté tous les bus venant de Jinshan et a vérifié nos cartes d’identité. Le parc de la place du Peuple était fermé au public et ceux qui ont réussi à se rassembler sur la place ont été embarqués dans des voitures de police vers Jinshan. Ceux qui ont le plus résisté ont été "rééduqués" pendant plusieurs heures et n’ont pu être libérés qu’après avoir signé une lettre les engageant à ne plus jamais participer à ce genre de rassemblement".

"Lettre de promesse : 1. Prendre conscience des erreurs commises en participants à cette manifestation. 2. Promesse de ne plus participer à l'évaluation des conséquences environnementales de ce projet d'installation d'usine. 3. Promesse de ne plus participer à ce genre de rassemblement contre des décision du gouvernement. Nom, numéro d'identité, adresse. Numéro de téléphone. Date de signature."

Photo postée sur le compte twitter d'une manifestante.

L’usine utilise du paraxylène (PX), un hydrocarbure facilement inflammable notamment utilisé dans la fabrication de bouteilles en plastique ou de produits en polyester. C’est ce même produit qui est à l’origine de plusieurs incidents dans des usines chinoises. Bien que le directeur de Sinopec affirme que le paraxylène n’est "pas plus dangereux pour la santé que le café ", l’exposition au produit provoquerait irritations, maux de tête et insomnies. Aucune étude ne permet actuellement de dire si le produit est cancérigène ou non, mais dans une ville où les maladies liées à la présence d’usines chimiques sont courantes, l’inquiétude est grande.

Sur les pancartes : "PX dehors ! ". Photo postée sur le compte weibo d'une manifestante

"La zone industrielle n’arrête pas de grandir "

M. Y est commerçant, habitant à Zengfeng, un village du district du Jinshan. Il a participé à plusieurs manifestations la semaine dernière.

Le cancer est tellement répandu dans mon village que tout le monde a au moins trois proches atteints. J’ai ma mère, qui a 66 ans, cancer du poumon. Mon oncle de 57 ans, qui a travaillé dans une usine pétrochimique, cancer du sang. Ma belle-sœur, 33 ans, cancer du sein. De 2006 à 2009, en seulement trois ans, il y a eu une trentaine de morts atteints d'un cancer sur 3 400 habitants du village, c’est sans précédent. [Chiffre publié par une étude d’un CHU à Pékin , soit plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale, selon Xinhua. NDLR]. L’Année dernière, notre village a été listé parmi les "centaines de village du cancer" par la presse, je ne suis même pas étonné. C’est la situation de toutes les familles ici.

La banlieue, victime du développement industriel chinois

Depuis les années 70, le district de Jinshan a toujours été une zone industrielle. Les villages de la zone, très pauvres, ont à cette époque accueillie les usines dont les grandes villes ne voulaient plus. Au début, ça nous a bien aidé économiquement, mais après on s’est rendu compte des conséquences environnementales. En 2000, les usines ont été rassemblées pour créer une zone pétrochimique sur la côte, puis cette zone est passée de 40 km2 à 60 km2 en 2006. En 2003, ils ont même commencé à utiliser une plage comme "une poubelle de déchets industriels à ciel ouvert ". Des personnes vivaient à 500 mètres et l’odeur était insupportable.

"Jinshan, comme plein d’autres banlieues des grandes villes, est une victime du développement industriel chinois. Je suis né et j’ai grandi ici, c’est vraiment triste de voir cette évolution. Les patrons d’usines travaillent avec l’État, donc ils trouveront toujours une place pour s’installer. Malgré toutes les contestations de ces dernières années, la zone industrielle n’arrête pas de grandir. Moi j’aurais voulu rester ici mais si ça continue, je vais tout faire pour partir le plus loin possible ou pour envoyer mes enfants ailleurs. "

Depuis 2007, des manifestations contre des installations d’usines pétrochimiques travaillant avec du paraxylène ont eu lieu dans plusieurs villes en Chine, notamment à Dalian et à Xiamen, où l’opinion publique a obtenu gain de cause. Les autorités locales ont décidé, suite aux manifestations, d’annuler les projets d’installation.

Cet article a été rédigé en collaboration avec Weiyu Tsien(@WeiyuQ), journaliste à France24

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