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Politique

Comment Montebourg veut empêcher Hollande de se représenter

Arnaud Montebourg reproche à François Hollande de ne s'être pas opposé dès 2012 aux intérêts de la seule Allemagne. Saluant le combat de Tsipras, il dépeint ce que devrait être à ses yeux un dirigeant aux valeurs d'une gauche digne de ce nom.
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François Hollande et le robot Nao
France's President Francois Hollande (L), flanked by French Minister for Industrial Recovery Arnaud Montebourg (R), holds an humanoid robot "Nao" from Aldebaran Robotics company as he visits an exhibition on French industrial design and technology at the Elysee Palace in Paris, September 12, 2013.
Charles Platiau/AFP PHOTO

Pierre à pierre, avec une belle obstination et une cohérence qu'on ne peut lui contester, Arnaud Montebourg élabore, de tribunes en interviews, une ligne politique en tous points contradictoire avec celle que promeut François Hollande. Le feuilleton grec vient permettre à l'ancien ministre du Redressement Productif de parfaire son réquisitoire et du même coup de préciser son projet. Dans Le Monde, il redit la faute originelle du président : ne pas avoir su s'opposer, dès 2012, à des intérêts qui ne sont pas ceux de la France et de l'Europe mais de la seule Allemagne. En saluant le combat d'Alexis Tsipras, il dessine, du même coup, ce que devrait être la prochaine bataille d'un dirigeant français pourvu qu'il soit attaché aux valeurs qui sont, à ses yeux, celles d'une gauche digne de ce nom.

Ce qui est intéressant chez Arnaud Montebourg, c'est moins le propos que l'ambition qui le sous-tend. A l'évidence, Habitat ne suffit pas à son bonheur. Moins d'un an après sa démission, Montebourg a des fourmis dans les jambes. Dans sa traversée du désert, il cherche déjà une oasis. Il expliquait, il y a à peine quelques mois, que son rendez-vous avec les Français serait celui de l'après 2017, au lendemain du désastre qu'il annonce sans cesse. C'est ce calendrier qu'il cherche désormais à accélérer en s'invitant dans le débat de la prochaine présidentielle avec le sentiment que l'Histoire est bonne fille mais qu'elle n'a pas l'habitude de repasser les plats. Arnaud Montebourg veut être candidat sans attendre. La seule question qui vaille est donc celle de la procédure qu'il entend activer pour satisfaire ce projet qui passe, de facto, par la liquidation de François Hollande.

Se présenter hors du cadre des partis politiques traditionnels...

Pour cela, il n'y a que deux solutions. Soit il se présente de sa propre initiative, comme le champion d'une autre gauche, hors du cadre des partis politiques traditionnels. Ce fut autrefois, l'option choisie par Jean-Pierre Chevènement, avec les effets que l'on sait. C'est celle que privilégie aujourd'hui, à sa façon, Jean-Luc Mélenchon avec le risque d'être jugé responsable d'une division suicidaire dont le résultat final serait un duel entre la droite et l'extrême droite reproduisant, à une toute autre échelle, le traumatisme du 21 avril 2002. Avant de s'engager sur cette voie ô combien périlleuse, il faudrait toutefois qu'Arnaud Montebourg sache se doter dans l'urgence, sinon d'un parti, du moins d'une organisation capable de soutenir une pareille campagne.

En a-t-il les moyens? A court terme, c'est douteux. Arnaud Montebourg a encore des amis au sein du PS. Les complicités dont il bénéficie au sein de ce qu'on appelle des frondeurs restent profondes. De là à les transformer en soutiens affichés dans une opération de nature scissionniste, il y a un sacré pas, surtout à l'approche des prochaines régionales. Le récent congrès de Poitiers a conforté la légitimité de la direction sortante du PS. Les militants ont voté. Arnaud Montebourg a préféré rester extérieur à cette compétition interne dont le résultat n'a été contesté par personne. Entonner aujourd'hui le chant du départ apparaîtrait comme un déni de démocratie. On voit mal, comment, sur ces bases, un candidat potentiel à la présidentielle pourrait susciter un élan suffisant pour poser les bases d'une campagne victorieuse. Sauf à imaginer que l'attente, dans l'opinion, d'une offre novatrice est à ce point puissante qu'il suffirait d'appuyer sur un bouton pour que se lève une armée montebourgeoise capable de renverser les structures vermoulues de la rue de Solferino et de redessiner, du même coup, le paysage interne de la gauche française. On en est loin. D'autant que sur ce créneau là, façon Podemos, les candidats sont déjà légions...

