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ANGOLA

Emprisonnés pour des lectures sur la démocratie

Le 20 juin, les forces de sécurité angolaises sont venues arrêter Luaty Beirão, activiste angolais, à son domicile. Cette interpellation faisait partie d’un coup de filet au cours duquel 14 personnes ont été incarcérées, dont 13 à l’issue d’une réunion. Leur crime ? La lecture de textes considérés comme subversifs et que l’État assimile à un acte de “rébellion”, “une tentative de coup d’État” ou encore à des “crimes contre la sécurité nationale”.

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Luaty Beirão, Observateur de France 24 et activiste, ici dans l’émission diffusée en novembre 2014.

Le 20 juin, les forces de sécurité angolaises sont venues arrêter Luaty Beirão, activiste angolais, à son domicile. Cette interpellation faisait partie d’un coup de filet au cours duquel 14 personnes ont été incarcérées, dont 13 à l’issue d’une réunion. Leur crime ? La lecture de textes considérés comme subversifs et que l’État assimile à un acte de “rébellion”, “une tentative de coup d’État” ou encore à des “crimes contre la sécurité nationale”.  

 

Actuellement incarcéré, Luaty a entamé une grève de la faim le 31 juin. La majorité des personnes arrêtées le même jour que lui sont des activistes qui tentent depuis 2011 d’organiser des manifestations pacifiques contre le président Eduardo Dos Santos, au pouvoir depuis 35 ans. Le plus souvent, ces rassemblements sont empêchés par les forces de l’ordre au bout de quelques minutes. Les manifestants quand à eux sont régulièrement embarqués et parfois torturés.

 

Mais cette fois-ci c’est un simple club de lecture qui a été pris pour cible par les autorités. Selon le "Guardian" et les médias angolais, le gouvernement angolais a été particulièrement irrité par deux ouvrages. Le premier est "De la dictature à la démocratie" de Gene Sharp qui se présente comme "un manuel pour une résistance non violente aux régimes répressifs". Le second est signé de la main du journaliste angolais Domingos da Cruz, arrêté lui aussi pendant la réunion, et s’intitule “Les outils pour détruire une dictature et éviter une nouvelle”.

 

Quelques jours après ces arrestations, les autorités du pays ont accusé les détenus de "préparer des actions destinées à troubler l’ordre public et la sécurité du pays". Des accusations que les groupes de défense des droits de l’Homme angolais et internationaux réfutent en bloc, exigeant la libération des activistes.  

 

Mais cette issue semble aujourd’hui incertaine : le président Dos Santos a déclaré le 2 juillet, lors d’un meeting de son parti : "Nous ne devons pas laisser le peuple angolais subir les événements tragiques du coup d’État du 27 mai 1977". Cette date est lourde de sens pour de nombreux Angolais puisque la tentative de coup d’État contre le président d’alors avait été suivie par deux années de chasse à l’homme au cours desquelles des milliers de dissidents ont été tués par le MPLA, le parti au pouvoir depuis l’indépendance en 1975 auquel appartient Dos Santos.

"Le gouvernement a choisi le pire moment pour s’attaquer à ce groupe car le masque est en train de tomber"

Claudio Silva est un ami des activistes incarcérés.

Je me suis rendu à la prison le 3 juillet avec la femme de Luaty, son oncle et son cousin. Il est détenu là bas avec six ou sept autres activistes. C’était le jour des visites, on a pu rencontrer les familles des autres détenus. Luaty a pu parler 45 minutes avec sa femme.

 

Tous ces prisonniers sont en cellules individuelles. Des chambres minuscules dont ils ne sortent pas. Ils ont très peu de contacts avec le monde extérieur.

 

La prison où ils ont été placés est à 70 km de Luanda. C’est très difficile d’accès, notamment pour les familles les plus pauvres qui n’ont ni voiture ni une journée de travail à sacrifier pour s’y rendre. Un de mes amis, connu sous le nom de Mbanza Hamba, est détenu dans une autre prison et je n’ai pas pu le voir. Mais je sais qu’il a été sérieusement tabassé par la police.

"Ils n’arrivent pas à organiser une manifestation, alors un coup d’État !"

Mais pour une fois, nous avons la sensation que la société civile est solidaire avec eux. On entend des gens qui n’ont jamais parlé de politique commencer à évoquer ce sujet.

 

Car beaucoup de choses se sont passées depuis le début de l’année. En décembre dernier, notre économie était en pleine croissance, mais en 2015, le prix du pétrole s’est effondré. Les gens ont réalisé que notre système, qui ne s’appuie que sur l’exportation de pétrole, est un colosse aux pieds d’argile. Maintenant, on a du mal à faire sortir notre argent du pays et les prix des produits du quotidien augmentent. Plusieurs scandales de corruption sont venus s’ajouter à cela. Donc finalement, le gouvernement a choisi le pire moment pour s’attaquer à ce groupe car le masque est en train de tomber.

 

Les gens réagissent aussi à l’absurdité de la situation. Ce ne sont que des jeunes, la plupart sont des étudiants ou sont tout juste diplômés. Cela fait des années maintenant qu’ils essaient d’organiser des manifestations et la police les réprime systématiquement. Comment imaginer dans ces conditions qu’ils puissent organiser un coup d’État ? Personne ne croit à ces accusations.

 

Je ne sais pas ce que l’avenir leur réserve car nous sommes dans une zone de non-droit. La mobilisation est importante sur les réseaux sociaux mais si rien ne bouge on va devoir repenser notre stratégie.

 

François Hollande était en déplacement en Angola début juillet pour rencontrer des personnalités du monde des affaires. La question de ces détentions arbitraires n’a pas été abordée pendant ce voyage, pas plus que la question des droits de l’homme en général.

 

Billet écrit avec la collaboration de Brenna Daldorph (@brennad87) journaliste à FRANCE 24.

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