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« J’ai tout quitté pour vivre au Congo-Kinshasa »

Attirés par un salaire plus attractif, une meilleure qualité de vie et des carrières plus prometteuses, de nombreux Congolais de la diaspora retournent sur leur terre d’origine après leurs études. Dans le sens inverse des mouvements migratoires actuels.

Par  (contributrice Le Monde Afrique)

Publié le 09 juillet 2015 à 18h44, modifié le 10 juillet 2015 à 16h56

Temps de Lecture 4 min.

Le boulevard Lumumba, à Kinshasa, la capitale de la RDC, janvier 2015.

« La première impression, c’est qu’il y a tout à faire ici, s’enthousiasme Emile, 42 ans, senior manager d’Ecobank, élue « meilleure banque au monde des pays émergents » et « banque de l’année 2014 » sur le continent africain. C’est un sentiment fort de participer à quelque chose dont le potentiel est énorme, de construire une nouvelle Afrique, un meilleur Congo… »

Comme lui, après un séjour plus ou moins long en France, Magalie, 27 ans, et Rycky, 64 ans, ont fait le choix de tout quitter pour faire partie du renouveau de la République démocratique du Congo (RDC), ancienne colonie belge.

Ce mouvement migratoire dans le sens inverse des stéréotypes enchante les multinationales, contribue à la création de commerces par les locaux et favorise la formation d’une nouvelle élite.

Une destination privilégiée par sa diaspora

Avec son potentiel de salaires attractifs, de postes à responsabilité, de balades pittoresques et de cours de tennis, le rêve congolais séduit de nombreux candidats. Devenue une terre d’opportunités, la RDC est une destination privilégiée par sa diaspora. Riche en ressources naturelles et convoitées par les entreprises étrangères, elle est au centre des préoccupations énergétiques, politiques et économiques. « Tout le monde vient gagner de l’argent au Congo, alors pourquoi pas nous ? » se disent tous les Franco-Congolais candidats à l’expatriation.

Diplômés d’institutions européennes et nord-américaines, comme l’université des sciences et technologies de Lille 1, HEC Montréal ou encore l’université de Liverpool, ils sont attirés par leurs racines et ne considèrent plus leur départ avec inquiétude.

Relocalisé en Grande-Bretagne avec sa famille, Emile loge désormais au Grand Hôtel de Kinshasa, en attendant la venue de son épouse et de ses trois enfants. La France devient une destination de vacances, pour « se faire soigner » et manger ses plats préférés à volonté.

« Bana Poto », « Djika », « Bana Mikili » « Ba pros »… autant d’appellations pour désigner en lingala, la langue locale, cette nouvelle clientèle qui a les moyens. A « 20 dollars les 10 fraises, les 4 tomates et le paquet de céréales », l’Europe semble loin…

« Ce retour est un plus pour sa propre évolution, ne serait-ce que d’un point de vue socioprofessionnel et identitaire. Ce mouvement est difficile à chiffrer : il n’y a pas de politique de retour de la diaspora par le gouvernement, mais je ne pense pas qu’il en ait vraiment les moyens », analyse Sarah Demart, chercheuse en sociologie à l’université de Liège, spécialisée sur la question de la diaspora congolaise en France et en Belgique depuis dix ans.

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La différence de rémunération importante avec l’Europe, le niveau de vie plutôt bas, les avantages en nature et l’absence d’impôts sur le revenu sont des critères non négligeables pour envisager le retour au pays ou l’expatriation.

Locataire d’une maison située dans la commune huppée de La Gombe, à Kinshasa, Magalie profite avec son conjoint de ce cadre de vie privilégié. Après son master d’économétrie obtenu à Paris XVII et une année d’alternance au service de statistiques d’Air France, partir pour Kinshasa s’est présentée pour elle comme une évidence.

« Si on veut pouvoir espérer, être carriériste, vouloir évoluer sans stress et ne pas recevoir des courriers de mauvaises nouvelles dans sa boîte aux lettres, il faut s’expatrier, dit la jeune responsable des statistiques du service finance contrôle de gestion de la banque Rawbank. Le Congo est un pays chaleureux, où il est bon de vivre et de s’épanouir. »

La « diaspourri »

À l’inverse de leurs aînés, détenir la nationalité française, belge ou américaine n’est plus un passeport pour l’obtention de postes à hautes responsabilités. Ce passe-droit a longtemps laissé un goût amer chez les locaux.

Qualifiés par les Kinois de « diaspourri » après la chute du régime de Mobutu en 1997, « leur comportement politique n’était pas différent de celui des mobutistes partisans du dictateur en matière de gestion de biens publics, par exemple, mais aussi en matière d’arrogance », ajoute la sociologue.

« Je ne pense pas que le fait que je sois Français m’ouvre des portes, assure Emile. Ce sont mes compétences, et ma nationalité n’a rien à voir. Il en sera de même pour un Américain. »

Les connaissances acquises durant les études et la durée des stages – de 3 à 18 mois – de l’enseignement supérieur français sont de réelles valeurs ajoutées. « Les salaires sont très attractifs mais varient d’une personne à une autre. C’est à cause de cette variation que cela reste tabou, continue Magalie. Deux personnes au profil équivalent ne gagneront pas la même chose, et la différence, d’une entreprise à une autre, peut varier de 50 %. »

Il n’existe donc pas de réglementation unique sur ce marché de l’emploi qui est avant tout celui des multinationales, ce que déplorent les nationaux n’ayant pas étudié à l’étranger. Certains chercheurs parlent même de « multicrise » ou de « crise totale de l’ampleur » pour qualifier la situation congolaise.

Rycky, coordinateur du programme de gouvernance au sein d’une ONG internationale américaine, préfère rester lucide sur la fragilité de son pays d’origine. Très actif dans le milieu associatif pour les migrants en France et détenteur d’un doctorat en psychologie de la faculté de Lille 1, il vit en RDC depuis plus de dix ans.

« Les opportunités sont là, mais il est impératif de contribuer à la recherche de la paix et au développement intégral du pays », rappelle-t-il. S’il est une chose sur laquelle tout le monde s’accorde, c’est que le rêve congolais n’est pas accessible à tous.

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