Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Que risquent les contribuables français en cas de défaut grec ?

C’est devenu l’un des points clés dans le débat français autour de la Grèce : combien Athènes doit-elle à Paris, et combien la crise pourrait-elle coûter au contribuable ?

Par  et

Publié le 09 juillet 2015 à 14h05, modifié le 13 juillet 2015 à 06h52

Temps de Lecture 6 min.

Angela Merkel, Alexis Tsipras et François Hollande, mardi 7 juillet à Bruxelles.

Le coût supposé de la dette grecque pour notre pays atteindrait 600 à 700 euros par Français… Voici le chiffre anxiogène que l’on peut entendre ou lire ça et là, en cette période de crise grecque aiguë.

En réalité, cela ne signifie pas que les contribuables Français vont être mis à contribution pour rembourser chacun ces 600 euros de leur poche. En fait, ces 600 euros représentent une exposition : ils mesurent le risque que la France a pris en prêtant à l’Etat grec. Tâchons d’y voir plus clair.

Deux types de dette

Il faut tout d’abord comprendre qu’une dette, pour un Etat, n’est pas la même chose qu’une dette contractée par un particulier. La plupart des Etats sont endettés, parfois à des niveaux supérieurs à celui de la Grèce. Mais un Etat n’est pas une entreprise ni un individu : il ne va pas mourir ni risquer de fermer, et il génère forcément des richesses chaque année.

Une dette d’Etat ne se rembourse en général jamais totalement : à mesure que des emprunts arrivent à échéance, ils sont remplacés par d’autres, et ainsi de suite. En effet, les Etats émettent des bons du Trésor d’une échéance allant généralement de trois mois à dix ou quinze ans. Il leur faut donc émettre de manière permanente une proportion importante de leur dette et ce même s’ils ne sont plus en déficit budgétaire.

En pratique, la dette, ce sont des emprunts que l’Etat contracte auprès de divers acteurs, avec un taux d’intérêt plus ou moins élevé selon le risque que le prêteur estime prendre. Le risque de ne pas être remboursé, en totalité ou en partie est donc intégré ; c’est ce qu’on appelle un défaut.

La France est engagée auprès de la Grèce de deux manières :

  1. du fait de son engagement au sein du Fonds européen de solidarité financière (FESF). Ce fonds mutualisé européen, qui a financé Athènes après que le secteur financier lui a imposé des taux d’intérêt très élevés, rendant de facto impossible pour la Grèce d’emprunter sur les marchés ;
  2. du fait de prêts bilatéraux consentis par la France à Athènes (et donc empruntés par la France auprès des marchés financiers).

Les banques françaises, qui ont acheté beaucoup de dette grecque en début de crise, s’en sont désormais débarrassé en grande partie.

Que se passe-t-il en cas de défaut ?

C’est devenu l’un des points clés dans le débat français autour de la Grèce : combien Athènes doit-elle à Paris, et combien la crise pourrait-elle coûter au contribuable ?

Un emprunt d’Etat peut être de différents types : obligations, le plus souvent dans sa propre monnaie – négociables ensuite sur les marchés financiers –, mais aussi aides exceptionnelles du FMI ou d’autres organismes internationaux, généralement assorties d’un calendrier prévoyant les échéances de remboursement.

Faire défaut, pour un Etat, c’est donc ne pas honorer ses obligations, partiellement ou en totalité. La Grèce s’est en effet engagée, à chaque nouveau prêt des institutions internationales, à verser ses échéances selon un calendrier précis ; calendrier qu’elle a du mal à respecter. La Grèce a ainsi fait défaut mardi d’un remboursement dû au Fonds monétaire international (FMI).

Un pays ne peut pas se déclarer en faillite et liquider ses actifs, encore moins fermer, ou être saisi par une sorte d’huissier mondial (même s’il devra vendre son patrimoine national, ou nationaliser de façon unilatérale des biens qu’il avait privatisés). Ce qu’il risque, en réalité, c’est la perte de confiance des investisseurs. Tout emprunt futur pour se financer sera rendu extrêmement délicat.

Néanmoins, nombre de pays ont connu des défauts, partiels ou totaux : citons le Mexique au début des années 1980, la Russie en 1998, l’Argentine en 2001… Et s’en sont en général relevés.