... ou choisir la solution de la primaire ?

L'autre solution – celle qui visiblement a les faveurs d'Arnaud Montebourg – est d'une nature plus conforme à ce que furent ses combats antérieurs. C'est celle de la primaire. L'ancien ministre du Redressement productif a été, avant 2012, le principal concepteur de cette procédure de sélection. La droite s'y est ralliée après que le PS l'a expérimentée avec un succès indéniable. La primaire figure désormais dans ses statuts. Elle est de droit. La réclamer, c'est se placer sous le drapeau de la démocratie interne. On voit bien cependant les problèmes concrets qu'elle soulève. Le principal est de contraindre un président sortant et encore en fonction à une compétition interne peut compatible avec ses responsabilités à la tête de l’État. Il y a là une difficulté que les artisans de la primaire, à gauche, avaient d'ailleurs repérée lorsqu’ils firent, après la présidentielle de 2012, le bilan de cette opération. Dans un rapport publié par Terra Nova et auquel Arnaud Montebourg avait prêté la main, ils avaient ainsi suggéré que "dans le cas d'un président sortant susceptible de se représenter, un vote militant soit organisé, un an avant la présidentielle pour suspendre ou maintenir l'organisation de la primaire". L'intention de la direction du PS est aujourd'hui bien plus radicale. Son projet manifeste est de se contenter d'un vote de son Conseil national – là où elle est largement majoritaire – pour renvoyer à d'autres occasions une compétition jugée contraire à ses propres intérêts et surtout assassine pour celui qu'elle juge le plus légitime à porter ses couleurs.

C'est ce verrou qu'Arnaud Montebourg voudrait faire sauter. Sur le papier, il n'en a guère les moyens. Là encore, le congrès de Poitiers est passé. Si l'opposition interne avait été plus forte, il aurait pu pousser ses relais pour faire du maintien de la primaire une des conditions d'une possible synthèse. Cette occasion a été loupée et elle n'est guère rattrapable. En se faisant, malgré tout, le gardien intransigeant d'une procédure qu'il a porté sur les fonts baptismaux, Arnaud Montebourg montre en fait qu'il n'a pas changé d'objectif mais qu'il s'est adapté à une nouvelle donne.

Un projet alternatif contraire à celui de Hollande et de Valls

Ce qu'il veut désormais démontrer, c'est que François Hollande craint la primaire parce qu'il n'est pas susceptible de la gagner. Arnaud Montebourg entend ainsi faire la preuve que la légitimité d'une nouvelle candidature du président sortant n'est pas aussi forte que ses soutiens le prétendent. Au fond, c'est le caractère inéluctable de l'option hollandaise qu'il prétend contester à partir d'un argument assez simple  : comment un homme qui n'ose même pas affronter les siens pourrait-il convaincre l'ensemble des Français de lui confier un nouveau mandat? La stratégie montebourgeoise est celle du doute qui brise l'évidence. C'est une stratégie d'empêchement dont l'unique objectif est de faire naître, au sein même du PS, des hésitations suffisamment fortes pour déstabiliser, le moment venu, François Hollande et le convaincre du même coup de renoncer à se représenter.

Dans ce travail de sape, Arnaud Montebourg utilise toutes les armes qui sont encore à sa disposition. Il offre à l'opinion de gauche un projet alternatif en tous points contraire à celui que défendent le Président et son Premier ministre. Il maintient, grandes ouverte, au sein de la majorité, les portes de la contestation. Il dénie au président sortant la capacité de rassembler sous son nom l'ensemble des familles de la gauche. Il utilise cette menace pour faire la démonstration que celui-ci est désormais l'obstacle principal au rassemblement de son camp sans lequel 2017 est perdu d'avance. Il propose, via la primaire, la seule solution capable de dénouer cette crise interne de la gauche. Dans cette perspective, il fait tout pour que François Hollande finisse par jeter l'éponge, quitte, le moment venu, à désigner Manuel Valls comme son héritier potentiel au cœur d'une compétition arbitrée par le peuple de gauche. C'est un rêve doublé d'un pari. Bref, une folie. Mais Arnaud Montebourg a-t-il jamais avancé autrement ?

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