Du parti de gauche à Nous citoyens, une dizaine de cadres et d'élus ont quitté leur parti au cours du mois de juin 2015.

Du parti de gauche à Nous citoyens, une dizaine de cadres et d'élus ont quitté leur parti au cours du mois de juin 2015.

L'Express

Ils s'appellent Jean-Marie Cavada ou Jean-Pierre Chevènement, siègent au parlement ou dans des instances locales, sont des élus nationaux ou de simples cadres. Ils sont huit et en un mois ont quitté leur parti. A chaque fois, la même critique de la politique à papa et le même rêve de bâtir un mouvement citoyen par-delà les clivages partisans.

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L'Express les a interrogés, en trois temps. Le passé: pour comprendre les raisons de leur départ. Le présent: pour évaluer leurs chances de s'unir sous une même bannière. Le futur: pour estimer la possibilité de voir émerger un Podemos à la française.

1. La rupture

Réunions à n'en plus finir, luttes internes et élections. La sainte trinité des formations politiques. "Les partis sont usés, déconsidérés, confisqués par des gens dont la priorité est d'être élus", regrette Jean-Marie Cavada, ancien président de Nous citoyens. "Le Parti socialiste n'est plus là que pour placer des élus. Il n'est pas structuré pour laisser la parole aux élus", juge Philippe Noguès, député frondeur, aujourd'hui sans étiquette. "Les partis sont devenus des machines électorales", complète Christophe Cavard, député du Gard, ex-EELV. Ses deux jours passés à Paris chaque semaine (mardi et mercredi) n'étaient que réunions de groupe ou d'appareil. "La gauche se trouve dans les manifestations. Passer des cortèges à Solférino, c'est le choc thermique", ajoute Liêm Hoang-Ngoc, démissionnaire du PS.

Fabien Marcot et Sylvie Aesbicher ont claqué la porte du parti de gauche (PG), "une structure construite autour de l'aura d'un seul homme, Jean-Luc Mélenchon". Ces deux cadres parisiens du mouvement ont assisté à "l'épuisement de militants", lassés de n'être que "de bons soldats", à qui on demanderait presque de "passer la nuit dans leur voiture avec un seau de colle".

Nous citoyens et Nouvelle Donne, construits pour révolutionner le monde politique, sont aussi concernés par cette série de départs. "Au prétexte de vouloir suivre une nouvelle façon de faire de la politique, les militants voulaient tout jeter de l'ancienne, constate amère Isabelle Attard, députée ex-EELV et désormais ex-Nouvelle Donne. Les réunions duraient des heures et les adhérents réclamaient une chose et son contraire, par exemple, un parti où tout partait de la base et un président qui décidait d'en haut."

2. Le flirt

Et maintenant, que vont-ils faire? Sylvie Aesbicher, ex du parti de gauche, lève les yeux au ciel: "Prendre des vacances." Elle est la seule. Les déçus des partis ne sont pas dégoûtés de la politique. Quand Jean-Pierre Chevènement annonce qu'il quitte la présidence d'honneur du Mouvement républicain et citoyen, il s'empresse de préciser qu'il ne s'agit pas d'un départ à la retraite et réactive son club de réflexions "République moderne".

Chacun invite ses voisins à s'unir à condition que ce soit sous sa bannière. Qu'a fait Liêm Hoang-Ngoc à son départ du PS? Il a créé la "Nouvelle gauche socialiste". A L'Express, Jean-Marie Cavada annonce travailler à une nouvelle plate-forme politique qui regroupera divers mouvements européens, syndicaux, associatifs ou politiques, dont l'organisation générale sera dévoilée à l'automne. Isabelle Attard s'intéresse aux initiatives citoyennes locales: "Il y a déjà trop de partis et puis, mes passages à EELV et à Nouvelle Donne m'ont servi de leçons." Elle s'est toutefois rendue au congrès du Parti de gauche (PG) et regarde d'un oeil attentif le "rassemblement citoyen pour les régionales".

Seuls quelques déçus des partis travaillent à un rapprochement. C'est le cas de l'ex-socialiste Philippe Noguès. "Je n'arrête pas d'appeler mes collègues et multiplie les rendez-vous", confie-t-il à L'Express. Son objectif est d'aboutir à la création d'un groupe à l'Assemblée d'ici la fin de l'année. Pour cela, il doit trouver quinze députés. "Je suis raisonnablement optimiste", dit-il. Le vivier se trouve en partie chez ceux qu'il appelle les "frondeurs" du groupe EELV.

3. Le mariage impossible

La devise des pourfendeurs des vieux partis pourrait être, dans un improbable mélange de français et d'espagnol: podemos pas grand-chose. Le regard tourné vers l'Espagne ou la Grèce, ils rêvent pour la plupart de créer une structure citoyenne à la hiérarchie la plus horizontale et la plus ouverte possible mais n'y parviennent pas.

"Il ne faut surtout pas attendre que la société civile nous rejoigne. C'est à nous, politiques, de les aider dans leurs actions locales", lance Isabelle Attard. La priorité de Liêm Hoang-Ngoc est de présenter des candidats aux régionales pour ensuite proposer une coalition à la gauche du PS. Christophe Cavard se place lui dans une logique de coopérative politique où "tout partirait d'en bas dans un esprit Podemos".

Seuls Fabien Marcot et Sylvie Aesbicher du parti de gauche croient encore à la forme traditionnelle des partis plus qu'à "l'organisation spontanée". Podemos? Très peu pour eux. "D'ailleurs, Podemos s'appuie de plus en plus sur une structure verticale derrière son leader Pablo Iglesias", note Fabien Marcot. Leur modèle se trouve du côté de Grenoble où un mélange de responsables de partis -EELV et le Front de gauche- et de citoyens engagés ont conquis la mairie face au PS et à la droite.

Chacun possède sa recette pour fabriquer un nouveau parti. Ce qu'Isabelle Attard résume ainsi: "Ce n'est pas parce que nous avons tous claqué la porte que nous partageons la même ligne." Et qu'ils parviendront à réinventer la politique.

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