Le Monde
-50% sur toutes nos offres
Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 11,99 € 5,99 €/mois pendant 1 an.
S’abonner

En réalité, le risque majeur est encouru par la Grèce elle-même : elle a fait défaut d’un paiement de 1,5 milliard d’euros destiné au FMI, ce qui en théorie la prive des aides futures du Fonds. A terme, si elle se lançait dans un défaut total et ne pouvait plus emprunter ni auprès des marchés, ni auprès des institutions internationales, elle serait contrainte de se financer sur ses seuls revenus nationaux, ce qui ne suffirait pas.

Dans quels cas le contribuable français serait-il sollicité ?

Ici encore, il est difficile d’être affirmatif : le chiffre le plus souvent cité, environ 42 milliards d’euros engagés par la France pour la Grèce, est, on l’a vu, un agrégat de deux types d’engagements bien différents.

Selon une note émise par le Sénat mercredi 9 juillet, le principal risque pour la France concerne le prêt bilatéral, qui n’a pas de garanties spécifiques. Si la Grèce faisait totalement défaut, ou sortait de l’euro, notre pays risquerait d’y perdre 11,4 milliards d’euros sur ses comptes 2015. Si l’on veut faire le fameux calcul, cela représente 175 euros par Français auxquels Il faudrait ajouter ensuite le non-remboursement des intérêts, qui représente des sommes moindres.

Le Sénat évoque aussi le risque, plus ténu, d’un défaut grec sur le FESF. Celui-ci représente une sorte d’union des pays européens pour paraître plus crédibles face aux marchés financiers : noté « triple A », il peut emprunter à des taux très bas.

C’est lui qui détient le plus de dette grecque : 130,9 milliards d’euros sur 312 milliards au total, soit plus de 40 %. Un défaut total du pays pourrait-il rendre le fonds moins attractif auprès des marchés, et donc affecter sa puissance d’action ? Difficile de le dire pour l’instant, mais le risque existe. Or, la France est engagée financièrement dans le FESF.

Dans les deux cas, un déficit exceptionnel dû à un défaut Grec n’entraînera pas automatiquement une hausse de la fiscalité des particuliers français. L’Etat dispose de divers moyens de combler ce trou dans ses comptes : baisses de crédits sur d’autres postes, fiscalité des entreprises, etc.

Les autres conséquences d’un défaut

Faire défaut, pour un pays, signifie qu’il n’est plus en état d’honorer ses obligations. Donc, en général, qu’il subit une grave crise. Cette crise a évidemment des conséquences induites. Par exemple, les entreprises françaises et leurs investissements en Grèce seraient victimes d’un ralentissement encore plus fort de l’économie hellène.

C’est là un des paradoxes de cette crise : pour rassurer les marchés et s’assurer que la Grèce ne plombe pas toute la zone euro, les dirigeants européens et le FMI exigent d’elle des réformes et des coupes budgétaires souvent douloureuses. Or, ces politiques d’austérité pèsent sur l’économie, et donc sur les rentrées fiscales de l’Etat Grec, qui a d’autant plus de mal à honorer ses obligations.

La plupart des économistes estiment d’ailleurs qu’un « Grexit » (une sortie de la Grèce de l’euro et un retour à la monnaie nationale, la drachme) coûterait environ deux fois plus cher à la zone euro qu’un nouvel allégement de la dette grecque : les Etats y perdraient les sommes prêtées de manière bilatérale, et le FESF des milliards d’euros.

La France bien plus exposée à l’Italie qu’à la Grèce

Dans une étude de 2012, la banque japonaise Nomura a calculé ce qu’il en coûterait à la France de sortir de l’euro. Selon elle, la France était exposée au risque grec, au total, à hauteur de 55 milliards d’euros, bien peu par rapport au risque italien ou espagnol.

L'exposition française 7 fois plus importante vis-à-vis de l'Italie que de la Grèce
Source : Nomura

Dans une version mise à jour, le 2 juillet, de son étude, Nomura estime qu’un « Grexit » provoquerait une dépréciation de la nouvelle monnaie nationale d’environ 40 %, ce qui impliquerait une hausse du coût des biens importés pour les Grecs.

Autre effet mécanique le poids de la dette publique, qui est libellée en euros (c’est dans cette monnaie que l’essentiel de l’emprunt grec a été émis), augmenterait, rendant un défaut d’Athènes plus probable encore. Les créanciers seraient alors plus ou moins contraints à accepter que leurs obligations soient converties en drachmes. Ce dont les créanciers ont conscience et qui fait qu’ils n’ont pas intérêt au « Grexit » : ils seraient remboursés en « monnaie de singe ».

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.