Avis aux Français non inscrits, mais aussi aux « mal-inscrits » – ceux qui sont enregistrés dans une commune qui n'est plus leur lieu de résidence : le 31 décembre sera le dernier jour pour s'inscrire sur les (bonnes) listes électorales, condition nécessaire pour voter aux scrutins prévus en 2014 : les élections municipales des 23 et 30 mars et les élections européennes du 25 mai.
Ce long délai, qui impose de se préoccuper des conditions d'un vote bien avant que le scrutin soit d'actualité, est sans doute la principale incongruité de la procédure française d'inscription sur les listes électorales – « l'un des systèmes les plus lourds et contraignants du monde », comme le souligne une note de la fondation Terra Nova cosignée par le député PS du Lot-et-Garonne Matthias Fekl et publiée le 17 décembre.
Intitulée « Contre la crise démocratique, moderniser l'exercice du droit de vote », cette note, qui s'appuie notamment sur les travaux des professeurs de sciences politiques Jean-Yves Dormagen et Céline Braconnier, évalue les non-inscrits à près de 3 millions de Français, soit près de 7 % du corps électoral potentiel, l'équivalent du nombre cumulé de personnes inscrites à Paris, Lyon et Marseille. Selon certaines études de terrain, la « mal-inscription » pourrait quant à elle toucher environ 20 % des inscrits.
L'EFFET « DEVOIRS DE MÉMOIRES »
Des progrès sensibles ont toutefois été accomplis il y a quelques années. Depuis une loi adoptée en 1997 à l'initiative de Lionel Jospin, alors premier ministre, tous les jeunes de 18 ans sont inscrits d'office sur les listes électorales, l'Insee transmettant aux mairies les données issues des journées d'appel et de préparation à la défense (JAPD). Cette automaticité partielle n'a pas suffi. Selon Céline Braconnier, il subsiste encore aujourd'hui, auprès des jeunes concernés, un « vrai problème de compréhension et d'information » sur cette procédure.
Ce problème-là fut temporairement dépassé à l'automne 2005. Au lendemain d'une vague d'émeutes urbaines, une poignée de stars – dont Jamel Debbouze, Jœy Starr, Jean-Pierre Bacri, Lilian Thuram et Mathieu Kassovitz – s'étaient associées au collectif Devoirs de mémoires pour mettre leur forte audience au service d'un objectif : obtenir, en particulier auprès des jeunes de banlieues, des inscriptions massives sur les listes électorales. Très médiatisée, cette initiative a eu des résultats autrement plus spectaculaires qu'une campagne d'information classique.
Le souvenir du 21 avril 2002, qui vit le candidat de l'extrême droite Jean-Marie Le Pen se qualifier pour le second tour de l'élection présidentielle, avait pesé dans les consciences. L'approche du scrutin de 2007, l'engouement suscité alors par de nouvelles candidatures – celles de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal – ont également contribué à engendrer des inscriptions dans les mairies.
DES ÉLANS AUJOURD'HUI RETOMBÉS
Avec une hausse de 4,23 % par rapport à 2006, les inscriptions sur les listes électorales ont enregistré, en 2007, leur plus forte croissance annuelle depuis 1981. En deux ans, de 2005 à 2007, le taux national de non-inscription est passé de 10 % à 7 %. Selon Mme Braconnier, il aurait même diminué de moitié dans les quartiers populaires, pour atteindre environ 15 %.
Ces élans associatifs, médiatiques et civiques sont aujourd'hui retombés – on bute sur des paliers. « 7 %, c'est très bas pour un pays qui met en œuvre une procédure d'inscription volontaire », souligne Mme Braconnier, qui rappelle toutefois que de fortes inégalités restent à l'œuvre. Les plus touchés par la non-inscription sont les naturalisés français, les sans-diplôme et les jeunes hommes d'une trentaine d'années.
Les enquêtes de terrain qu'elle poursuit avec M. Dormagen tendraient à montrer qu'« il n'y a pas de volonté » des personnes non inscrites ou mal inscrites de rester en dehors du processus électoral. Les personnes qui, à la suite de leurs enquêtes, se sont inscrites sur les listes électorales, ont voté « dans les mêmes proportions que la moyenne nationale » aux élections présidentielle et législatives de 2012, souligne Mme Braconnier.
REPOUSSER LA DATE DE CLÔTURE DES INSCRIPTIONS
Le frein viendrait donc, pour l'essentiel, d'un manque d'information ou de la lourdeur de la procédure, ce à quoi s'attaque la note de Terra Nova. Sans omettre de rappeler l'existence d'« une crise démocratique profonde, caractérisée notamment par une défiance grandissante à l'égard des élus, des partis politiques et des “élites”, et par une montée du populisme », ce texte se concentre sur la question « d'apparence technique, voire logistique » des modalités d'inscription sur les listes électorales.
En vigueur dans plusieurs pays européens (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Italie, Pays-Bas), la procédure optimale – l'inscription automatique – est écartée par les auteurs, dans la mesure où elle repose sur une « obligation de déclaration domiciliaire qui n'est pas dans la tradition française ».
La note fait plusieurs autres propositions. La principale vise à repousser le plus tard possible la date de clôture des inscriptions, « jusqu'à dix jours avant le scrutin », afin de laisser un délai suffisant aux commissions administratives de révision des listes. Elle propose aussi d'étendre la procédure d'inscription d'office aux naturalisés français, et de généraliser la possibilité de s'inscrire par Internet.
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