Les cadres étrangers ne sont pas tendres avec les Français: même s'ils apprécient l'accent mis sur la performance et le savoir-vivre de leurs collègues, ils déplorent une hiérarchie verticale et estiment se heurter à un plafond de verre.

La tribune d'une propriétaire de chambre d'hôtes publiée sur Facebook et relatant son intention de quitter la France connu un succès retentissant.

L'Express

Près de 100 000 partages et 130 000 likes. La tribune de Géraldine Lerch-Thuillier publiée le dimanche 5 juillet a connu un retentissement spectaculaire. Dans ces quelques lignes, la propriétaire de maisons d'hôtes dans le Vaucluse explique son intention de quitter la France pour s'installer en famille au Canada. "La France, c'en est trop, écrit-elle. La coupe est pleine nous te quittons pour un pays où la réussite est bien vue, où la création est encouragée." Un coup de gueule qui en rappelle d'autres et qui a visiblement fait écho. "J'ai écrit ce texte il y a deux mois mais j'hésitais à le publier car je craignais un peu la mauvaise publicité, explique Géraldine Lerch-Thuillier. Mais à un mois de notre départ pour le Canada, je me suis décidée.

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Ce départ, ils l'ont acté il y a un an. "Après la visite d'un agent de la DGCCRF nous expliquant que nous faisions de la concurrence déloyale avec notre seconde maison d'hôtes qui est déclarée comme un meublé de tourisme professionnel, nous nous sommes dits que nous en avions assez." L'emploi du terme "maison d'hôtes" entretiendrait une forme de flou, qui leur est reproché. "Je trouve ça ridicule, confie Géraldine Lerch-Thuillier. Mais l'affaire sera traitée par le tribunal de Carpentras, on verra bien."

Deux passages au tribunal

Un tribunal que le couple connait déjà puisqu'ils l'ont déjà fréquenté en 2011 pour une affaire les opposant à la mairie de Beaumes-de-Venise. "Nos quatre chambres marchaient bien et mon mari a eu l'idée de construire une cabane de luxe avec un spa. Le constructeur nous a dit que comme elle était sur pilotis, c'était démontable et ne posait aucun problème et en mairie, on nous a répondu qu'on pouvait bien faire comme on voulait."

Problème: le couple ne dépose pas de demande de permis de construire et ignore certaines règles. Les plusieurs procès-verbaux et arrêtés municipaux les enjoignant d'arrêter les travaux, ainsi qu'une mise en garde de la DDEA (direction de l'équipement) n'y font rien. Quelque temps plus tard, la mairie se porte partie civile et l'affaire se retrouve devant la justice.

Pour maître Jean-Marc Petit, avocat de la mairie de Beaumes-de Venise lors du procès, le couple était tout bonnement en infraction. "Ils n'avaient pas demandé d'autorisation ni de permis de construire pour cette cabane, ils avaient réalisé des travaux sur une zone inondable et ces fameux travaux n'étaient pas conformes au code de l'urbanisme."

Le tribunal correctionnel de Carpentras a condamné le couple en octobre 2011 à une amende de 4 000 euros et ordonné le rétablissement des lieux "en l'état antérieur" avec démolition de la cabane sous quatre mois. Un an plus tard, en septembre 2012, la cour d'appel de Nîmes a confirmé ce jugement et condamné le couple à payer 20 000 euros d'amende et à détruire la fameuse cabane. "L'amende était plus élevée car la cour a étudié les tarifs pratiqués par le couple dans cette cabane (entre 370 et 470 euros la nuit) et a adapté le montant en fonction", pointe maître Petit.

"Notre succès a fait des envieux"

Pour Géraldine Lerch-Thuillier, le couple a fauté par naïveté. "La zone inondable ne concerne qu'une partie de la cabane et elle n'est pas si dangereuse. Je pense que si on avait été de la région ou agriculteurs, on nous aurait donné l'autorisation", avance-t-elle. "Le code de l'urbanisme est trop lourd et mériterait d'être beaucoup allégé, reconnaît maître Jean-Marc Petit. Mais même s'il l'était, il n'autoriserait jamais de constructions dans une zone inondable comme celle-ci. Les municipalités brident parfois mais à juste titre car il y a de vrais dangers."

L'entrepreneure n'hésite pas à dénoncer "le climat de jalousie locale face à la belle réussite" des établissements de son couple. "Nous avons été très médiatisés et cette exposition a certainement fait des envieux. Mais moi je n'ai pas honte de notre réussite et des belles affaires que nous avons montées." Géraldine Lerch-Thuillier se dit lassée de la mentalité du village où elle habite. Qu'elle n'hésite pas à généraliser. "C'est pareil partout: en Bretagne, en Normandie, en Corse. Peut-être qu'à Paris les entrepreneurs souffrent moins de cette jalousie mais bon ils souffrent quand même de lois qui les empêchent d'avancer", lance-t-elle. Si la famille part à Montréal, elle conserve pourtant un de ses établissements, la fameuse maison d'hôtes des Remparts. Pour garder un lien d'affaires avec ce pays pourtant si retors? "Non, se défend Géraldine Lerch-Thuillier. Pour ne pas mettre Ludivine, qui gère la maison, sur le carreau car nous ne sommes pas certains que des repreneurs poursuivraient l'activité et la conserveraient."

Un curieux mélange de ras-le-bol professionnel et personnel

L'envie d'ailleurs du couple Thuillier ne date pas d'hier et repose également sur des motivations très personnelles. "Cela fait des années que je souhaite retourner vivre sur le sol américain où j'ai passé une partie de mon adolescence car mon beau-père était diplomate", précise-t-elle avant de partager son impatience à l'idée "d'enlever (ses) enfants du système scolaire français où ceux qui ne rentrent pas dans le moule ne peuvent que décrocher." Mais ce coup de gueule, curieux mélange de ras-le-bol professionnel, de considérations générales sur les difficultés d'entreprendre, de frustrations, sentiments et projets intimes et familiaux a pourtant suscité des milliers d'adhésions.

Un peu dépassée par l'attention médiatique dont elle fait soudain l'objet, la mairie de Beaumes-de-Venise, de son côté, s'est fendue mercredi d'un communiqué pour expliquer que dans cette affaire, elle n'avait fait "qu'appliquer la décision de justice rendue".

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